La crise russo-ukrainienne a engendré une forte volatilité sur les marchés actions. Cet évènement est-il de nature à remettre en cause, à moyen terme, la rotation de style favorable à la Value qui s’est enclenchée en début d’année?

Par Anthony Bailly et Vincent Iméneuraët, Gestionnaires actions européennes

 

Nous pensons que, si ce nouveau choc aura bien sûr un impact sur la croissance, il devrait rester limité, et ne devrait pas interrompre la hausse des taux qui a favorisé le style Value depuis le début de l’année. En ce sens, la sous-performance récente marquée des secteurs cycliques par rapport aux secteurs défensifs pourrait s’inverser rapidement en cas d’apaisement des tensions géopolitiques.

Quels sont les impacts macroéconomiques du conflit?

ROTHSCHILD AM - Anthony Bailly
Anthony Bailly

L’invasion de l’Ukraine par la Russie et les sanctions occidentales qui en ont résulté ont eu des conséquences sur les perspectives macroéconomiques en Zone euro. Le consensus intègre désormais un scénario d’inflation plus durable et une croissance plus faible, impactée par la hausse des prix des matières premières, des tensions supplémentaires sur la chaîne logistique et une confiance entamée des ménages.

Quelle que soit l’issue de la guerre, rapide ou non, il paraît en effet peu probable que les sanctions mises en place contre la Russie soient levées à court terme. Cela se traduit d’ores et déjà par une hausse des prix de l’énergie, véritable courroie de transmission du conflit à la Zone euro, ce qui renforce le régime inflationniste à court/moyen terme. Les déclarations récentes des banques centrales ont montré que la lutte contre une inflation qui s’installe dans la durée était leur priorité, en conséquence de quoi la normalisation des politiques monétaires devrait se poursuivre. Par ailleurs, les nouvelles émissions de dettes pour financer l’indépendance énergétique et militaire européenne vont intervenir au moment où la BCE va réduire son programme de rachat, ce qui devrait accroître la pression à la hausse sur les taux européens.

ROTHSCHILD AM - Vincent Iméneuraët
Vincent Iméneuraët

Concernant la croissance en Zone euro, la plupart des économistes ont revu leurs prévisions à la baisse de l’ordre de 1,5% en intégrant un cours moyen du baril supérieur à 100 dollars sur l’ensemble de l’année 2022. La croissance attendue pour 2022 se situe donc désormais autour de 3% (3,0% pour JP Morgan(1), 2,9% pour UBS(2), 2,5% pour Goldman Sachs(3)) ce qui demeure encore bien supérieure au potentiel de long terme (1% – 1,5%)(4). Ceci ne corrobore pas le scénario de stagflation qui semble être peu à peu intégré par le marché au regard de la sous-performance récente des secteurs cycliques.

Si nous ne remettons pas en cause le scénario d’une inflation qui devrait demeurer élevée, nous sommes convaincus que la croissance devrait rester dynamique. Nonobstant les tensions actuelles, rappelons que les moteurs de la croissance restent, par ailleurs, puissants: (i) le niveau d’épargne des ménages toujours à un niveau élevé (environ 6 points de PIB dans la Zone euro), (ii) la nécessité de reconstituer des stocks qui sont tombés au plus bas historique post-Covid-19, (iii) les investissements nécessaires à la remise à niveau de l’appareil productif et (iv) le déploiement des plans de relance en Zone euro, qui devraient, en outre, être renforcés par les récentes annonces liées à l’indépendance énergétique et militaire de l’Europe.

Comment le marché a-t-il intégré ces tensions?

Après une chute de 12%(5) entre le début du conflit le 24 février et son point bas le 8 mars, l’Eurostoxx a depuis quasiment effacé cette baisse, les investisseurs intégrant peu à peu un scénario de désescalade. Cependant, depuis l’invasion russe, la sous-performance des secteurs cycliques par rapport aux secteurs défensifs (-7 points selon Goldman Sachs) montre que le marché intègre un scénario pointant vers une contraction de l’économie.

À titre d’illustration, le secteur bancaire a ainsi quasiment effacé toute sa surperformance relative du début d’année en perdant 33%(5) par rapport à son point haut de mi-février, ramenant sa valorisation en dessous de celle de 2019 avec un P/B (prix/actif net) de 0,6x alors même que les taux européens sont au plus haut depuis fin 2018 (taux 10 ans allemand à plus de 0,45%(5)). Cela implique une remise en cause de la progression de la marge d’intérêt (malgré la normalisation des politiques monétaires) et une hausse des défauts à venir qui auraient pour conséquence la reconsidération des programmes de retour de cash aux actionnaires. Cela nous semble excessif au regard de l’environnement macroéconomique décrit précédemment et des bilans particulièrement solides du secteur.

