Il y a toujours quelques dizaines de millions d’emploi à recréer aux États-Unis, mais l’optimisme revient. C’est flagrant dans l’évolution des indices boursiers. C’est visible à un degré moindre dans les enquêtes auprès des entreprises. Il est désormais acté que le point bas d’activité était en avril. Tout ce qui suit est donc forcément meilleur. Pour tous les secteurs sortant du confinement, le rebond sera d’abord très fort car il y a des dépenses à rattraper. Mais il y aussi des dépenses perdues pour de bon et des projets d’investissement en suspens. Les effets induits de cette crise ne sont pas encore tous visibles.
Focus US par Bruno Cavalier, Chef Economiste et Fabien Bossy, Economiste
Dans les phases d’inflexion du cycle, les indicateurs ne pointent pas tous dans le même sens. Actuellement, on observe que les indices avancés type climat des affaires amorcent leur rebond. Les indices coïncidents de production et de dépenses ont touché leur point bas. On espère qu’ils suivront les précédents. Quant aux dépôts de bilan ou défauts de paiement, qui sont des variables retardées, ils ne sont qu’au début de la correction. Là, les mauvaises nouvelles restent à venir.
Ce sont les indicateurs de sentiment qui retiennent aujourd’hui l’attention. Après avoir lourdement chuté en mars et en avril, ils se reprennent un peu. Cela étant, même avec ce rebond, leur niveau reste faible, souvent inférieur aux précédents points bas de la Grande Récession (graphe). C’est cohérent avec une activité bien au-dessous de la normale. Même avec une reprise en cours de trimestre, la contraction du PIB réel au T2 sera un multiple de celle du T1 (-5% en rythme annualisée). Les indicateurs à haute fréquence donnent le même signal. L’indice JPMorgan des dépenses quotidiennes par cartes bancaires s’affichait à -19.7% sur un an le 24 mai, à comparer avec un point bas de -41.8% au 31 mars. On est loin du niveau pré-crise.
Les perspectives de production rebondissent assez nettement (graphe). Il y a là un rattrapage, presque automatique qui traduit la sortie du confinement. C’est un phénomène qui devrait durer au moins durant l’été. Ce n’est qu’au début de l’automne qu’on aura une idée des dégâts durables sur le potentiel d’activité. On observe aussi un relatif optimisme sur l’avenir dans les enquêtes auprès des ménages. Joue là sans doute le soulagement de pouvoir reprendre une vie sociale, ce qui n’est pas négligeable pour les comportements de dépense.
Pour bien apprécier ces évolutions positives, il faut toutefois garder à l’esprit le rôle des amortisseurs de crise. Les actions combinées de la Fed et du Trésor ont à ce jour préservé en large part les bilans des ménages et des entreprises. Certaines mesures ont une date-butoir. L’extension des indemnités de chômage est censée s’arrêter au 31 juillet. Le choc négatif sur le revenu disponible, limité pour l’instant, pourrait alors s’amplifier.
A suivre cette semaine
Le Bureau of Labor Statistics publiera le 5 juin le rapport mensuel sur le marché du travail pour mai. En avril, plus de 20 millions d’emplois avaient été détruits et le taux de chômage avait bondi de plus de 10 points à près de 15% de la population active. Ces chiffres pourraient être fortement révisés. La fermeture de l’économie s’est produite si brutalement qu’il n’était en effet pas facile de catégoriser les personnes en âge de travailler entre employés, chômeurs et inactifs. Des millions de personnes absentes de leur travail à cause du confinement avaient été considérées comme étant toujours employées, mais si on les avait ajoutées au nombre de chômeurs, le taux de chômage aurait été cinq points plus haut.
Une autre bizarrerie statistique concernait l’évolution des salaires. Les gains horaires ont fortement accéléré passant de 3.3% à 7.9% sur un an. La raison en est que le choc sur l’emploi a été surtout concentré sur des secteurs (comme la restauration) où le niveau de rémunération est particulièrement bas. Cette évolution salariale ne reflète donc qu’un effet de composition et non une réalité économique. En mai, les statisticiens du BLS feront face aux mêmes difficultés et il faudra à nouveau considérer les résultats avec prudence. Vu la modération des inscriptions au chômage, le nombre des destructions d’emploi devrait s’afficher en net recul, mais la prévision moyenne du consensus se chiffre malgré tout à 9 millions. Le taux de chômage va prolonger son ascension jusque vers 20%, et peut-être au-delà.
Selon les estimations préliminaires, les indices PMI ont rebondi en mai. Il en a été de même pour toutes les enquêtes manufacturières régionales parues à ce jour. Le même mouvement est attendu pour les indices ISM (manufacturier le 1er juin, non-manufacturier le 3). Un sursaut des ventes de véhicules est anticipé aussi, à 11.2 millions d’unités, vs 8.6 en avril et 16.9 en moyenne sur 2019.
Sources : Thomson Reuters, Oddo BHF Securities