Les avantages liés à l’investissement dans les solutions d’atténuation du changement climatique, comme les énergies renouvelables et l’électrification des transports, ont été abondamment discutés depuis un certain temps.
Par Marco Lenfers et Anthony Corrigan Client Portfolio Managers
En comparaison, l’adaptation au changement climatique est un concept moins connu, défini par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) comme «le processus d’ajustement au climat actuel ou futur et à ses impacts». L’idée d’investir dans les solutions et les technologies d’adaptation gagne en popularité compte tenu de la gravité et de la fréquence croissantes des événements météorologiques extrêmes, et des lourds dommages qu’ils provoquent dans les domaines humain, écologique et financier. Cet intérêt accru pour l’adaptation pourrait même s’intensifier encore ces prochaines années, en particulier du fait du récent changement d’administration aux États-Unis.
Dans cette optique, nous étudions de plus près les avantages qu’il y a à investir dans des solutions d’adaptation et les opportunités qui peuvent s’offrir à cet égard aux investisseurs internationaux. Nous soulevons également une question essentielle: comment comparer les possibilités d’adaptation et d’atténuation dans l’espace des actions mondiales cotées en bourse? Pour y répondre, nous comparons les positions d’un panier mondial d’actions d’adaptation avec la gamme d’opportunités pour la stratégie Vontobel Global Environmental Change (GEC). Nous vous fournirons plus de détails ultérieurement, mais il convient de souligner que les deux présentent un bon niveau de convergence.
Les conséquences de la hausse des températures
D’après l’Organisation météorologique mondiale (OMM), 2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée, avec une température supérieure d’environ 1,55 °C aux valeurs préindustrielles1. En effet, les données de l’OMM confirment que les dix dernières années (2015-2024) ont été historiquement les plus chaudes. Cette tendance claire au réchauffement mondial s’accompagne de toute une série de considérations vitales, dont le rythme des investissements dans l’atténuation du changement climatique (les sources d’énergie renouvelable sont-elles construites et connectées au réseau suffisamment vite?) et la capacité de l’humanité à s’adapter à cette nouvelle réalité de la vie sur une planète plus chaude.
Un climat plus chaud provoque une myriade de problèmes, dont une plus forte intensité des événements météorologiques extrêmes, comme les vagues de chaleur, les sécheresses et les feux de forêt. La fonte des neiges et l’expansion thermique ou le réchauffement des océans est un autre problème majeur, qui augmente le volume de l’eau de mer arrivant sur le rivage pendant les tempêtes et provoque de graves dégâts dus aux inondations. Dans une statistique alarmante, le groupe Swiss Re Insurance prévient qu’une hausse de la température mondiale de 3,2 °C d’ici 2050 pourrait entraîner une perte allant jusqu’à 17 % du PIB mondial.
Plus important que le coût financier, il y a le coût humain du changement climatique, des millions de personnes sont contraintes de fuir leur foyer chaque année. L’Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC) estime que les événements météorologiques extrêmes entraînent des déplacements de population plus intenses et plus fréquents à l’échelle mondiale. Selon l’IDMC, les aléas météorologiques ont causé en moyenne 21,9 millions de mouvements de personnes chaque année au cours des dix dernières années2. Le problème ne se limite pas aux pays en développement. D’après le bureau du recensement des États-Unis, près de 2,5 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur des États-Unis en 2023 à cause d’événements météorologiques extrêmes, comme les tornades, les feux de forêt et les ouragans3. Les incendies de Los Angeles en janvier 2025 nous ont cruellement rappelé l’ampleur que peuvent revêtir ces événements.
Les avantages de l’adaptation
Nous pensons que les investisseurs auraient de bonnes raisons d’investir dans les entreprises qui proposent des technologies et solutions d’adaptation. Premièrement, les solutions dans ce domaine peuvent permettre de réduire l’exposition et la vulnérabilité aux impacts climatiques en renforçant la capacité d’adaptation, définie par le GIEC comme «la capacité des systèmes, des institutions, des humains et d’autres organismes à s’ajuster à des dommages potentiels, à exploiter les opportunités ou à faire face aux conséquences». Les investissements nécessaires pour les infrastructures vitales d’un pays, comme les réseaux de distribution d’énergie, le transport, l’eau et l’assainissement, en sont un excellent exemple. Le renforcement de la résilience de ces infrastructures vitales devrait bénéficier d’un soutien solide tant des gouvernements que des communautés locales, en particulier lorsque les événements météorologiques extrêmes mettent en évidence les faiblesses des structures existantes. La décision des gouvernements de soutenir de tels investissements est également moins sujette à controverse compte tenu des avantages qu’ils peuvent apporter aux communautés locales en temps réel, en termes à la fois de sécurité (par exemple les investissements dans la protection contre les inondations) et de développement économique. En comparaison, les investissements dans l’atténuation sont souvent considérés comme un bien public dont les avantages ne se matérialiseront pas avant de nombreuses années (pensez aux parcs éoliens terrestres/offshore) et qui présente un problème potentiel d’aléa moral/de parasitisme d’un point de vue économique.