Autre exemple de secteur cyclique particulièrement impacté: l’automobile. Malgré le niveau de marge particulièrement élevé du secteur en raison d’un effet prix/mix favorable et d’une forte capacité à passer les hausses de prix en 2021, le marché a fortement sanctionné les titres, intégrant un scénario qui cumulerait (i) un niveau de production stable par rapport à 2021 (ii), la perte d’une large partie de la hausse des prix passée l’an dernier et (iii) une hausse significative du coût des intrants sur les marges. Ce scénario pessimiste paraît déjà intégré dans la valorisation des sociétés que nous détenons en portefeuilles, Stellantis et Mercedes se traitant actuellement sur des P/E de respectivement 4x et 7x.

Quel est notre scénario pour les semaines à venir?

Il est évidemment difficile de dire comment évoluera la situation. La voie diplomatique, même si elle est chaotique, reste cependant ouverte, et surtout largement appuyée par la communauté internationale. Le temps ne joue, par ailleurs, pas en faveur de la Russie, qui s’isole très rapidement, tant d’un point de vue diplomatique qu’économique. En ce sens, une trajectoire d’apaisement du conflit au cours du printemps nous semble être le scénario le plus probable.

Après avoir touché un pic proche de 134 dollars le 8 mars, le prix du baril est redescendu. Les marchés qui évoluent actuellement au gré des espoirs et des déceptions de résolution du conflit, évoluent donc très rapidement. Ils intègrent pour l’instant sur les secteurs cycliques et financiers des niveaux de valorisation de fin de cycle, et il nous semble opportun de saisir ces primes de risque dans la mesure où, en ligne avec le consensus, le cycle économique n’est pas cassé par cette crise.

Aussi, malgré la nervosité actuelle et le manque de visibilité, l’environnement–particulièrement favorable à la Value–d’une croissance économique dynamique et du resserrement des politiques monétaires, nous semble donc toujours valide.

Positionnement de R-co Conviction Equity Value Euro et principaux mouvements réalisés

Dans ce contexte de forte volatilité, nous avons opéré quelques ajustements dans le portefeuille: d’une part, en renforçant des positions sur les valeurs bancaires qui nous paraissaient les plus impactées alors que leur exposition russo-ukrainienne reste limitée: BNP et Intesa notamment; d’autre part, via certains titres cycliques qui nous paraissent avoir été trop fortement impactés par le marché: Stellantis et Alstom en sont les meilleurs exemples.

Nous avons, d’autre part, profité de la baisse des cours pour réaliser un arbitrage au sein du secteur des loisirs voyages par la constitution d’une position sur Ryanair en cédant notre position sur Sodexo. Les conditions de marché nous offraient la possibilité de nous exposer à cet acteur de qualité du secteur aérien, avec un bilan solide, de fortes perspectives de croissance et un avantage concurrentiel particulièrement attractif en matière de couverture pétrole. En revanche Sodexo, dont le caractère multi-local et défensif avait offert une certaine résilience, nous semblait avoir hypothéqué ses options stratégiques (cession de l’activité Avantages & Récompenses), avec la nomination récente de Sophie Bellion, fille du fondateur de la société, en tant que CEO, alors qu’une personnalité extérieure était attendue.

Dans le secteur de l’énergie, nous avons cherché à maintenir notre niveau de surexposition en renforçant notre position sur Technip Energies qui a souffert de son exposition russe, mais qui nous parait particulièrement bien positionné pour profiter du plan d’indépendance énergétique annoncé en Europe. Nous avons financé ce renforcement par l’allègement des positions sur Total Energies et Eni qui ont bien tenu au cours de la période.

Enfin, au sein du pilier plus défensif, nous avons arbitré une partie d’AB Inbev, sensible à la hausse du prix du blé et du houblon, au profit de Danone au profil plus défensif, et qui a profité début mars de sa revue stratégique pour affirmer le caractère beaucoup plus pragmatique de sa nouvelle gouvernance.

 

Achevé de rédiger le 23 mars 2022


Stratégie Value : On parle de stratégie “Value” lorsque celle-ci recherche des sociétés sous-évaluées par le marché à un instant donné, c’est-à-dire dont la valorisation boursière est
inférieure à ce qu’elle devrait être au regard des résultats et de la valeur des actifs de l’entreprise. Les investisseurs “Value” sélectionnent des titres présentant des ratios cours/valeur
comptable faibles ou des rendements de dividendes élevés.
Valeurs cycliques : Les valeurs cycliques sont fortement corrélées aux cycles de la conjoncture économique. Elles profitent donc fortement des périodes de reprise et d’expansion mais
sont également les premières impactées par un ralentissement économique.
(1) Source : JP Morgan, 18/03/2022.
(2) Source : UBS, 14/03/2022.
(3) Source : Goldman Sachs, 10/03/2022.
(4) Source : Natixis, 05/03/2022.
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une recommandation ou un conseil en investissement de la part de Rothschild & Co Asset Management Europe.

(5) Source : Bloomberg, 23/03/2022

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