Le métal rare progresse de 30% depuis début avril. Il se rapproche désormais de 1’300 $/once. Derrière cette envolée, plusieurs facteurs fondamentaux convergent pour soutenir la demande au moment même où l’offre se raréfie.
Par Adrien Chavanne, analyste
Le platine et le palladium appartiennent à la même famille de métaux (les métaux du groupe du platine) et partagent de nombreux usages, par exemple dans les catalyseurs automobiles. Longtemps substituables, leur dynamique de marché diverge aujourd’hui : le palladium est massivement utilisé dans les moteurs essence et souffre aujourd’hui de la montée en puissance des véhicules électriques. Cela accroît ses excédents. À l’inverse, le platine est soutenu par de nouveaux usages comme l’hydrogène et les possibilités alternatives qu’il offre dans la bijouterie. L’offre ne suit pas. Selon les dernières estimations de Bank Of America, ce déficit pourrait atteindre jusqu’à 1,6 million d’onces si la demande bijoutière continue de se renforcer, notamment en Chine.
L’hydrogène : un moteur de croissance à surveiller
Le développement des électrolyseurs PEM – qui permettent de produire de l’hydrogène en décomposant de l’eau (H₂O) en hydrogène (H₂) et en oxygène (O₂) – et des piles à combustible reste un levier important pour la demande future de platine. Ces procédés nécessitent des catalyseurs riches en platine pour assurer l’efficacité des réactions électrochimiques. Plus de la moitié des projets d’électrolyse prévus d’ici 2030 reposent sur cette technologie. Mais depuis la bulle spéculative en 2020, le secteur s’est assaini. Plusieurs acteurs se sont depuis retrouvés en difficulté, à l’image du français McPhy qui est désormais en liquidation judiciaire. La concrétisation des projets à l’avenir dépendra de leur viabilité industrielle et financière.
La bijouterie comme soutien supplémentaire
L’argument de l’hydrogène concerne des tendances de long terme. Or, nous évoquons ici le chemin parcouru par le platine ces dernières semaines. C’est là qu’intervient la bijouterie, la deuxième débouchée pour la platine après l’automobile. La demande pour les bijoux en platine en Chine est croissante. Le renchérissement de l’or vers des nouveaux records (3’350 $/once) pousse les bijoutiers à se diversifier. Les analystes de Bank Of America apportent ici un nouvel éclairage : un simple transfert marginal de 1% de la demande en or vers le platine aurait un effet de 700’000 onces de demande supplémentaire sur un marché déjà sous tension.
Enfin, le parcours récent du platine n’aurait sans doute pas été tel sans le contexte actuel. Les craintes suscitées par la géopolitique et la stratégie commerciale des Etats-Unis poussent les investisseurs à diversifier leurs risques. Et ainsi acheter des actifs alternatifs aux actions. Globalement, l’ensemble des métaux a progressé ces dernières semaines. L’or en est bien sûr l’exemple le plus suivi.