Avec une capitalisation boursière combinée de 11'600 mia. USD, les bourses de Shanghai et de Shenzhen sont les deuxièmes au monde.

Par Marc Bindschädler, Client Portfolio Manager

 

Marc Bindschädler

Depuis que la Chine a ouvert et réformé son économie en 1978, son produit intérieur brut (PIB) a crû en moyenne de plus de 9% par an, sortant ainsi plus de 800 millions de personnes de la pauvreté1. En 2022, la Chine représentait un peu plus de 18,6% de l’économie mondiale, soit le deuxième PIB nominal mondial après les États-Unis2. Cette année, le FMI s’attend à ce qu’un peu plus d’un tiers de la croissance économique mondiale provienne de la Chine. Alors que la dernière décennie fut celle du «paradoxe chinois», avec un marché boursier qui ne suivait pas le rythme de croissance du PIB (+4,3 % de rendement annualisé pour le marché et +6,6% annualisé pour le PIB, du 31.12.2011 au 31.12.20223), la croissance des capitalisations et du poids des bourses de Shanghai et de Shenzhen a été très forte. Avec une capitalisation boursière combinée de 11 600 mia. USD, les bourses de Shanghai et de Shenzhen sont les deuxièmes au monde, derrière les bourses américaines NYSE et NASDAQ et leur capitalisation boursière combinée de 44 400 mia. USD4.

Le poids des actions chinoises dans l’indice MSCI Emerging Market a plus que doublé depuis 2011, passant de 15,3 % à 30,8 %t5. Or, les marchés de capitaux chinois n’étant pas encore ouverts à tous les investisseurs internationaux, la capitalisation boursière des actions cotées à Shanghai et à Shenzhen n’est pondérée que par un facteur d’allocation de 20%. Si ce facteur était porté à 100%, le poids de la Chine dans l’indice MSCI EM atteindrait 44%, soit presque la moitié de l’indice. Cela met en évidence un deuxième paradoxe du marché boursier chinois: il est à la fois dominant et sous-représenté.

Ces trois dernières années, cependant, la politique et l’économie chinoises ont changé. Le président actuel Xi Jinping cherche à établir une base durable pour une expansion continue de l’influence mondiale chinoise et à surmonter le «piège des revenus moyens» via une économie générant une forte valeur ajoutée et offrant un meilleur niveau de vie à sa population (prospérité commune). Les mesures de répression prises contre de grandes entreprises technologiques, comme Alibaba, montrent que l’inégalité des richesses et la domination d’entreprises privées sont mal perçues. Parallèlement, l’intérêt pour une économie socialiste planifiée semble s’accroître. C’est ce que montre la restructuration du PIB, qui délaisse les investissements en infrastructures et immobilier au profit de secteurs industriels stratégiques et de la consommation de la classe moyenne. Cette restructuration, qui risque d’entraîner une baisse du taux de croissance futur, suscite à juste titre de l’insécurité pour beaucoup d’investisseurs occidentaux.

Cinq types de réactions des investisseurs

Sur la base de ces évolutions contradictoires et de leur interprétation, les investisseurs cherchent à savoir comment incorporer la Chine dans leur portefeuille. L’approche ordinaire qui consiste à adopter un cadre d’actions des marchés émergents mondiaux (EM) incluant la Chine commence à être remise en question. À partir de nos conversations avec des investisseurs du monde entier, cinq grands types d’approches se dessinent:

1.    Prise de contrôle totale: des investisseurs veulent contrôler toute leur exposition aux actions chinoises via un objectif clair dans le cadre de leur allocation stratégique d’actifs (ASA). Ils peuvent ainsi modifier le niveau d’exposition selon leurs niveaux de confort, à la hausse ou à la baisse. Cela signifie séparer la Chine du portefeuille global des marchés émergents, un peu comme une allocation distincte en actions US à côté d’un portefeuille d’actions mondiales hors États-Unis. Même si elle est intuitive, mettre en place une telle approche dans un portefeuille actif n’a pas été simple ces dernières années, en raison d’une disponibilité limitée des produits.

