Les marchés ont fortement fluctué au cours du mois dernier, au gré des développements du conflit russo-ukrainien. Ayant enregistré au plus bas une perte de près de 14%, les indices action européens ont fortement rebondi pour clôturer le mois quasiment inchangés, à mesure que les craintes d’une extension au-delà de l’Ukraine se dissipaient et que les prétentions russes reculaient.

Par Nicolas Blanc, Responsable de l’allocation

 

Nicolas Blanc, Responsable de l’allocation, Ellipsis AMPourtant, même si une issue semble mieux se dessiner aujourd’hui, les perspectives économiques restent significativement affectées, avec des pertes de croissance directes cette année estimées à -1,5% en zone euro -0,9% aux US, que des politiques de soutien budgétaire pourraient toutefois partiellement amortir.

De plus, la guerre intervient dans un contexte déjà marqué par de fortes tensions sur les facteurs de production. La concomitance -de la réouverture des économies émergées après la vague omicron, permettant à la demande reportée des ménages de se manifester, -de perturbations des chaines de production lentes à se dissiper, -de marchés de l’emploi qui donnent des signes persistants de surchauffe, particulièrement aux US, crée un contexte inflationniste d’une intensité inédite depuis un demi-siècle.

Les banques centrales apparaissent prises de court par la rapidité du phénomène. Le degré d’accommodation monétaire, hérité de plus de 10 ans de politiques de soutien est tel–les taux monétaires réels sont à des plus bas historiques et la taille des bilans au plus haut – qu’elles doivent très brutalement réviser leur politique.

La Fed, qui a procédé à une première hausse ce mois-ci, devrait faire de même à chaque FOMC cette année, et ce incluant au moins deux fois des hausses de 50bps. C’est à ce prix que les taux monétaires réels pourraient cesser d’être négatifs, un objectif qui semble minimal dans la situation actuelle. L’Europe, très exposée aux hausses des prix de l’énergie, devra suivre le mouvement.

Cette nouvelle donne monétaire s’est traduite par une hausse des taux, particulièrement brutale sur le court-moyen terme, conduisant à un aplatissement et dans certains cas une inversion de la courbe des taux. Elle constitue une menace diffuse pour les marchés, par ses effets potentiels sur la conjoncture (le «hard landing» a souvent suivi les phases de resserrement) ou sur des marchés particulièrement sensibles aux conditions de financement, comme l’immobilier. Un élément positif, toutefois, est que les indices conditions financières n’indiquent pas de stress particulier sur le système financier.

Soumise à de puissantes forces contraires, la conjoncture cette année apparait donc particulièrement incertaine. D’une part, elle bénéficie encore d’un momentum significatif (le PMI composite préliminaire de mars a été publié à 54,5 en zone euro et 58,5 aux US, avec des marchés de l’emploi au plus haut) et, d’autre part, la guerre aura un impact récessif direct et l’inflation va amputer le revenu disponible des ménages, dont les réserves d’épargne ne sont pas inépuisables, et donc la demande finale. Dans cette situation, le rôle de la confiance des agents économiques et financiers et la qualité du pilotage monétaire seront décisifs.

2022.04.04.Indice des conditions financières

 

Source : Ellipsis AM, 01/04/2022