En effet, les critères d’adaptation au changement climatique occupent une place prépondérante dans les priorités politiques pour le nouveau mandat de la Commission de l’Union européenne (UE). Pendant son mandat actuel de cinq ans, qui court jusqu’en novembre 2029, la Commission entend développer un Plan européen d’adaptation au changement climatique pour aider les États membres à mettre en œuvre les mesures d’adaptation plus efficacement et plus rapidement. Les aspects économiques sur lesquels repose cette initiative de l’UE sont résumés dans un récent rapport de la Banque mondiale, qui estime que les coûts d’adaptation dans l’UE pourraient se situer entre 15 milliards et 64 milliards d’euros par an. Toutefois, selon les estimations, les catastrophes liées au climat ont coûté plus de 77 milliards d’euros en 2023, soulignant la nécessité d’investir dès à présent4. Ce besoin d’adaptation mondial met en évidence l’existence d’opportunités d’investissement intéressantes, les idées d’adaptation pouvant probablement fournir une source de diversification, en ne se concentrant plus sur le financement traditionnel de l’atténuation du changement climatique. Cela dit, l’argumentaire en faveur des investissements devient encore plus solide si les solutions de l’entreprise visent à la fois l’adaptation et l’atténuation.
Dans une perspective d’investissement, il devient aussi plus facile de repérer les entreprises qui produisent des solutions d’adaptation grâce au nombre croissant de taxonomies de l’adaptation qui ont été élaborées ces dernières années. Par exemple, une analyse récente du groupe de travail Global Adaptation and Resilience Investment (GARI) et du MSCI Sustainability Institute a révélé que, sur environ 8000 entreprises cotées en bourse, une sur dix fournissait des produits et des services d’adaptation et de résilience5. Ce type d’analyse suggère que l’adaptation est une option viable pour les investisseurs dans l’univers des actions mondiales cotées en bourse. Elle nous ramène aussi à la question que nous avons posée au début: comment comparer ces taxonomies de l’adaptation avec les différentes opportunités d’atténuation existantes?
Pour tenter de répondre à cette question, nous avons étudié les positions d’une telle taxonomie, qui a été publiée en janvier 20256. Pour élaborer la taxonomie, les auteurs ont défini les principales catastrophes naturelles météorologiques et liées au climat dont la gravité et la fréquence s’intensifient. Ils ont estimé qu’il s’agissait des sécheresses, des inondations, des vagues de chaleur/canicules, des tempêtes et des cyclones, et des feux de forêt. Ils ont ensuite identifié les entreprises qui avaient des solutions d’adaptation à ces aléas naturels. Leur nombre total était légèrement inférieur à 400.
Lorsque nous avons comparé ces entreprises à notre propre gamme d’opportunités au sein de la stratégie GEC, nous avons trouvé que près de la moitié d’entre elles figuraient aussi dans la gamme d’opportunités GEC. Leur nombre tombe à un peu moins de la moitié (46 %) lorsque l’on considère les entreprises uniques, ce qui élimine tout double comptage des entreprises qui contribuent à lutter contre plus d’un aléa naturel. Après ajustement des univers en fonction de certains critères ESG et de la taille de la capitalisation boursière (moins de 1 mia. de cap. boursière), le recoupement des titres a même encore grimpé à 59 % et à 56 %, respectivement. En termes d’aléas naturels, l’univers GEC a affiché le recoupement le plus important pour les inondations et les sécheresses, et le plus faible pour les feux de forêt, les tempêtes et les cyclones. En résumé, ces résultats suggèrent que de nombreuses entreprises cotées en bourse développent des solutions qui répondent à la fois aux objectifs d’adaptation et d’atténuation.
Mieux vaut prévenir que guérir
Nous pensons que les mesures d’adaptation deviennent de plus en plus importantes en raison de la fréquence et de la gravité accrues des événements météorologiques extrêmes. Ainsi, de nombreux investisseurs cherchent naturellement à allouer des capitaux aux entreprises qui fournissent des solutions dans ce domaine. Comme nous l’avons montré précédemment, il est probable que les investisseurs dans les stratégies traditionnelles d’atténuation du changement climatique auront déjà une exposition aux solutions d’adaptation via les entreprises qui fournissent des solutions axées à la fois sur l’adaptation et l’atténuation. Ces entreprises sont probablement plus attractives et résilientes dans une perspective d’investissement, compte tenu de leurs avantages immédiats et futurs pour la société. Cela dit, nous pensons que les investisseurs ne doivent pas perdre de vue cette maxime pleine de sagesse: mieux vaut prévenir que guérir. Selon nous, il reste essentiel de continuer à atténuer et à décarboner l’économie, pour parvenir à un avenir plus durable pour tous.
1. www.wmo.int: WMO confirms 2024 as warmest year on record at about 1.55°C above pre-industrial level, 10 janvier 2025.
2. www.internal-displacement.org: Internal Displacement in 2024: Monitoring the crisis, measuring progress, 10 decémbre 2024br> 3. U.S. Census Bureau Household Pulse Survey, Week 63, 8 novembre 2023.
4. www.worldbank.org: Europe Urgently Needs to Increase Its Disaster and Climate Resilience, 15 mai 2024.
5. www.msci-institute.com: Methodology: Developing an investible universe of climate adaptation and resilience companies, 14 mars 2024.
6. Jefferies: Resilient Returns: The Investment Case for Climate Adaptation, 20 janvier 2025.
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