Après 2022, une annus horribilis pour les marchés financiers, les perspectives macroéconomiques pour 2023 avaient fait l’objet d’un fort consensus, la plupart des opinions prévoyant une nette amélioration de la situation l’année suivante, sur fond de baisse des taux par les banques centrales et de performances positives aussi bien des emprunts d’État que du crédit.
Par Eoin Walsh, Portfolio Management
En début d’année, cet optimisme paraissait justifié, le rebond entamé au dernier trimestre de l’année 2022 s’étant poursuivi tout au long du mois de janvier. Toutefois, la crise bancaire régionale aux États-Unis et l’effondrement du Credit Suisse en Europe ont rapidement miné le moral des investisseurs. Au fil des mois, les banques centrales ont poursuivi leur lutte contre l’inflation, répétant sans relâche et avec insistance leur credo de maintenir les taux d’intérêt «plus élevés plus longtemps». Cette rhétorique a eu un impact négatif sur les emprunts d’État, qui ont à leur tour plombé les performances des obligations sur une grande partie de l’année.
Les flux vers les obligations en ont également fait les frais, la volatilité des taux incitant les investisseurs à rester assis sur le banc de touche malgré les rendements intéressants offerts.
En dépit de ces éléments négatifs, de nombreux secteurs du crédit sont parvenus à générer des rendements positifs cette année, grâce notamment à des rendements initiaux élevés et à un portage considérable, qui ont contribué à absorber les événements macroéconomiques négatifs.
À l’approche de l’année 2024, les rendements initiaux conservent selon nous tout leur attrait et sont, dans la plupart des cas, encore plus intéressants que début 2023. Dans une ambiance où règne l’espoir que les taux de base aient atteint leur pic, la confiance est grande que l’année à venir pourra générer des rendements plus élevés.
La synchronisation de l’évolution des baisses des taux de base, les rendements des emprunts d’État et les spreads de crédit devraient avoir un impact majeur sur le positionnement des gestionnaires d’actifs l’année prochaine. Nous pensons que les taux vont ouvrir la voie, l’espoir d’un atterrissage en douceur de type Boucle d’or cédant la place à la crainte d’un ralentissement économique et de baisses de taux par les différentes banques centrales. Si l’économie ralentit comme nous le prévoyons, nous devrions assister à un élargissement des spreads dans l’ensemble du secteur du crédit. Une telle évolution devrait créer des conditions opportunes à l’enregistrement de bénéfices sur les taux et à l’accroissement des positions de crédit, pour lesquelles les obligations offrent actuellement des opportunités de rendement intéressantes.
Comme d’habitude, nous allons commencer par revenir sur les prévisions de l’année dernière. Malgré une grande volatilité, un grand nombre de secteurs ont confirmé ce que nous avions prévu. Malgré tout, comme on pouvait s’y attendre, d’importantes divergences ont été constatées dans d’autres domaines.
Aux États-Unis, nous avions prévu un relèvement des taux de base à 4,5% en décembre, avec un pic entre 4,5 et 5%. Sans penser à un changement de cap de la Réserve fédérale, nous pensions que l’anticipation de baisses de taux en 2024 permettrait aux obligations à dix ans de terminer l’année 2023 à environ 3,75%. Le Royaume-Uni était encore en train de se rétablir de son catastrophique mini-budget du mois de septembre. Toutefois, avec des taux à 3%, nous pensions que la Banque d’Angleterre procéderait à de nouveaux relèvements à hauteur de 100 pb et que les obligations à dix ans grimperaient à près de 4%. Dans la zone euro, qui était confrontée à la perspective d’un rationnement énergétique et d’une récession, nous avions prévu que la Banque centrale européenne relèverait les taux de 150 pb supplémentaires à 3%. Vu le contexte économique, l’utilité d’une telle mesure avait cependant été longuement débattue. Nous nous attendions également à ce que les rendements des Bunds à dix ans se situent entre 2,5 et 2,75% à la fin de l’année 2023.
