Investir sur les marchés émergents implique de garder un œil sur la Chine. Du moins, pour le moment.

Fin juillet 2021, la Chine représentait près de 35% de l’indice MSCI Emerging Markets, loin devant la Corée du Sud qui représentait à peine la moitié de ce pourcentage1. La Chine était également le pays le plus important de l’indice FTSE Emerging Markets Broad Bond, dont elle représentait près de 20%. Encore une fois, la part du Mexique, le deuxième pays par ordre d’importance, comptait pour moins de la moitié de ce chiffre2.

L’inexorable montée en puissance de l’économie chinoise au cours de la dernière décennie signifie que quiconque souhaite investir dans les marchés émergents devra d’abord tenir compte de la Chine. En général, les marchés émergents sont dans une certaine mesure dépendants de la Chine, et c’est encore plus vrai pour les économies émergentes asiatiques telles que la Thaïlande, le Vietnam ou encore les Philippines.

Evaluer les risques et les opportunités

Bien comprendre l’environnement économique chinois nécessite aujourd’hui d’évaluer les risques et les opportunités liés à deux thèmes principaux : la croissance et la réforme réglementaire en cours. Toutefois, les résultats de ce type d’évaluation dépendront très probablement de la durée. Les obstacles à la croissance sont évidents, tant sur le court terme que sur le long terme. La croissance annuelle du PIB de la Chine a accusé un certain ralentissement, passant d’un pic de 14% en 2007 à un taux à un chiffre aujourd’hui3. La crise du Covid-19 a fait chuter le taux de fécondité à un niveau record de 1,34, tandis que le recensement de 2020 a révélé que près de 20% de la population a désormais plus de 60 ans, un chiffre qui devrait s’étendre au tiers de la population d’ici 20335. La Chine est également aux prises avec des clusters de contaminations au variant Delta et a réimposé plusieurs confinements au niveau local, ce qui augmente le risque d’un ralentissement de la reprise dans la première économie à avoir été touchée par la pandémie.

Le spectre d’un durcissement de la réglementation et de la réforme constitue un autre obstacle de taille. Les tentatives audacieuses du président Xi pour réformer tous les domaines, de la corruption politique au secteur privé, en passant par le marché immobilier et le système bancaire parallèle, ont souvent été édulcorées, voire annulées, face à certaines conséquences inattendues. Les restrictions réglementaires qui ont commencé à s’appliquer aux fintechs telles qu’Alibaba et Tencent ont été récemment étendues au secteur de l’éducation, dans le but avoué de contraindre les sociétés de soutien scolaire à devenir des organismes à but non lucratif. Le 26 juillet, jour où l’annonce a été faite, l’indice Hang Seng a plongé de plus de 5%6. En août, Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) a supplanté Tencent en tant que société la plus importante d’Asie, après la chute du cours de l’action de Tencent de 42% par rapport à son pic de février7.

Si la campagne du président Xi pour la « Prospérité commune » axée sur la redistribution des richesses s’avère fructueuse, les investisseurs devraient s’attendre à davantage de perturbations réglementaires et politiques sur le marché.

Tandis que les obstacles sont évidents, les opportunités le sont tout autant. La Chine compte près d’un milliard et demi d’habitants, son économie intérieure est en plein essor et elle semble en voie d’éviter le piège du revenu intermédiaire dans lequel sont tombés des pays comme l’Afrique du Sud et le Brésil. Les services représentent désormais plus de la moitié de son produit intérieur brut et le pourcentage de la population active ayant une formation universitaire a doublé au cours de la dernière décennie. Le gouvernement en place a favorisé d’énormes investissements dans la recherche et le développement, la Chine s’imposant comme le leader mondial de l’innovation en matière de thérapie génique8, pour ne citer qu’un exemple.

Cependant, en cas d’échec des mesures de soutien chinoises à la croissance et de frilosité des investisseurs internationaux face à la répression réglementaire actuelle, les marchés émergents seront-ils influencés ? Pas nécessairement. Après tout, ce n’est pas parce que les indices sont dominés par la Chine que les portefeuilles doivent l’être. Qui plus est, la récente pandémie risque d’avoir des effets structurels profonds sur l’économie mondiale et sa chaîne d’approvisionnement, ce qui pourrait créer des opportunités découplées de la trajectoire de la deuxième économie mondiale, comme l’indique une analyse de l’histoire récente.

L’approvisionnement en souffrance : repenser l’ensemble de la chaîne

NATIXIS - James Beaumont«La pandémie a bouleversé les chaînes d’approvisionnement mondiales et pourrait finir par changer la façon dont les pays envisagent la distribution des biens et services de première nécessité.» James Beaumont, Head of Multi Asset Portfolio Management, Natixis Investment Managers Solutions

La pandémie de Covid-19 a semé le chaos dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Ce qui a commencé avec des pénuries de papier toilette dans les premiers jours a évolué en pénurie totale, des voitures d’occasion au bois de construction en passant par les métaux et les semi-conducteurs. Le concept de relocalisation avait déjà été évoqué aux États-Unis sous le président Trump, qui avait promis de rapatrier la production, et donc les emplois, aux États-Unis. Dès 2019, la part de la Chine dans les importations américaines avait diminué de 4 points de pourcentage9. Toutefois, la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement mondiales a d’abord été mise en évidence par la pandémie, puis par le blocage du Canal de Suez par le porte-conteneurs Ever Given. Il se pourrait donc que d’autres pays suivent le mouvement, notamment en ce qui concerne les biens et services considérés comme essentiels.