2.    Limite d’exposition: avec une interprétation plus prudente ou un appétit moindre pour le risque, des investisseurs limitent la pondération aux niveaux actuels. Comme dans le premier cas, cette approche permet à l’investisseur une prise de contrôle, avec un plafond d’exposition aux actions chinoises au sein de son portefeuille global. Pour contrôler l’exposition, le meilleur moyen reste de séparer les actions chinoises de celles des pays émergents.

3.    Exposition réduite: certains investisseurs ciblant le très long terme s’attendaient à une baisse de la croissance chinoise, due à une détérioration de la démographie et à des opportunités de croissance structurelle relativement meilleures dans d’autres pays émergents, tels que l’Inde et l’Indonésie. Ils décident donc délibérément de réduire leur exposition à la Chine. Là encore, pour rendre cette option opérationnelle, il faut séparer la Chine des actions des marchés émergents mondiaux.

4.    Maintien du statu quo: dans ce scénario, l’investisseur, qui a examiné les problèmes, décide de continuer à investir dans un portefeuille mondial de pays émergents incluant la Chine. Il faut donc être à l’aise avec les scénarios suivants: un facteur d’inclusion des actions chinoises proche de 100 % et un marché des actions chinoises encore plus dominant à la fois dans l’indice de référence et dans le portefeuille.

5.    Exposition zéro: la cinquième option, la plus extrême, est la suppression totale des actions chinoises du portefeuille. Selon notre expérience, ce type d’approche est rare et, s’il est adopté, tend à être motivé par des opinions éthiques sur l’autocratie, les violations des droits de l’homme, la liberté d’expression et la surveillance sociale des citoyens. Avec cette approche, la question du rendement est bien ancrée chez l’investisseur, c’est-à-dire qu’il accepte consciemment la perte possible de rendement.

Se fier aux performances passées des marchés émergents hors Chine?

Changer la structure de votre portefeuille d’actions des pays émergents est une décision importante et il convient d’abord d’examiner la performance passée d’une approche hors Chine.

Commençons par le rendement annualisé pour la période 2002-2022 (en USD): l’indice MSCI EM affichait un rendement de 8,9%, contre 7,2% pour l’indice MSCI EM ex-China6, ce qui est logique au vu de la forte croissance économique chinoise, absolue et relative, durant cette période. Si l’on décompose le rendement – en fonction du bénéfice par action, de la croissance des bénéfices, de la variation de la valorisation (C/B) et des dividendes – on constate que les valorisations ont baissé de 2% par an, avec et sans la Chine. Sachant qu’une croissance plus faible justifie une valorisation plus faible, cela peut s’expliquer par la diminution (jusqu’en territoire négatif) de la prime de croissance de tous les marchés émergents, par rapport aux pays développés, durant cette période. En outre, ces cinq dernières années, l’indice MSCI EM ex-China a affiché une volatilité légèrement plus élevée.

Ainsi, on peut dire que le passage à l’«hors Chine» n’a jamais été payant. Cela dit, prévoir l’évolution du profil risque/rendement des pays émergents hors Chine est impossible.

2023.09.27.Rendements

2023.09.27.Ratio risque rendement

Exclure la Chine n’élimine pas nécessairement son influence

Une évolution à long terme des marchés émergents hors Chine pourrait être déterminée en examinant le lien entre la croissance démographique attendue, la croissance économique et la capitalisation boursière. Si la population de la Chine diminue, des décennies de forte croissance démographique sont prévues pour des pays comme l’Inde, le Pakistan, le Nigeria et l’Indonésie. Les économies en croissance démographique auront une forte croissance économique et – si le PIB par habitant inclut une hausse des revenus et de la richesse, investis à leur tour dans des actions via des fonds de pension – la capitalisation boursière pourrait même croître de manière exponentielle par rapport à la croissance de la population. Dans ce scénario, l’Inde dépasserait la Chine au niveau de la capitalisation à partir des années 2050 et les pays susmentionnés seraient plus fortement pondérés dans l’indice MSCI EM7. À noter toutefois que des pays émergents comme le Nigeria et le Pakistan ne sont pas encore ouverts à de nombreux investisseurs professionnels ou ne disposent pas encore d’un marché boursier conforme aux normes institutionnelles.