En définitive, l’économie mondiale s’est avérée bien plus résiliente que prévu, ce qui a permis aux banques centrales de procéder à des relèvements de taux plus agressifs, creusant l’écart entre nos prévisions et les taux effectifs. Nos prévisions concernant les rendements des Gilts et des Bunds se sont révélées assez précises, quoique les rendements du Trésor soient à ce jour supérieurs à ce que nous avions prévu.
En ce qui concerne les rendements générés par le crédit aux entreprises, nous avions prévu un léger élargissement des spreads. N’ayant toutefois pas anticipé les vents contraires liés aux taux, nous pensions qu’aussi bien les indices Investment Grade que les indices à haut rendement (£, $ et €) récompenseraient bien les investisseurs et généreraient le rendement annoncé en début d’année. Nous avons cependant assisté à un resserrement des spreads et à une situation dans laquelle les taux ont été un obstacle. En valeur nette/nette, cette situation a débouché sur le même résultat attendu et, à l’exception des Investment Grade en dollar US, la plupart des indices Corporate sont en bonne voie pour générer les rendements annoncés pour l’année.
Les divergences les plus importantes ont été enregistrées, sans surprise, sur le marché AT1 à la suite de l’effondrement du Credit Suisse. À notre légère surprise, les spreads ont malgré tout généré une performance supérieure à nos prévisions: l’indice s’est resserré d’environ 60 pb par rapport à notre point de départ (509), alors que nous n’avions prévu qu’un resserrement de 30 pb. Mais bien que l’indice se soit rétabli, il n’est que légèrement positif en cumul annuel depuis le début de l’exercice, et bien loin de générer les 8 à 10% de rendement que nous attendions.
Les titres européens adossés à des actifs (ABS) ont eux aussi généré des rendements conformes à nos prévisions, les spreads se resserrant dans la plupart des domaines. Certains d’entre eux, tels que les CLO notées BBB, ont même dépassé de loin nos prévisions. Comme les problèmes liés aux crédits demeurent l’exception, que les spreads se resserrent et que les coupons augmentent avec la hausse des taux, le niveau élevé actuel des coupons a permis au secteur de conserver son attrait considérable Associé à des rendements importants, le secteur a été, pour l’heure, le plus performant de l’année 2023.
Des rendements à venir élevés, mais un parcours sinueux
À l’approche de la nouvelle année, nous avons constaté que les opinions des banques d’investissement divergent quant aux perspectives. De même, les discussions que nous avons eues au sein de TwentyFour ont été très animées quant à l’évolution probable des taux et spreads de crédit au cours de la prochaine année. Un fort consensus se dégage toutefois sur le fait que 2024 pourrait être une année très favorable aux rendements des investissements.
À la même période de l’année dernière, après une année 2022 très difficile, nous avions l’impression que les inconnues qui nous attendaient étaient moins nombreuses, et surtout qu’un grand nombre de mauvaises nouvelles étaient intégrées aussi bien par les gouvernements que par les marchés obligataires. Lorsque les prix des obligations reflètent de nombreuses mauvaises nouvelles et que les rendements sont également élevés, permettant de compenser un sentiment négatif toujours plus fort, les perspectives de rendement sont généralement intéressantes et, finalement, c’est précisément ce que de nombreux secteurs ont généré.
Toutefois, compte tenu des niveaux de volatilité enregistrés pour le seul mois de novembre, il convient de reconnaître que si nous avions formulé ces prévisions au début du mois de novembre, le tableau dressé aurait été bien différent. Fin octobre par exemple, l’indice du haut rendement en USD n’aurait pu générer que la moitié du rendement attendu par les rendements offerts fin 2022. Toutefois, on s’attend désormais à ce que l’indice génère en grande partie, sinon entièrement, le rendement annoncé.
L’impact de la hausse des emprunts d’État pour le seul mois de novembre (à ce jour, actuellement plus de 60 pb pour les bons du Trésor à dix ans) a considérablement contribué aux rendements, à commencer par les secteurs les plus corrélés aux taux. Les spreads de crédit se sont également resserrés, l’espoir grandissant que le cycle de relèvements des taux soit terminé, ce qui a étendu le rebond également à des secteurs à rendement plus élevé.
