Malgré les tensions géopolitiques et les frictions commerciales, la croissance du PIB en 2025 s’est révélée étonnamment résiliente, ne ralentissant que légèrement par rapport à 2024. Cependant, des vulnérabilités persistent, alors que plusieurs facteurs qui ont jusque-là soutenu l’économie mondiale pourraient s’avérer temporaires.
Par Marc-Antoine Collard, Chef économiste – Directeur de la recherche macroéconomique
Facteurs ayant soutenu l’activité mondiale en 2025
Tout d’abord, le «front-loading»1 des échanges commerciaux et de l’investissement a joué un rôle important. Anticipant les hausses tarifaires, les entreprises ont accéléré les importations au début de l’année. Cette poussée a temporairement stimulé la production industrielle et les volumes commerciaux, atténuant l’impact des mesures protectionnistes et fournissant un amortisseur vital pendant le premier semestre de 2025.
Deuxièmement, le boom de l’investissement dans l’intelligence artificielle (IA) est apparu comme un puissant moteur de croissance. Les dépenses consacrées aux infrastructures IA – des centres de données à la fabrication de semi-conducteurs – ont représenté une part significative de la croissance du PIB américain et ont contribué à soutenir l’activité en Asie et en Europe. Les exportateurs asiatiques de technologies ont en effet bénéficié d’une forte demande de puces avancées, tandis que les fournisseurs européens de services cloud ont attiré des entrées de capitaux accrues. Les États-Unis concentraient déjà 43% de la capacité mondiale installée des centres de données en 2024, contre 25% en Chine et 16% en Europe2 . Le récent dynamisme de l’investissement dans les centres de données aux États-Unis tient probablement en partie au déploiement accru des technologies d’IA. Cette vague d’investissements a non seulement soutenu la croissance, mais a également alimenté l’optimisme quant aux gains de productivité de long terme associés à l’IA. De plus, la bonne dynamique du marché boursier – tiré en grande partie par les gains dans le secteur tech – a généré des effets de richesse positifs pour les ménages à revenu élevé, soutenant la consommation privée.
Troisièmement, l’assouplissement des conditions financières à l’échelle mondiale a été un facteur de soutien. Bien que les taux directeurs soient restés restrictifs dans de nombreux pays, la plupart des banques centrales ont de nouveau assoupli leur politique monétaire cette année. La volatilité limitée du marché, la performance élevée des actions, les écarts de crédit serrés et les rendements relativement faibles des obligations ont facilité les emprunts et l’investissement des entreprises. Combinés à une situation financière solide chez les ménages, ces facteurs ont soutenu la demande intérieure malgré une certaine morosité des marchés immobiliers.
Enfin, des politiques fiscales expansionnistes ont fourni un soutien supplémentaire à l’activité. Par exemple, le programme public chinois de reprise de biens durables des ménages a été un contributeur important, aidant à compenser des faiblesses dans d’autres pans de l’économie.