2023.09.27.Chine

Pour beaucoup d’économies émergentes, les importations et les exportations vers et depuis l’Occident sont bien plus importantes que celles vers et depuis la Chine. En outre, depuis la pandémie de Covid, le cycle économique de la Chine s’est découplé de celui des autres pays, ce qui a rendu les bénéfices des entreprises moins sensibles à l’évolution des bénéfices et de l’activité économique chinoise. Mais si les investisseurs renoncent, totalement ou partiellement, à la Chine dans leur approche des marchés émergents, ils ne doivent pas oublier combien son économie est imbriquée dans l’économie mondiale et dans celles des marchés émergents. La Chine est aujourd’hui le premier partenaire commercial de la quasi-totalité des pays d’Asie, d’Amérique du Sud et d’Afrique. Au Chili, par exemple, les deux tiers des exportations de cuivre, qui représentent 15% du PIB, sont destinés à la Chine8.

Quelle est l’approche la plus adaptée?

Pas de bonne ou de mauvaise réponse à cette question. Comme pour toute décision d’investissement, intégrer la Chine dans un portefeuille de pays émergents doit faire sens pour l’investisseur et correspondre à sa situation et à ses convictions.

Notre approche chez mtx est de fournir aux clients des outils pour construire le type de portefeuille d’actions EM qu’ils souhaitent. Nous offrons pour cela des stratégies multiples qui s’appuient sur une philosophie d’investissement cohérente et sur notre processus d’investissement à quatre piliers. Depuis fin 2021, ce fonds comprend une stratégie mtx EM ex-China pour séparer la Chine du reste d’une allocation en actions des pays émergents. Ce portefeuille présente le même style que celui que l’on peut attendre d’une stratégie mtx, à savoir de la haute qualité à des valorisations raisonnables, et peut parfaitement s’intégrer à l’exposition d’un client aux actions chinoises.

La Chine étant un acteur important de l’économie mondiale, son retrait total des portefeuilles de pays émergents est à déconseiller. Si les dernières années ont été difficiles pour le marché boursier chinois, supprimer totalement son exposition au deuxième plus grand marché mondial est, à notre avis, une décision extrême. Mais les solutions hors Chine permettent aux clients de prendre le contrôle et des décisions d’allocation adaptées à leur situation. Selon nous, la personnalisation accrue des approches d’investissement est une évolution positive pour les investisseurs.

 

1 Tel que mesuré par l’indice CSI 300. Source: La Banque mondiale, 20 avril 2023, https://www.worldbank.org/en/country/china/overview
2 Source: FMI, 1er mai 2023, https://www.imf.org/en/Blogs/Articles/2023/05/01/asia-poised-to-drive-global-economic-growth-boosted-by-chinas-reopening
3 Source: Vontobel Asset Management, Bloomberg, données au 31.07.2023
4 Source: MSCI, Bloomberg; données au 31.07.2023, https://www.statista.com/statistics/270126/largest-stock-exchange-operators-by-market-capitalization-of-listed-companies/
5 Source: MSCI, Bloomberg; données au 31.07.2023
6 Source: Vontobel Asset Management, Factset ; données au 31.05.2023
7 Source: Goldman Sachs Investment Research, Le chemin vers 2075 — Taille du marché des capitaux et opportunités, 08.06.2023
8 Source: S&P Global Ratings, https://www.spglobal.com/ratings/en/research/articles/230201-which-emerging-markets-benefit-the-most-from-a-reopening-in-china-12623592#:~:text=The%20emerging%20markets%20(EMs)%20that,and%20include%20Thailand%20and%20Vietnam.


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