Le coût d’opportunité associé au fait de rester sur la touche alors que les rendements sont à ce point attrayants s’est retrouvé soudainement au centre de l’attention, encourageant les investisseurs à faire fructifier leur argent. Cela souligne par ailleurs également la vitesse à laquelle les marchés peuvent évoluer et la nécessité de se positionner sur le moyen terme malgré la probabilité que les mouvements à court terme soient douloureux. Le sentiment prédominant parmi les gestionnaires de portefeuille de TwentyFour est qu’il sera extrêmement difficile de synchroniser chaque composante des rendements de l’année à venir. La réaction des banques centrales aux données sera tout aussi importante, voire plus importante pour les mouvements à court terme, que la nécessité de prédire l’évolution du cycle conjoncturel. Différents membres de la Fed ont indiqué qu’ils n’hésiteraient pas à aller «trop loin» pour juguler l’inflation, propos que nous ne mettons pas en doute. N’oublions pas qu’il s’agit de la même Fed qui a attendu que le taux de chômage tombe en dessous des 4% pour réagir à la flambée de l’inflation.
Outre la prévision des actions des banques centrales, nous nous attendons à ce que la performance du crédit dépende également de plusieurs facteurs. Par ailleurs, si le ralentissement conjoncturel devait être plus rapide ou plus important que prévu, les marchés pourraient avoir tendance à réagir de manière excessive.
Nos prévisions pour l’année dernière anticipaient un atterrissage plus ou moins en douceur aux États-Unis, associé à une entrée en légère récession de l’économie. Parallèlement, nous étions d’avis que le Royaume-Uni et l’Europe entreraient aussi probablement en récession. Les États-Unis ont manifestement mieux résisté que prévu. Nous continuons cependant à penser qu’en cette fin de cycle, une légère récession est plus probable qu’un atterrissage en douceur selon le scénario Boucle d’or. La consommation américaine semble ralentir et, bien que nous ne prévoyions pas de hausse importante du chômage, nous pensons que l’impact des taux d’intérêt élevés ne s’est pas encore entièrement répercuté sur l’économie et que le resserrement des conditions financières finira par freiner la consommation.
Nous pensons également que les difficultés bancaires régionales américaines persisteront, et nous nous attendons à la prolongation par la Fed de son programme de facilité de prêt d’urgence aux banques (Bank Term Funding Program) au-delà des douze mois initialement prévus. Les banques régionales américaines sont, collectivement, fortement exposées à l’immobilier commercial. La qualité de ce dernier n’est pas uniformément mauvaise, et tous les prêts ne doivent pas être immédiatement remboursés. Mais ces deux dernières craintes, associées au bilan des dépôts et à la faiblesse des liquidités, freineront probablement l’appétit du risque et les capacités de prêt de ces banques.
En définitive, nous n’avons guère changé de point de vue à cet égard. Nous attribuons désormais une probabilité de 50 % au scénario de base (atterrissage plus ou moins en douceur), tout en donnant une pondération identique à l’atterrissage brutal et à l’atterrissage en douceur, car nous avons revu à la baisse la probabilité d’un atterrissage en douceur (de 30% à 25%) malgré la résilience de l’économie américaine.
Les États-Unis et la Fed
Les décisions de politique monétaire de la Réserve fédérale et la volatilité des taux qui en a résulté ont eu un impact considérable sur les marchés cette année, un impact qui devrait se poursuivre en 2024, année électorale de surcroît.
Bien qu’il soit difficile de prévoir l’évolution des rendements des emprunts d’État, la conviction que les taux seront plus favorables l’année prochaine est très répandue. Cependant, de nombreuses variables compliquent le débat sur les bons du Trésor. Il s’agit entre autres de l’évolution de l’inflation, globale et sous-jacente, de l’impact de la chute rapide de la masse monétaire sur l’inflation, du décalage de la politique monétaire, du volume d’émissions requis pour financer le déficit, du mix d’échéances de cette masse, du recul des achats des bons du Trésor américains par la Chine et le Japon, ainsi que de la forme de la courbe de rendement et de l’évolution des rendements réels si la baisse de l’inflation se poursuit.
