Lundi, la Chine a annoncé son intention de démanteler l'application de paiement Alipay d’Ant Group dans le cadre du programme de ‘prospérité commune’ du gouvernement, autrement dit une vaste répression gouvernementale visant à restructurer les plus grandes et les plus prometteuses entreprises technologiques chinoises.

Par l’équipe éditoriale de FlowBank

Qu’est-ce qu’Alipay?

Alipay est une plate-forme de paiement en ligne fondée par le groupe Alibaba et son fondateur Jack Ma en 2004. C’est l’une des applications de paiement en ligne les plus populaires en Chine.

En chiffres, Alipay compte déjà plus d’un demi-milliard d’utilisateurs, loin devant ses concurrents tels qu’UnionPay qui ne compte que 10 millions, BestPay que 8.8 millions et Huawei Wallet que 7.5 millions d’utilisateurs actifs par mois.

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Figure 1 : Nombre d’utilisateurs actifs des applications de paiement populaires en Chine (source : statista)

En Chine, Alipay est donc connu comme la plate-forme incontournable pour tout paiement, allant de la commande de nourriture à l’achat de marchandises en ligne, en passant par les paiements entre particuliers, les paiements au comptoir et même les paiements des factures de services publics tels qu’électricité et eau.

Et dans le monde de la finance, Ant Group d’Alipay est connu comme l’une des entreprises technologiques chinoises les plus prometteuses qui est cependant devenue une des plus grandes cibles, et victimes, d’un gouvernement chinois avide de réglementation, qui cherche à limiter le pouvoir des entreprises technologiques devenues trop influentes.

Alipay est un acteur majeur sur le marché chinois des prêts

Alipay est un acteur majeur sur le marché chinois de prêts. L’entreprise a émis 10% de tous les prêts non-hypothécaires de la Chine en 2020. C’est un nombre énorme pour une entreprise privée, qui révèle à quel point Alipay est devenu puissante dans le secteur des services financiers chinois en tant qu’entreprise technologique.

Bien entendu, l’influence croissante d’Alipay dans les affaires bancaires chinoises n’a pas laissé les responsables gouvernementaux indifférents. Ces derniers lui demandent désormais de transformer son segment le plus rentable en une toute nouvelle application et de transmettre les données de ses clients à une nouvelle entreprise d’évaluation de crédit, détenue en partie par le gouvernement.

Mais la pression des autorités chinoises n’est pas nouvelle. Les régulateurs chinois avaient déjà ordonné à Ant Group de séparer ses deux unités de prêt de son activité principale; l’une des unités de prêt étant Huabei, qui est similaire à une carte de crédit traditionnelle, et l’autre Jiebei, qui accorde de petits prêts non garantis.

Ainsi, les autorités chinoises veulent scinder Alipay en nouvelles entités offrant des applications indépendantes et faire intervenir des actionnaires extérieurs dans les affaires d’Alipay.

Est-ce vraiment mauvais?

Pas besoin de passer par mille chemins pour dire que les derniers développements sont mauvais pour Ant Group, propriétaire d’Alipay, dont les activités de prêt ont été l’une des principales raisons pour lesquelles la compagnie avait tenté d’être cotée en bourse l’année dernière.

Hélas, Ant Group a été durement touché par la répression gouvernementale. Avant le début de l’intervention gouvernementale en 2020, l’introduction en bourse d’Ant Group était évaluée à près 320 milliards de dollars. Aujourd’hui, on ne lui donne plus que 115 milliards de dollars, soit plus de 60% de moins qu’avant que le gouvernement ne fasse des ravages.

En conséquence, l’introduction en bourse d’Ant Group a été reportée à une date ultérieure et les dernières nouvelles rendent improbable une nouvelle tentative dans les mois à venir.

Pourquoi est-ce mauvais pour Alibaba?

Le géant chinois du commerce électronique Alibaba détient 33% d’Ant Group. Par conséquent, les mauvaises nouvelles concernant Ant Group sont également mauvaises pour Alibaba.

Ainsi, les actions d’Alibaba ont chuté de plus de 50% par rapport au sommet historique atteint en octobre 2020. Et depuis lors, la pression négative ne fait que croître. Les mauvaises nouvelles continuent d’affluer assez régulièrement pour empêcher les investisseurs d’envisager d’acheter la baisse. Au contraire, les investisseurs sont de plus en plus nombreux à quitter le bateau.

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Figure 2 : Le cours d’action d’Alibaba (source : Bloomberg)

Mettre les points sur les i

Il est également important de noter que les dernières nouvelles ne sont pas venues par surprise. La banque centrale chinoise avait averti le secteur des prêts en ligne cet été que les sociétés de crédit ratifiées par le gouvernement allaient finalement devoir approuver chaque décision de prêt qu’elles prendraient.

Et cela ne devrait surprendre personne. Dans un système dit communiste, laisser les entreprises privées prendre la tête des activités de prêt est plutôt inattendu. Dans le cas d’Alipay, la révolution digitale s’est faite trop vite. Ainsi, l’influence d’Alipay est allée bien plus loin que l’on n’aurait imaginée. Il était donc temps pour le gouvernement de Xi de mettre les points sur les i.

Au-delà d’Alibaba

La répression du gouvernement chinois ne frappe pas seulement Ant Group ou Alibaba, mais les entreprises chinoises de technologie et d’éducation les plus célèbres en général.

Les actions de Tencent, par exemple, ont chuté de plus de 45% à Hong Kong depuis leur pic de février, et la vente ne donne aucun signe de ralentissement en raison de l’intensification de la pression gouvernementale. Tencent, qui est l’un des principaux fournisseurs de jeux en ligne et concurrent d’Alipay grâce à son propre système de paiement WeChat, a également été touché par une récente décision du gouvernement visant à limiter le temps de jeux en ligne pour les enfants à trois heures par semaine seulement.

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Figure 3 : Le cours de l’action de Tencent (source : Bloomberg)

JD.com et Pinduoduo, qui sont les plus grands concurrents d’Alibaba dans le segment du commerce électronique, s’échangent également avec, respectivement, plus de 40% et 60% de remise par rapport à leurs pics de prix antérieurs.

Ainsi, personne n’est à l’abri de la main de fer de la Chine. L’indice de technologie de Hang Seng qui est constitué des principaux acteurs technologiques chinois est en baisse de près de 50% depuis février dernier.

Appétissant ou dangereux?

La chute des cours des actions technologiques chinoises a d’abord semblé appétissante pour les investisseurs étrangers qui voulaient renforcer leurs positions longues dans la technologie chinoise à des prix plus bas, espérant que la répression du gouvernement chinois n’ébranlerait pas les solides fondamentaux et le potentiel de croissance des géants chinois de la technologie.

Aujourd’hui, de nombreux experts continuent de partager le même avis: dès que la restructuration gouvernementale sera terminée, les entreprises technologiques chinoises pourront se développer et prospérer à nouveau.

Cependant, il est impossible de prédire combien de temps durera ce séisme, étant donné que la pression gouvernementale s’est faite plus longue et plus intense que les fois précédentes.

Aux dernières nouvelles, la répression chinoise pourrait durer jusqu’à cinq ans; c’est ce qu’avertit le gouvernement de Xi. Cela constitue un long casse-tête, qui pourrait à terme endommager les fondamentaux de certaines de ces entreprises, mettre en péril leur potentiel, voire menacer leur existence.

Par conséquent, nous pourrions voir les actions technologiques chinoises plonger davantage avant de rebondir. La baisse des actions chinoises devrait, en revanche, continuer d’avoir un impact positif sur les flux de capitaux vers la Big Tech américaine.

 

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