La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

Il y a un an, nous écrivions dans cette revue que «L’attention du marché devrait rester initialement focalisée sur le thème de la guerre commerciale», pensant que les élections de mi-mandat allaient rapidement inciter Donald Trump à la détente. Il n’en a rien été et le dossier s’est au contraire envenimé.

Le président américain a campé sur une position agressive, ne lâchant du lest que lors des pics d’aversion au risque, tandis que les Chinois sont apparus plus capables qu’initialement prévu de tenir tête aux Américains, grâce notamment à une demande intérieure suffisamment résistante. La guerre commerciale est désormais une donnée stable du contexte, provoquant un ralentissement de la croissance mondiale mais pas la crise tant redoutée, car les US «pilotent» les risques induits, leur capacité à supporter des conséquences intérieures négatives étant politiquement limitée.

Paradoxalement, la période de guerre commerciale n’a pas engendré, au contraire, de réduction de leur déficit commercial, les politiques de relance ayant favorisé la demande intérieure, sans que le côté offre de l’économie puisse croitre au même rythme. D’autres dossiers sont désormais malheureusement habituels. Celui du Brexit, piloté par Boris Johnson, devrait connaitre des rebondissements à très court terme, avec un risque clairement accru de sortie sans accord. Les situations politiques dans de nombreux pays, de l’Italie à l’Argentine, montrent toujours un appétit inquiétant des électorats pour les thèses populistes, une situation peu favorable à la bonne marche d’une économie mondialisée.

Sur le plan conjoncturel, si les US résistent aux effets récessifs de leur guerre commerciale grâce à des puissants soutiens budgétaire et monétaire et au statut de monnaie de réserve du dollar, le reste du monde, lui, ralentit assez nettement. En Europe et dans les émergents, la décélération est ininterrompue depuis le début 2018 et les différents indicateurs du cycle ne voient pas d’embellie à court terme. Le PMI manufacturier global est sous la barre des 50,0, tandis que la pente de la plupart des courbes des taux des économies développées a quasiment disparu (voir à ce sujet notre semaine en 4 graphiques).

Dans ce contexte d’anticipations pessimistes, les marchés se focaliseront sur la traduction – ou non – dans les données réelles des prévisions de ralentissement ainsi que sur les annonces de nouvelles politiques de soutien. C’est probablement de la Chine que l’on attend le plus, car les marges de manoeuvre des autorités y sont élevées et les besoins importants. En Europe, la BCE devrait mettre en application en septembre le gros de ses promesses de juillet (baisse des taux et reprise du QE), ce que reflètent les niveaux extraordinairement bas des taux souverains, et une baisse des taux de la Fed de 0,25% est également attendue en septembre. Aux US, l’idée de nouvelles baisses d’impôts a même été évoquée (avec peu de chances d’aboutir toutefois). Malgré l’appel insistant de ses partenaires européens et le ralentissement de son économie, l’Allemagne se refuse encore à envisager toute politique de relance.

Alors que la valorisation des actifs obligataires défensifs est très élevée et celle des actions plutôt raisonnables, les risques en cas de divergence par rapport au scenario central sont symétriques. Une résurgence d’inflation, ou une activité qui s’avèrerait plus forte qu’attendue pourrait avoir des conséquences très marquées. Ce risque pourrait être d’autant plus fort aux US que l’indépendance de la Fed a été minée par le président, qui a utilisé tous les moyens (pression directe, mais également instrumentalisation de la guerre commerciale) pour obtenir une baisse des taux dont la justification monétaire n’était pas évidente. Un deal surprise de Donald Trump avant les élections pourrait la prendre à revers.