Aux États-Unis, l’inflation a été le principal moteur de la politique des taux d’intérêt depuis début 2022. Mais à mesure que l’IPC s’approche de taux plus confortables pour la Fed, l’évolution de l’économie américaine va jouer un rôle plus important sur les décisions que celle-ci prendra. Beaucoup pensent que les États-Unis vont éviter une récession et probablement en subir une forme légère, favorisée par le resserrement des conditions financières imposé aussi bien aux consommateurs qu’aux entreprises.
Nous pensons que la récession sera légère, avec une reprise en V. Cependant, les marchés ayant largement intégré un atterrissage en douceur avec scénario Boucle d’or, si les données économiques sont plus faibles, la Fed sera contrainte de réduire les taux, surtout si l’inflation approche de la cible.
Soulignons que l’économie américaine a remarquablement bien résisté. Mais en fin de compte, nous pensons que cela s’explique par le fait que les consommateurs restent résistants, essentiellement grâce aux hausses de salaires, à un faible taux de chômage et à une épargne excédentaire rassurante. Toutefois, les signes d’affaiblissement des consommateurs se multiplient. Les rendements élevés actuels commencent également à avoir un impact négatif sur l’activité commerciale, et la dernière enquête auprès des responsables du crédit aux États-Unis a révélé une demande très faible de crédits.
L’économie américaine semble se trouver en fin de cycle et est donc particulièrement vulnérable à des chocs externes, bien qu’il soit impossible de prédire un événement de ce type. Toutefois, si l’économie devait subir un ralentissement considérable ou une récession, nous pensons qu’il serait très vraisemblablement dû à la politique de relèvements des taux de la Fed, le plus important étant cependant le fait que la Fed peut désormais agir en baissant les taux. C’est une position de force qui est plus saine pour le marché, et bien que nous pensions que la Fed agira dans ce sens, nous ne prévoyons pas de retour aux taux faibles de la période Covid ou à un assouplissement quantitatif.
Nous pensons que la Fed procédera à des baisses de taux l’année prochaine, peut-être jusqu’à 100 pb, mais notre scénario de base ne prévoit que quelques réductions. Toutefois, l’évolution des rendements à dix ans est difficile à prévoir, même si l’on part du principe que ces baisses auront effectivement lieu. La réaction logique et la plus probable est un rebond le long de la courbe, avec un mouvement parallèle à la baisse pour le rendement. Mais l’émission accrue de bons du Trésor, la normalisation de la courbe de rendement et le resserrement quantitatif (RQ) contribueront à déterminer le niveau auquel les rendements finiront par s’établir. À cet égard, une pentification haussière agressive, dans le cadre de laquelle les taux à long terme demeureraient relativement élevés même après de multiples réductions des taux, pourrait être envisageable. Nous pensons par ailleurs que le RQ pourrait prendre de l’importance l’année prochaine, et qu’un retrait excessif d’argent des banques aux États-Unis aurait un impact négatif sur la disposition de ces dernières à en prêter, ce qui entraverait davantage l’économie.
Notons cependant que nous ne considérons pas que les rendements à plus long terme seront défavorables l’année prochaine. Dans le pire des cas, nous pensons que les taux généreront leurs coupons. Néanmoins, compte tenu des signes sporadiques suggérant que la résistance des consommateurs américains faiblit et que les entreprises sont moins disposées à emprunter, il est possible que les rendements diminuent en cas de faiblesse des données et d’anticipation de réductions supplémentaires des taux.
La zone euro et la BCE
Le consensus sur la zone euro est que ce bloc commercial est plus exposé à une récession que les États-Unis. Un atterrissage brutal n’est cependant pas prévu. L’économie de la zone euro a déjà pâti d’un taux de croissance légèrement négatif en glissement trimestriel au troisième trimestre de cette année. L’Allemagne étant, parmi de nombreuses économies développées, la plus exposée au niveau du secteur manufacturier, il sera difficile d’éviter une récession technique.
