La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

La baisse de 0,25% des taux objectifs de la Fed était tellement anticipée par les marchés obligataires qu’un report aurait sans doute provoqué un séisme. L’inconnue réelle portait donc plus sur les indications que la banque centrale allait donner sur la tournure à venir des événements.

De ce point de vue, le FOMC de cette semaine a pu sembler légèrement hawkish, en ce que, en vision médiane, les décideurs de la Fed ne prévoient plus de baisse pour 2020, là où les marchés de futures y croient résolument (probabilité, d’ici la fin de l’année, d’une baisse à 0,5 et de deux à 0,2). Ce décalage est assez fréquent et ce sont souvent les marchés qui l’emportent en fiabilité de prévision. Ceci peut surprendre (que les opérateurs soient meilleurs que les décideurs pour anticiper les décisions futures) mais, en réalité, les «dots» sont plus un moyen d’expression pour les membres qu’une estimation per se du résultat du vote futur. Anticiper une hausse d’ici la fin de l’année, comme l’on fait cinq participants, est ainsi une manière de renforcer leur opposition à la baisse de cette semaine.

Pour autant, une nouvelle baisse cette année reste le scénario central, ce qui représenterait un réajustement total «préventif» (c’est-à-dire non justifié par des données visibles d’inflation ou de chômage) de 0,75%, comme cela avait été deux fois le cas dans les années 90, Jerome Powell ayant d’ailleurs indiqué que ces épisodes historiques avaient été un succès. Les prévisions économiques de la Fed sont plus optimistes qu’en juin pour ce qui concerne la croissance (ce qui explique en partie l’opposition de certains membres à la baisse des taux) mais anticipent pourtant un retour plus lent de l’inflation vers l’objectif. Enfin, le FOMC garde inchangée à 2,5% son estimation médiane du taux neutre à longterme.

On notera d’ailleurs que l’écart entre cette estimation et les taux longs s’est accru. Là où le «r*» a été réduit de 25bp cette année, les taux longs ont baissé d’environ 100bp, une situation qui suggère une baisse substantielle de la prime par terme (écart entre l’anticipation des taux courts futurs et le taux long). De fait, la plupart des modèles théoriques de la courbe des taux estiment aujourd’hui que la prime par terme est largement négative aux US, de l’ordre de -1% à 10 ans, soit le plus bas jamais atteint. Les investisseurs à long terme acceptent donc des rentabilités nettement inférieures à l’espérance des rendements à court terme, tout en supportant des risques plus élevés de variation de prix (la volatilité des obligations croît avec leur duration). On peut expliquer cela par une perception particulièrement faible du risque de voir ressurgir un épisode inflationniste ou une période de croissance forte, le risque majoritairement perçu étant plutôt celui d’une déflation. Le rôle de la répression financière peut également être évoqué, avec la généralisation et la permanence des politiques monétaires ultra-expansionnistes dans les économies développés, de sorte que les taux longs sont beaucoup moins des anticipations, et deviennent un outil des politiques visant à lutter contre le déficit chronique de la demande.

Le président de la Fed a également commenté le sujet des tensions qui se sont développées sur le marché interbancaire, où les taux des Fed Funds ont dépassé la borne supérieure visée par la banque centrale. Des mesures d’urgence ont été mises en place: injection de réserves et réduction des taux d’opérations spécifiques offertes aux banques, afin de contribuer à maintenir les taux dans la fourchette objectif. Si ces mesures s’avéraient insuffisantes et si ces tensions s’avéraient structurelles, la question de reprendre la croissance du bilan se poserait, dans l’optique – dans un premier temps – de l’aligner avec la croissance de la masse monétaire. Dans ce cas, il apparaitrait que la sortie du QE et le retour à une situation «normale», sont assez délicats.