Les Français débordent-ils d’anxiété comme les éditorialistes ne cessent de nous le répéter en cette période où il n’est question que de réforme des retraites, de grèves et de manifestations ? Sont-ils confiants dans leur capacité de dépense et leur situation financière future comme le dit l’enquête mensuelle de l’institut de statistiques? Au-delà de la perception, il y a des éléments objectifs à rappeler. Le chômage baisse depuis 2016. L’inflation est basse. Les choix budgétaires ont été recalibrés en réponse aux "gilets jaunes" pour soutenir le revenu disponible. Tout cela est normalement propice à un affermissement de la consommation.

Par Bruno Cavalier, Chef Economiste

 

France : opportunité de réaliser des achats importants

Une peur panique avait saisi les ménages français fin 2018 à mesure que s’étendait le mouvement des « gilets jaunes ». En deux mois, les intentions de dépenses en biens durables étaient tombées presque au même niveau de faiblesse qu’à la fin 2008, soit le pire moment de la crise financière. La réaction était exagérée mais elle s’est corrigée (graphe). Depuis quelques semaines, le climat social est à nouveau assez dégradé, avec des transports publics mis à l’arrêt ou largement réduits pour marquer l’opposition des syndicats à la réforme des retraites. Ce type de perturbations peut affecter transitoirement quelques secteurs mais ne laisse jamais une trace durable sur l’emploi ou la croissance. Ce n’est pas ça qui mettra l’économie par terre.

Quelle est la situation des ménages?

France : climat de l’emploi

L’année 2019 aura été marquée par une certaine faiblesse de la consommation, inférieure d’un point à la hausse du pouvoir d’achat, mais aussi par une reprise des dépenses d’investissement-logement1. C’est là plutôt un signe d’optimisme. En somme, les ménages ont pour l’instant épargné ce qu’ils avaient reçu au titre des mesures de soutien à leur revenu2. Sauf à penser que le niveau désiré d’épargne s’est accru de manière structurelle, les dépenses des ménages sont amenées à s’affermir au fil du temps. Les déterminants classiques de la consommation apparaissent positifs. Après la crise des « gilets jaunes », le gouvernement a acté que ses objectifs initiaux de réduction du déficit public étaient décalés. Il ne va pas changer de direction et monter les impôts alors qu’Emmanuel Macron est entré dans sa deuxième moitié de mandat. De plus, les conditions du marché du travail restent très favorables (graphe). Le rythme des créations d’emploi est fort, >250.000 par an depuis 2016. Sans doute va-t-il ralentir, mais il serait suffisant pour prolonger la baisse du chômage. L’INSEE et la Banque de France conviennent de ce point, malgré leurs prévisions conservatrices. La consommation devrait accélérer en 2020.

 

Sources : INSEE, Oddo BHF Securities


1. Voir notre Focus-France du 8 octobre 2019 : « Les Français déménagent »
2. Les principales mesures étaient la baisse de la taxe d’habitation, l’annulation de la hausse de la CSG pour les retraités et des hausses de taxe sur le carburant, la défiscalisation des heures supplémentaires.