Certains gouvernements européens ont tenté de mettre en œuvre un assouplissement budgétaire. Les règles de l’UE l’interdisent cependant et, en Allemagne, la tentative de réattribuer les fonds inutilisés de la pandémie a également été bloquée par la cour constitutionnelle du pays. Avec le rétablissement des règles de déficit, suspendues pendant la pandémie, la discorde entre les pays de l’UE pourrait à nouveau prendre de l’ampleur l’année prochaine.
L’évolution de l’inflation dans la zone euro est cependant très encourageante. En effet, aussi bien l’inflation globale que l’inflation sous-jacente réagissent bien plus rapidement aux relèvements des taux qu’aux États-Unis ou au Royaume-Uni, ce qui a pour conséquence que l’inflation globale s’approche très rapidement de l’objectif définie par la BCE.
Suscitant peut-être la polémique étant donné que l’inflation globale dépassait les 10% il y a tout juste un peu plus d’un an, certains étaient d’avis que l’inflation dans la zone euro pourrait chuter à nouveau bien en dessous de l’objectif de 2%, sur fond de recul de la masse monétaire.
Les prêts commerciaux dans la zone euro sont essentiellement à taux variable et, par conséquent, le décalage de la politique monétaire semble bien plus court. À cela s’ajoute le fait que les pressions sur les prix de l’énergie ressenties l’année dernière ont également considérablement diminué.
Compte tenu de la chute de l’IPC et du ralentissement économique, qui devraient tous les deux se poursuivre, il se pourrait fort bien que la BCE puisse réduire ses taux plus rapidement que la Fed. Nous misons cependant sur une fourchette de 75 à 100 pb. Les Bunds à court terme devraient être les plus impactés par les baisses de taux. Les gestionnaires de portefeuille ont discuté à cet égard de l’éventualité que les Bunds à dix ans, qui se situent actuellement à environ 2,4%, pourraient dorénavant se resserrer.
Le Royaume-Uni et la BoE
Les perspectives du Royaume-Uni sont aussi incertaines. Cela dit, il nous faut reconnaître que l’économie s’est montrée bien plus résistante que prévu en 2023. L’inflation est restée obstinément élevée sur la plus grande partie de l’année, mais elle répond enfin aux relèvements des taux, alors que la masse monétaire diminue aussi très rapidement au Royaume-Uni et devrait contribuer à atténuer l’inflation.
Toutefois, en dépit de nos prévisions de baisse de l’inflation, nous pensons que l’IPC se maintiendra, en 2024, à un niveau plus élevé qu’aux États-Unis ou dans la zone euro. La tension sur le marché du travail britannique, associée à des augmentations de salaire raisonnables, a contribué à soutenir l’inflation malgré des signes de détente sur le marché de l’emploi. En outre, le nombre de personnes en congé maladie de longue durée constitue un problème structurel préjudiciable, dont nous n’attendons pas d’amélioration rapide.
Le durcissement des conditions financières continuera à avoir des répercussions sur les entreprises britanniques. Les détenteurs d’hypothèques subiront quant à eux de plus en plus les répercussions de la politique de relèvement des taux, les hypothèques à faible taux fixe arrivant à échéance (généralement trois ou cinq ans au Royaume-Uni). L’assouplissement budgétaire est également une possibilité à l’approche d’une année électorale (le gouvernement pourrait bien reporter l’échéance électorale à janvier 2025, mais il est très probable que les élections auront lieu en 2024). Il contribuerait à soutenir les consommateurs et peut-être à ralentir la baisse de l’inflation.
Sans perdre de vue l’économie, la BoE devrait réduire les taux de 50 à 75 pb. Mais dans ce cas aussi, la question est de savoir quel sera l’impact de cette baisse en aval, la différence entre le rendement à dix ans et le rendement à deux ans étant actuellement inversée d’environ 40 pb. Dans un contexte d’inflation élevée et d’économie faible, il n’est probablement pas surprenant que le consensus quant au point final des Gilts à dix ans ait été faible.
Nouvelles perspectives de rendements élevés pour le crédit
Le consensus fort parmi les gestionnaires de portefeuille est que la plupart des secteurs de crédit vivront une année 2024 robuste, soutenue d’une part par les marchés de taux qui, selon nous, devraient au pire générer le rendement promis, mais avec un potentiel de surperformance, et, d’autre part, par des rendements de crédit proches de leur niveau le plus haut depuis la crise financière mondiale, et certainement bien supérieurs aux moyennes depuis lors.
