Les crises engendrent des situations jamais vues et permettent des réponses inédites.

Olivier de Berranger, CIO, LFDE

Celle que nous vivons depuis le début de la propagation du coronavirus l’illustre par excellence. Une myriade d’actions inouïes ont été décidées par les autorités monétaires et politiques. Parmi celles-ci, citons en particulier:

  • une récession d’ampleur historique volontairement décidée par la quasi totalité des Etats du monde
  • pour compenser ce “harakiri” économique, la mise en place en un temps record de plans de soutien d’une ampleur défiant toute comparaison : au niveau mondial, plusieurs milliers de milliards d’euros (ou de dollars) en deux mois
  • l’achat par la Fed d’obligations de notation dite “spéculative”
  • l’augmentation en quelques semaines du bilan de la Fed d’une ampleur dépassant le montant cumulé de toutes les années de politique accommodante depuis 2008
  • la mise en place d’un plan d’achats obligataires par la BCE (le Pandemic Emergency Purchase Program) ciblé sur les pays les plus endettés, en particulier l’Italie
  • des allocations chômage destinées à des personnes non assurées contre la perte d’emploi, notamment aux Etats-Unis, d’un montant tel que pour une grande partie des travailleurs peu rémunérés, il est financièrement plus avantageux de toucher le chômage (600 USD par semaine) que de travailler.

Parmi ces innovations, la dernière en date, n’est pas la moindre: le plan de relance présenté par la Commission Européenne le 27 mai prévoit la mise en place, pour la première fois dans son histoire, d’un plan de 500 milliards d’euros de subventions, et de 250 milliards d’euros de prêt, financés par de la dette nouvellement émise par la Commission elle-même, et non plus par les Etats membres. Un accord franco-allemand sur un plan de ce type avait certes été annoncé la semaine précédente, dûment salué par les marchés. Mais il devait encore être avalisé par quelques pays opposés à une mutualisation de la dette sans contrepartie. Désormais, il est tracé. Certes, il n’est toujours pas validé, mais la Commission n’aurait certainement pas pris le risque de le présenter si elle ne pensait pas qu’il avait de bonnes chances d’être accepté lors du prochain sommet prévu en juin.

Cette annonce, couplée à des espoirs de vaccin – toujours très minces – a porté les valeurs cycliques pendant la première moitié de la semaine, avant que les valeurs considérées comme défensives reprennent la main.

Même si ces mesures méritent d’être saluées, elles ne résolvent pas complètement la fragmentation européenne. La zone euro n’a toujours pas de véritable unité fiscale. Et les obligations mutualisées restent tributaires d’une situation d’urgence: elles ne perdureront pas forcément au-delà, étant donné l’opposition de certains pays. L’Europe n’a toujours pas l’équivalent des bons du trésor américains, qui sont fédéraux.

Sur le plan boursier, les plans de relance même astronomiques sont certes un facteur de soutien mais ne peuvent soutenir le marché sur long terme si la pulsation économique fondamentale reste atone. Pour preuve le Japon, où les stimulations monétaires et budgétaires s’enchaînent depuis des années, renouvelées la semaine dernière encore pour près de 1’000 milliards de dollars, sans pour autant créer de surperformance notable des valeurs japonaises.

Mais la magie des toutes premières fois reste inégalable. Ne soyons pas prématurément blasés de l’harmonie européenne revivifiée, ni de son effet euphorisant sur les marchés, même passager.

 

Rédaction achevée le 29.05.2020


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