Passer de la théorie à la pratique est souvent un exercice périlleux. Et lorsque cela se fait en période de turbulences sur les marchés boursiers, cela peut même relever de la gageure. C’est pourtant ce que réussit Antoine Marmoiton d’Alken AM.

Antoine Marmoiton

Grâce au modèle qu’il a développé, celui-ci est en effet en mesure de vous dire si vos investissements dans des fonds d’obligations convertibles offrent une véritable diversification dans les risques pris.

Une boussole fort utile pour faire face aux prochaines secousses sur les marchés.

Explications.

 

Vous travaillez depuis plusieurs mois déjà sur un outil d’analyse censé apporter un regard différent sur le comportement des fonds d’obligations convertibles. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il retourne au juste?

Il y a un peu plus d’un an, nous avons décidé d’examiner le paysage des fonds d’obligations convertibles de manière plus systématique. En effet, alors que nous savions ce qui, selon nous, rendait notre processus de gestion différent des autres, il était logique d’essayer de structurer notre compréhension de ce que faisaient nos concurrents de manière à créer une discussion fructueuse avec les investisseurs. Pour ce faire, nous avons créé des groupes de fonds en utilisant à la fois l’analyse qualitative et le regroupement hiérarchique, une technique couramment utilisée en gestion de portefeuille. Nous avons constaté que deux axes étaient les plus importants: la qualité de crédit des investissements et le niveau général de risque.

En soi cette conclusion semble bousculer quelques schémas bien établis chez les investisseurs qui, en général ne s’intéressent qu’à deux paramètres: le rendement attendu et la volatilité du placement qu’ils ont choisi. Comment expliquez-vous cela?

A mon sens, il s’agit d’une erreur d’appréciation qui peut potentiellement se révéler être une source de grande déconvenue dès lors que l’on souhaite investir dans plusieurs fonds d’obligations convertibles. En effet, comme le montre notre outil d’analyse, se baser sur le rendement attendu et la volatilité, c’est prendre le risque de ne pas suffisamment diversifier son placement. En d’autres termes, l’investisseur risque de se retrouver avec des fonds dont les comportements seront similaires face à un événement de marché donné alors même qu’il était a priori raisonnable d’espérer de la diversification. La bonne nouvelle c’est que notre travail montre aussi que certains fonds ont véritablement des approches très différentes par rapport à ce que fait le reste du marché. Il est donc possible de diversifier son portefeuille si on le souhaite vraiment.

Comment faut-il procéder selon vous?

En plus d’avoir conscience de ce risque d’absence de diversification, l’investisseur doit être totalement en accord avec les objectifs qu’il assigne à ses placements. Pour ce faire, il peut mettre en place un outil d’analyse comme le nôtre basé sur le rendement réel des produits et leur étude qualitative. Cela permet de décomposer le marché des fonds investis dans les obligations convertibles en trois groupes: les produits les plus offensifs (groupe 1) aussi bien du côté crédit que du côté risque action et qui sont actuellement à cause de la structure du marché très investis sur le segment de la technologie américaine; ceux qui suivent un indice et une stratégie très classique de recherche a tout prix de la convexité (groupe 2) et qui représentent les deux tiers du marché; et enfin des fonds à profil qualité ou défensif qui misent avant tout sur des emprunts de qualité ou de réduction du risque en limitant leur exposition action.

Cette catégorisation est-elle stable dans le temps?

Absolument. Et c’est d’ailleurs tout son intérêt puisqu’elle permet par exemple de constater que l’écart de performance autour de la moyenne des fonds du groupe 2 reste relativement faible. Ce qui revient logiquement à conclure qu’investir dans plusieurs produits de ce groupe n’est pas très différent du fait d’en acheter un seul.

En guise de conclusion, je vous propose de passer de la théorie à la pratique. La banque centrale américaines vient d’augmenter de 75 points de base ses taux d’intérêt (la plus forte hausse depuis 1994!) et espère bien voir le niveau de l’inflation baisser à 3% dès l’an prochain. Dans un tel contexte, en quoi cette matrice peut aider un investisseur?

Pour comprendre toute l’utilité de notre modèle, il faut aussi prendre la mesure de tout ce qui se joue effectivement en économie. Récemment, l’ancien secrétaire d’état au Trésor Larry Summers a déclaré qu’il faudrait un taux de chômage américain supérieur à 5% pendant cinq ans pour freiner l’inflation dans son pays. Si ce scénario se réalise, alors les taux de défaut vont mécaniquement augmenter parmi les entreprises et les investisseurs vont avant tout rechercher les obligations convertibles présentant les meilleures qualités de crédit. Or, le travail réalisé sur notre matrice permet justement d’identifier quels fonds sont les moins exposés à ce risque de défaut.

Et justement, comment vous positionnez-vous par rapport à la concurrence?

Pour un fonds comme notre Global Sustainable Convertible, cela signifie être aujourd’hui principalement investi en emprunts de qualité (type investment grade). Dans une phase aussi incertaine de remontée des taux d’intérêt, il s’agit en effet de la partie la plus intéressante sur le marché des convertibles. De leur côté les emprunts de type haut rendement sont beaucoup trop vulnérables à la remontée des taux et risque de dégradation général de l’environnement économique.

 

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