Une tendance potentiellement déconcertante, plus répandue parmi les sociétés qu’au niveau des instances gouvernementales, concerne les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Les évaluations et les rapports ESG imposés aux sociétés signifient que la chaîne d’approvisionnement complète d’une société sera toujours plus analysée lors de l’attribution de la notation. La relocalisation des chaînes d’approvisionnement loin des pays marqués par une faible gouvernance d’entreprise, la production électrique à forte intensité de carbone et les normes peu strictes en matière de droits des travailleurs, pourrait permettre non seulement d’éviter le risque de réputation posé par les acheteurs et les fournisseurs, mais également d’améliorer la notation et l’accès aux capitaux.

S’il est clair que ces changements n’interviendront pas du jour au lendemain, ils pourraient constituer des conditions extrêmement favorables pour des pays comme le Mexique, la Corée du Sud10 et le Vietnam.

En résumé. Un guide pour l’investisseur.

«Court terme : la sélectivité est essentielle.» James Beaumont, Head of Multi Asset Portfolio Management, Natixis Investment Managers Solutions

Alors que l’accès aux vaccins et leur disponibilité dans les pays développés ont permis à des pays comme Singapour, Israël, le Canada et le Chili d’atteindre des taux de vaccination de la population supérieurs à 60%11, la situation est bien différente pour les pays émergents. L’Inde se remet d’une deuxième vague épidémique qui a été 4 fois plus importante que la première. La Russie, le Mexique et la Turquie subissent quant à eux une troisième vague avec des taux d’infection record. La Thaïlande a, quant à elle, revu à la baisse ses prévisions de croissance du PIB pour 2021, une vague d’infections survenue en juillet ayant entraîné la fermeture de plusieurs usines, compromis le retour des touristes et affaibli la demande intérieure.

À mesure que les taux de vaccination et l’état de santé des populations infectées s’amélioreront, la reprise des marchés émergents devrait être en mesure d’offrir des opportunités sélectives aux investisseurs en obligations et en actions. Toutefois, comme nous l’avons mentionné précédemment, les investisseurs devront certainement garder un oeil sur les perspectives de croissance et de réforme du marché chinois. Pour l’instant, il semble qu’un certain nombre d’obstacles subsistent, notamment le ralentissement de l’économie chinoise et la répression réglementaire en cours, mais aussi la persistance de plusieurs clusters qui empêchent une réouverture complète. Compte tenu des perspectives largement pessimistes, les investisseurs pourraient donc vouloir garder un oeil sur les points d’entrée intéressants à long terme.

«Long terme : l’importance de la croissance structurelle.» James Beaumont, Head of Multi Asset Portfolio Management, Natixis Investment Managers Solutions

Pour les raisons évoquées plus haut, l’intérêt du long terme sur les marchés émergents est beaucoup plus évident et moins dépendant d’une embellie éventuelle de la croissance chinoise. Au cours des 30 dernières années, les marchés émergents ont non seulement dépassé de manière substantielle les pays développés en termes de croissance économique12, mais aussi souvent en termes de rendement boursier13. À plus long terme, les moteurs de croissance structurelle – tels que la transition économique durable de l’industrie manufacturière d’exportation vers les services domestiques, l’augmentation du revenu individuel et la maturation des modèles de consommation, ainsi qu’une main d’oeuvre en meilleure santé, plus instruite et mieux connectée – semblent tous devoir se poursuivre alors que le monde émergent sort de la pandémie. Si l’on ajoute à cela les tendances émergentes telles que le découplage de la chaîne d’approvisionnement et la prise en compte des facteurs ESG, les pays en développement offrent une multitude d’opportunités aux investisseurs.

La volatilité et la dispersion transversale accrues des marchés émergents peuvent créer des opportunités pour les gérants actifs capables d’identifier les secteurs, les industries et les sociétés gagnants de demain qui offrent les plus hauts rendements potentiels. Il n’est dès lors guère surprenant que 82% des actifs nets en obligations et 64% des actifs nets en actions des marchés émergents mondiaux soient investis activement. Ces chiffres atteignent respectivement 94% et 87% pour les investissements en Chine.

 

Achevé de rédiger le 30 septembre 2021.

 

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site Natixis Investment Managers


1. Source : MSCI au 31.07.2021
2. Source : FTSE Russel au 31.07.2021
3. Source : Banque mondiale
4. Source : National Bureau of Statistics (mai 2021)
5. Source : Office of the National Working Commission on Aging (juillet 2018)
6. Source : Bloomberg au 26.07.2021
7. Source : CNBC.com au 18.08.2021
8. Source : Pacific Bridge Medical (juillet 2020)
9. Source : « Decoupling US-China supply chains: High tech on the move » par Michiel van der Veen (juillet 2020)
10. On notera avec intérêt que si MSCI classe toujours la Corée du Sud parmi les marchés émergents, FTSE Russell l’a classée parmi les marchés développés en 2009.
11. Source : Natixis Investment Managers Solutions, Our World in Data au 15.08.2021.
12. Source : IMF DataMapper
13. « The Future of Emerging Markets » de Dimitris Melas – MSCI Research Insights (avril 2019).

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