L’industrie éolienne pourrait améliorer ses marges pendant les deux prochaines années.

Par Martina Turner, gérante du fonds Quaero Capital Funds (Lux) – Accessible Clean Energy

 

Avec un gain de +0.3% au mois de mars qui porte la performance pour l’année en cours à +15.5%, le fonds Accessible Clean Energy (Classe C USD) a surperformé l’indice de référence NEX (Wilderhill New Energy Global Innovation), qui affiche une perte de -3.2%.

Grâce à des positions dans l’énergie éolienne qui totalisent 28.10% des actifs totaux (y compris les fabricants d’équipements et les purs producteurs d’énergie), nous avons littéralement eu le vent en poupe pendant le dernier mois. De fait, notre pondération dans ce secteur est plus de 150 points de base supérieure à celle de l’indice NEX et l’éolien a été le seul grand secteur de l’univers d’investissement à gagner du terrain pendant le mois. A l’inverse, d’autres secteurs comme le stockage de l’énergie ont reculé de 5.45%, du fait d’inquiétudes sur le développement macroéconomique et sur l’évolution des véhicules électriques chinois. De même, le segment de l’énergie solaire a perdu 7%, reflétant la poursuite de la baisse du prix des modules sur l’année en cours.

Le vent souffle dans les voiles de l’éolien

Au début de l’année, nous avions estimé que l’industrie éolienne pourrait améliorer ses marges pendant les deux prochaines années, grâce à un solide levier opérationnel découlant de dépenses d’investissement presque plates dans une période de très forte demande. La semaine dernière, le salon WindEurope 2019 nous a rendus encore plus confiants dans notre stratégie. En effet, chacune des entreprises que nous avons rencontrées a confirmé que les catalyseurs de l’industrie sont:

  • l’accent mis par les fabricants de turbines sur la production modulaire, ce qui permet une baisse des coûts ainsi qu’une production plus rapide et plus personnalisée, et donc de meilleures marges
  • la demande spectaculaire pour des projets éoliens offshore
  • un environnement de marché plus sain, grâce à la fin de la consolidation du secteur après la fusion des activités éoliennes d’Acciona avec Nordez et de Siemens avec Gamesa. Plus important encore, cette consolidation permet une diminution de la concurrence sur les prix.

Les trois plus grands acteurs du secteur sont d’avis que Senvion, jusqu’ici mal en point et au bord de la faillite après une longue guerre des prix sans merci, a désormais des chances de s’en sortir dans cet environnement.

La demande reste forte pour le solaire

En ce qui concerne la baisse massive dans le domaine solaire pendant le dernier mois, bien que la concurrence sur les prix puisse encore peser sur certains maillons de la chaîne de valeur de la technologie solaire, il n’y a aucun doute selon nous que la demande de la part des installateurs d’énergie solaire restera forte au niveau global.

De fait, les récents chiffres pour le 1er trimestre 2019 montrent déjà que le financement solaire est en augmentation d’une année sur l’autre et les estimations pour l’année entière sont ainsi en hausse, autour du niveau de 125 GW, ce qui laisse espérer une augmentation du solaire d’au moins 20% par rapport à l’an passé.

Peu de visibilité à court terme pour les véhicules électriques

A nos yeux, l’un des secteurs qui manque de visibilité à court terme est celui des véhicules électriques. Notre processus d’investissement se concentre clairement sur les marges bénéficiaires et notamment sur la capacité des sociétés à les améliorer à l’avenir. Or, la prise de contrôle par la Chine des composants critiques de l’industrie des véhicules électriques complique les perspectives et nous oblige à être plus sélectifs que jamais dans le choix d’un investissement potentiel. Nous restons toutefois convaincus que les véhicules électriques jouent un rôle essentiel dans la mobilité.

Le sommet de Nairobi confirme les arguments pour l’énergie propre

D’une façon générale, les arguments en faveur de l’énergie propre se renforcent chaque jour, en premier lieu grâce à un environnement politique favorable. Notre dernier rapport avait été rédigé pendant la 4ème Assemblée des Nations Unies pour l’environnement à Nairobi au Kenya, où nous avions été invités pour une table ronde consacrée aux solutions d’innovation financière pouvant attirer une partie des trillions de dollars dédiés par les signataires des principes pour l’investissement responsable des Nations-Unies (UN PRI) aux stratégies de réduction effective des émissions de carbone.

Avec une importante participation de plus de 5’000 institutions comprenant des multinationales, des banques, des trusts et des représentants des gouvernements, l’Assemblée (qui incluait le One Planet Summit organisé par la France) s’est ouverte sur une note sombre: 77% des Objectifs de Développement Durable sont encore hors de portée. En particulier, l’industrie chimique a complètement perdu de vue ses objectifs.

Le seul objectif atteignable est celui de l’énergie renouvelable. Afin de décarboniser la consommation globale d’énergie, les scénarios de développement durable prévoient une augmentation de la part de l’électricité dans la demande finale d’énergie. Les énergies renouvelables sont la solution et le sentiment d’urgence général pour des actions concrètes est bien réel.

Bien que notre fonds se limite à l’univers de l’investissement coté, il offre une liquidité quotidienne (presque tous les autres fonds établis investissent en des obligations «vertes» ou en private equity et donc dans des investissements bloqués sur plusieurs années) et il attire donc des capitaux exigeant de la liquidité dans les opportunités de transition énergétique.

Le point d’inflexion est atteint

Par ailleurs, les conditions économiques de l’énergie propre ont aujourd’hui atteint un point d’inflexion. Aux États-Unis, grâce à une étude approfondie, ce point d’inflexion constitue désormais un signal d’alarme pour les législateurs et autres parties prenantes. Cette enquête, surnommée l’étude du «coal cost crossover», conclut que, au cours de l’année 2018, 74% de l’énergie locale existante produite par du charbon pouvaient être remplacés par du solaire ou de l’éolien à proximité de façon plus économique pour les consommateurs. De même, d’ici 2025, 86% de l’énergie tirée du charbon pourraient être remplacés avec des économies immédiates. Ceci s’explique parce que le coût des énergies renouvelables est désormais inférieur. Selon la région où l’électricité tirée du charbon est produite, elle peut coûter 25% de plus de l’énergie solaire. Ces données arrivent à un moment où on pourrait voir une certaine déception face au rejet du nouveau deal vert («Green New Deal») et à la fin inévitable du soutien de crédit d’impôt en faveur de l’énergie éolienne et solaire.

En résumé, la demande d’énergie propre est forte et le restera. En 2019, le défi pour les entreprises du secteur sera la mise en œuvre. En tant que gérants, notre challenge reste le même depuis le lancement du fonds: sélectionner les bonnes technologies, qui permettront d’accélérer la transition énergétique, et les bonnes sociétés produisant ces technologies et qui répondent à nos critères d’investissement.