L’évolution des spreads au cours de l’année 2024 a été source de nombreux débats, la plupart des participants s’attendant à un élargissement des spreads à un moment ou à un autre de l’année Selon nous, cela s’explique par la perte d’optimisme quant à la capacité de la Fed à mettre en œuvre une trajectoire sans heurts vers un atterrissage en douceur. Beaucoup pensaient également que, puisque les taux devraient rester élevés pendant un certain nombre de trimestres, même s’ils baissent, l’impact du durcissement de ces conditions continuera d’affecter les marchés et d’affaiblir aussi bien les consommateurs que les entreprises. Nous sommes conscients du fait que les marchés peuvent réagir de manière excessive en cas d’élargissement des spreads, mais étant donné les rendements attrayants offerts, se montrer trop prescriptif en matière de calendrier pour cet élargissement n’est probablement pas une stratégie rentable, selon nous.
Les obligations d’entreprises Investment Grade ont profité d’un durcissement raisonnable des spreads cette année, compris entre 25 pb pour l’Investment Grade en dollars et 65 pb pour l’indice de la livre sterling. Nous prévoyons le recul d’une partie de ce resserrement puisque le cycle agressif de relèvements affaiblit les économies. Toutefois, les rendements initiaux, encore supérieurs à ceux enregistrés douze mois plus tôt, aideront à soutenir les rendements globaux au cours de l’année, tandis que les taux devraient s’avérer plus favorables en cas de ralentissement de l’économie.
Les secteurs à haut rendement ont également profité d’un resserrement des spreads cette année, ce qui a stimulé la solide performance. Nous pouvons certainement envisager un repli plus large l’année prochaine. Cependant, le marché est soutenu par la situation financière saine de la plupart des entreprises, avec des soldes de trésorerie élevés et de solides ratios de couverture des intérêts. Les marchés ne sont pas confrontés à une vague d’obligations arrivant à échéance. Les murs de refinancement affichent encore un délai de plusieurs années, même si l’approvisionnement primaire devrait être plus élevé l’année prochaine. Le manque d’émissions observé l’an dernier devrait toutefois aussi contribuer à offrir un support technique robuste, avec des investisseurs désireux d’examiner de nouvelles offres, tandis que l’essor du marché du crédit privé fournit également des options de financement alternatives pour les entreprises souhaitant émettre des emprunts. En outre, bien que nous prévoyions une hausse des taux de défaut et que ceux-ci demeurent élevés jusqu’en 2025 inclus, les défauts devraient globalement rester bien contenus.
Les marchés à haut rendement ont bénéficié d’un solide rebond au quatrième trimestre de cette année, mais les rendements initiaux demeurent très attrayants selon nous, avec divers indices ayant atteint ou presque leurs rendements il y a douze mois. En tant que tel, nous pensons que cela devrait contribuer à générer de nouveau une forte performance pour l’année 2024, soutenue par la stabilité des marchés des taux.
Les secteurs des banques et des assurances ont réalisé une sous-performance notable par rapport à nos attentes pendant la majeure partie de 2023 et sont encore à la traîne malgré une solide reprise en novembre. La crise bancaire régionale aux États-Unis a attiré l’attention sur les banques de la zone euro. Bien que les problèmes survenus aux États-Unis n’aient pas concerné les banques européennes, il y a eu un effet de contagion dans le secteur. L’effondrement du Credit Suisse et la dépréciation des titres AT1 a potentiellement constitué un problème bien plus grave pour le marché, et cet événement a certainement durement affecté la confiance des investisseurs. Mais les mots forts et les actions des régulateurs de la zone euro et du Royaume-Uni, combinés à de solides bénéfices des banques tout au long de l’année et à de nombreux rachats d’obligations AT1, ont aidé le secteur à se redresser fortement. Bien que l’indice CoCo ait chuté de plus de 15 points à un moment donné au premier trimestre 2023, les investisseurs ont repris confiance dans le secteur, et cet indice est à présent positif depuis le début de l’année, ce qui devrait encourager les investisseurs à long terme dans les titres AT1.