Des vulnérabilités se profilent
Malgré ce vent en poupe, une partie de la résilience de la croissance masque des fragilités sous-jacentes. La demande de travail a montré de nouveaux signes de modération cette année. Les taux de chômage ont augmenté dans la plupart des économies avancées – bien qu’ils restent historiquement bas – tandis que le nombre d’offres d’emploi par chômeur a généralement continué à diminuer et est maintenant inférieur à sa moyenne de 2019.
Les inquiétudes concernant une «bulle IA» augmentent également. Bien que l’IA soit une force transformatrice, son développement rapide pose des risques importants, en particulier pour la stabilité financière. L’enthousiasme des investisseurs a conduit les ratios cours/bénéfices du secteur à des niveaux historiquement élevés, suscitant des craintes de bulles d’actifs. Jamais auparavant autant de capital n’avait été déployé si rapidement dans une technologie qui, malgré son potentiel, n’a pas encore prouvé qu’elle pouvait être une source stable de profit. Dès lors, si les attentes en matière de bénéfices ne se matérialisent pas, une correction du cours des actions liées à l’IA pourrait déclencher une volatilité plus large du marché compte tenu du poids substantiel du secteur dans les principaux indices. La financiarisation de l’économie ayant fortement augmenté depuis le début des années 2000, l’impact d’une baisse des cours boursiers aujourd’hui pourrait s’avérer bien plus sévère que lors de la bulle internet.
En parallèle, l’impact de la hausse des tarifs douaniers sur l’économie américaine ne s’est pas encore entièrement fait sentir. En effet, des décalages entre l’annonce et l’imposition de tarifs plus élevés ont eu lieu, tandis que les entreprises se sont appuyées sur des stocks et d’amples marges bénéficiaires pour absorber le choc initial. Le taux moyen de droit de douanes mensuel observé (ex post) – calculé en divisant les revenus douaniers par la valeur des importations de marchandises – a fortement augmenté mais reste inférieur au taux effectif estimé, ce qui devrait impliquer une augmentation du recouvrement tarifaire dans les mois à venir. Cela dit, la baisse des importations américaines de biens tarifés par rapport aux biens non tarifés suggère que les droits de douane pèsent sur la demande et continueront à freiner le volume des échanges à mesure que les mesures annoncées prendront pleinement effet.
De manière générale, l’incertitude commerciale demeure un risque majeur. Des tarifs douaniers américains toujours élevés et une escalade potentielle des tensions commerciales pourraient saper les flux commerciaux mondiaux et l’investissement. La chute des prix à l’exportation des biens chinois pourrait intensifier les pressions concurrentielles sur les fabricants européens et asiatiques, érodant les marges et ralentissant la production industrielle.

Le dilemme des banques centrales
Les progrès récents en matière de désinflation ont été limités car l’inflation des biens a repris et l’inflation des services reste persistante dans de nombreuses économies. Concrètement, une proportion croissante de pays a maintenant une inflation supérieure à leur cible (ou au-dessus du sommet de leur fourchette cible) par rapport à la fin de 2024, tandis que les anticipations d’inflation ont augmenté dans certaines économies.
La Fed et la BCE naviguent au sein de paysages politiques contrastés mais tout aussi complexes. Pour la Fed, le défi consiste à trouver l’équilibre entre des pressions inflationnistes persistantes et des signes de ralentissement sur le marché du travail. Récemment, l’inflation sous-jacente aux États-Unis a oscillé autour de 3%2, alimentée en partie par les surcoûts liés aux tarifs et la résilience de l’inflation des services. Alors que les investisseurs anticipent de nouvelles baisses de taux suite aux récentes réductions, les membres du FOMC3 restent divisés. Une baisse des taux trop agressive risque de raviver l’inflation, tandis qu’un statu quo pourrait intensifier les fragilités du marché du travail et affaiblir la confiance. De plus, le shutdown gouvernemental récent a aggravé l’incertitude en limitant l’accès à des données fiables, obligeant la Fed à conduire à l’aveugle.
La BCE est confrontée à un dilemme différent: l’inflation en Zone euro a globalement convergé vers son objectif de 2%, ce qui a permis une série de baisses des taux à un niveau plus neutre pour soutenir la croissance face aux vents contraires extérieurs et à l’incertitude budgétaire. D’une part, les pressions sous-jacentes sur les prix – en particulier dans les services – restent tenaces, favorisant le statu quo actuel. D’autre part, les forces désinflationnistes découlant de l’appréciation de l’euro et de l’augmentation de la concurrence des importations chinoises pourraient exercer une pression à la baisse sur les prix des biens industriels de base, alimentant les espoirs de baisses supplémentaires des taux d’intérêt. En outre, les perspectives de croissance sont fragiles, pénalisées par des chocs extérieurs, l’apathie de l’investissement et le retard des mesures de relance budgétaire, notamment en provenance d’Allemagne. Cela dit, la hausse du PMI4 de novembre offre une lueur d’optimisme pour les perspectives de 2026.


Achevé de rédiger le 4 décembre 2025
[1] Stratégie d’anticipation des commandes ou des investissements avant une période d’incertitude ou de changement de politique commerciale.
[2] Source : OCDE, novembre 2025.
[3] Federal Open Market Committee : organe de la Fed en charge du contrôle des opérations d’open market aux États-Unis.
[4] Indice des directeurs d’achat, indicateur reflétant la confiance des directeurs d’achat dans un secteur d’activité. Supérieur à 50 il exprime une expansion de l’activité, inférieur à 50, une contraction.
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