Les vents contraires liés aux taux ont également joué un rôle majeur dans la sous-performance des banques et des entreprises d’assurance. Alors que, tout comme la dette des entreprises d’assurance, la dette senior et T2 des banques européennes a aussi sous-performé lors de la crise bancaire régionale aux États-Unis, ces secteurs comprennent majoritairement des obligations à notation Investment Grade, qui sont donc fortement corrélées aux emprunts d’État.
Compte tenu des vents contraires liés aux taux qui ont persisté la majeure partie de l’année, ces secteurs ont, sans surprise, connu des difficultés. Cependant, comme d’autres domaines des titres obligataires, les rendements initiaux disponibles élevés ont finalement contribué à stimuler la performance, et les spreads des indices bancaires et d’assurance se sont resserrés tout au long de l’année, bien que les rendements soient encore supérieurs aux rendements à la même période l’année dernière.
Au vu de la sous-performance relative cette année, la plupart des gestionnaires de portefeuille pensent que les banques européennes poursuivront leur récente surperformance. Et le potentiel de rendement pour 2024 semble très attrayant, tout comme la structure du capital des titres seniors, notamment les titres T2, AT1. Nous prévoyons également que le secteur des assurances sera avantagé par les perspectives plus stables pour les taux ainsi que les rendements initiaux élevés. Les gestionnaires de portefeuille sont conscients du fait que, si l’économie européenne venait à s’affaiblir comme l’indiquent les prévisions, les prêts non performants seraient susceptibles d’augmenter et le ralentissement dans le secteur CRE pourrait se poursuivre et générer également des vents contraires, bien que les banques européennes soient bien moins exposées que leurs équivalents américains et que, d’une manière générale, un effet de levier moindre ait été accordé aux prêts CRE en Europe.
Par ailleurs, les banques européennes sont bien capitalisées et très rentables, soutenues par des marges d’intérêt nettes plus élevées, et tout besoin de renforcer les réserves devrait être inclus dans les bénéfices. Globalement, il existe un consensus fort quant au fait que les secteurs financiers en Europe devraient générer certains des meilleurs rendements en 2024.
Les ABS européens sont un autre secteur qui, selon nous, devrait réaliser une excellente performance. Ce secteur faisait partie de nos meilleures sélections l’an dernier, et nous pensons que les coupons et les rendements disponibles restent très attrayants, même après avoir affiché des rendements élevés en 2022 et 2023. Selon nous, les investisseurs peuvent bénéficier d’une compensation saine en se tournant vers des obligations de rang inférieur. Et avec de légères baisses du taux sans risque attendu, les coupons à taux variable des ABS européens continueront de générer des revenus. La capacité de se montrer hautement sélectif en matière de juridiction, de prêteur et de pool d’actifs soutenant la transaction constitue un atout majeur pour les investisseurs en ABS et, alors que l’économie ralentit, nous pensons que cela sera d’autant plus important l’année prochaine.
Nous prévoyons une hausse du taux de défaut pour les prêts à effet de levier, mais nous pensons qu’il ne s’agira pas d’un vent contraire majeur pour la performance de la dette CLO et, comme le thème au centre de la plupart des domaines du crédit, nous pensons que les rendements initiaux élevés devraient contribuer à une nouvelle année forte. En fin de compte, l’équipe ABS de TwentyFour prévoit que les spreads ne se détérioreront pas, voire se resserreront dans certains cas, par rapport aux niveaux actuels d’ici la fin de l’année. Cela devrait générer de solides rendements qui, selon nous, pourraient de nouveau s’avérer difficiles à surpasser dans tout autre domaine du crédit.
Les marchés émergents ont enregistré une année 2023 moins riche en événements que l’année dernière. Alors que les indices laissaient derrière eux l’invasion russe et les problèmes immobiliers chinois, les spreads de l’indice ICE BofA Emerging Markets Corporate Plus (EMCB) ont connu un léger resserrement par rapport à janvier, après une liquidation en mars en phase avec le reste des actifs plus risqués. Les fondamentaux des marchés émergents semblent plutôt raisonnables pour 2024, les obligations d’entreprises affichant une posture décente, bien que, comme c’est le cas pour les marchés développés, l’extrémité inférieure du spectre des notations soit plus vulnérable aux risques de refinancement selon nous. En ce qui concerne les valorisations, les obligations d’entreprises de meilleure qualité se négocient de manière relativement serrée, reflétant ainsi la prudence évoquée par rapport aux actifs de moindre qualité. Notre conviction à l’égard des marchés émergents est restée faible tout au long de l’année. Nous privilégions les meilleures opportunités de valeur relative disponibles dans les services financiers, les CLO et les obligations d’entreprises des marchés développés, et cela devrait encore être le cas l’année prochaine.
La synchronisation des taux et du crédit influencera les rendements
Comme mentionné au début, nous pensons que l’économie ralentira davantage que ce que laisse supposer le scénario d’atterrissage en douceur actuel, et nous sommes d’avis que cela entraînera des réductions des taux ainsi qu’un rebond des emprunts d’État. Cette faiblesse économique mènera également à un élargissement des spreads, ce qui pourrait indiquer qu’il est temps de réduire les taux et de relever les positions dans le crédit, où nous prévoyons de solides rendements, mais aussi de la volatilité.
Le fait que de nombreuses banques centrales sont désormais en bonne position pour soutenir de nouveau l’économie est très important : il y a quelques années, lorsque les taux étaient au plus bas, les banques centrales avaient peu de moyens à leur disposition, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Les courbes doivent se normaliser, mais nous pensons que les marchés sont susceptibles de réagir en premier lieu à la faiblesse économique et d’abaisser leurs taux, ce qui devrait faire baisser les rendements pour toutes les échéances.
L’un des principaux points pour l’année prochaine, qui pourrait compenser l’élargissement des spreads que nous prévoyons à un moment donné, est le flux de trésorerie anticipé issu de produits assimilés à des liquidités et dirigé vers les titres obligataires. Compte tenu du fait que les actifs des fonds du marché monétaire s’établissent à plus de 5,8 billions USD et que la majorité de ce montant est investie dans des emprunts d’État à court terme, la solide performance récente du crédit, combinée à une baisse des taux à l’extrémité courte de la courbe des emprunts d’État, devrait observer un retour majeur aux alternatives à plus haut rendement.
Comme la confiance dans le fait que la Fed et les autres banques centrales réduiront les taux l’année prochaine se renforce, les liquidités en tant que classe d’actifs sembleront moins attrayantes, et nous nous attendons par conséquent à d’importantes entrées dans les titres obligataires l’année prochaine, ce facteur technique supplémentaire jouant un rôle essentiel dans la performance.
Il est également important de mentionner une nouvelle fois le caractère historique de l’évolution des taux des titres obligataires. L’indice du Trésor US, qui venait de réaliser une deuxième année consécutive de performance négative pour la première fois depuis 45 ans, soit depuis son lancement, était en bonne voie d’enregistrer une troisième année négative avant le récent rebond. Ce dernier a constitué un vent contraire négatif majeur pour le crédit, mais, sans risque accru de défaillance, il n’aura fait que retarder les rendements et non les annuler. Nous prévoyons une nette amélioration de la performance au fur et à mesure que les rendements des emprunts d’État se stabiliseront, en particulier compte tenu des rendements très attrayants offerts.
Un débat très animé a eu lieu parmi les gestionnaires de portefeuille cette année quant à la manière dont l’économie ralentira et à quel moment, ainsi que sur la réaction des marchés. Il n’a pas été simple de trouver un consensus sur tous les points, mais dans la plupart des cas, le calendrier des évolutions économiques anticipées a joué un rôle dans ce processus. En fin de compte, il existait toutefois un fort consensus quant au fait que les titres obligataires offrent une valeur attrayante et que de nombreux investisseurs seront en mesure d’atteindre tous leurs objectifs d’investissement grâce au revenu offert. Et si les flux se rétablissent, comme nous le prévoyons avec confiance, ce facteur technique renforcera davantage l’attrait des rendements offerts.
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