Je me souviens, il y a un peu moins de deux ans, au mois de février 2016, le marché chutait comme une pierre et nous jouions dangereusement avec les 1'800 points sur le S&P500 à New York. En ce temps-là, bien des intervenants étaient archi-convaincus de la fin très proche du Bull Market né durant un mois de février également, mais en 2009. Cela semblait même carrément parfait puisque ça tombait pile-poil 7 ans plus tard et 7 ans pour un Bull Market, ça fait quand même super-long. Il était donc facile de faire des prévisions catastrophique et même le support technique évident des 1'800 ne pouvait pas suffire à inverser la tendance : la fin était proche.

L’Audio du 18 septembre 2017

Fast-Forward 19 mois plus tard, le MÊME S&P500 vient de terminer sa semaine au plus haut de tous les temps, à 2’500. Ça ne veut rien dire, mais symboliquement ce n’est pas rien. Nous sommes 700 points plus haut que ce fameux mois de février 2016 où la fin était proche. Et pourtant nous sommes toujours dans un espèce de « mood » où nous passons notre temps à « scanner » le marché pour trouver la raison pour laquelle ça devrait baisser, parce que là, quand même, on est trop haut, trop cher et plus rien ne justifie de continuer plus haut.

La plupart des gourous sont déjà venus à la télé pour nous mettre en garde, je crois qu’il n’y a plus un stratégiste connu dans son quartier qui n’est pas encore passé sur CNBC ou Bloomberg TV pour nous prévenir qu’on allait se la prendre et qu’il n’y avait plus rien à attendre.

Kim Jong Un ou Rocket Man, comme Trump vient de le surnommer sur Twitter – histoire de montrer comment la diplomatie internationale vole haut en 2017 – nous fournit (de temps en temps) une certaine instabilité dans les marchés, mais une instabilité de moins en moins suffisante pour nous permettre d’acheter sur faiblesse.

Bien des « gérants de fortune » ont anticipé la correction (inévitable) à venir et ont déjà réduit leurs expositions et augmenté leurs niveaux de cash, tout le monde est prêt pour la suite, mais ça ne baisse pas.

Au contraire. On bat des records. Et à chaque nouveau record, on vient nous dire que « c’est pas possible, ça peut pas durer ». Et plus ça monte, moins on est convaincu.

Plus j’observe ce marché depuis derrière mon écran, plus je me dis que l’on souffre encore du syndrome de 2007-2008 ; ça a fait TELLEMENT mal à cette époque, que l’on ne veut surtout plus se faire reprendre dans une spirale douloureuse comme celle de l’époque. Du coup, on applique la théorie du risque minimal et on se protège contre toute correction, sauf que pendant ce temps, ça monte. Gentiment, mais ça monte.

Nous sommes 38% plus haut qu’en février 2016. 38% plus haut et on continue de nous dire que ça ne va pas, que ça ne peut pas durer. Et pourtant ça dure. Cela fait un moment et je l’ai souvent exprimé dans cette « chronique », que je me dis que tant que l’on criera « au loup » en essayant de nous prédire l’heure exacte de la prochaine correction ; on ne baissera pas. En revanche, quand on finira par avoir une vraie euphorie et que tout le monde paniquera dans tous les sens pour acheter des actions ; LÀ… À ce moment très précis, je commencerai à avoir des doutes. Mais si l’on continue à venir à la télé pour nous prédire la fin du monde, je continuerai à dire que l’on ira à 3’000 sur le S&P avant d’aller ailleurs.

La semaine se sera donc terminée sur une note euphorique. La Livre Sterling casse à la hausse parce que l’on parle de hausse des taux en Angleterre et ça pèse sur les marchés boursiers locaux, l’Euro/Dollar est toujours une préoccupation majeure pour les places boursières européennes et Draghi est toujours en mode « on va bientôt resserrer les boulons » et les marchés européens se sentent moins à l’aise pour tenter de monter, mais en attendant, c’est aux USA que ça se passe.

Les indices terminent au plus haut parce que tout le monde s’en fout de « Rocket Man », que l’économie n’est pas au top, mais que ça va quand même. Les intervenants continuent d’empiler des positions dans les secteurs qui cartonnent – les semiconducteurs pour ne pas le citer – l’indice y relaté vient d’aligner sa cinquième séance de hausse consécutive et termine au plus haut de tous les temps. Quand on sait que cet indice sectoriel est souvent considéré comme un « indicateur avancé », on peut se dire que la fin n’est peut-être pas pour tout de suite.

Aujourd’hui les regards sont tournés vers la FED qui se réunit cette semaine. Les « experts » pensent que c’est la clé pour la suite des opérations. Les mêmes « experts » qui pensaient que la fin était proche ne 2016. Ils s’attendent donc à que Yellen ne fasse rien au niveau des taux cette semaine – si le contraire se produisait, ça, ça serait vraiment une surprise – mais en revanche elle pourrait donner des indications sur le comment et le quand au sujet de la réduction du bilan de la Banque Centrale Américaine. Tout de même un challenge de 4.5 trillions qu’il faudra faire avaler aux investisseurs.

La patronne de la FED devrait donc donner des détails sur son plan de réduction et certains s’attendent à que CELA pèse sur le marché – encore une fois, ça ne suffira pas. Les lieux communs qui nous garantissent une correction ne fonctionnent plus. Les gens sont sous-investis, tout le monde est prêt pour la correction, tellement prêts que plus personne n’achète des options pour se protéger, ils n’ont RIEN à protéger, la volatilité est donc au plus bas de tous le temps et tout le monde s’en fout.

Nous voici donc à l’aube d’une nouvelle semaine, les futures sont déjà en hausse de 0.3% et laissent présager du fait que ça pourrait continuer de monter. En attendant, on va regarder la FED, regarder les discussions « Tweeto-Diplomatico-Onusiennes » entre Kim, Donald et l’ambassadrice américaine à l’ONU qui vient de déclarer que si la Corée du Nord « les » cherchaient, elle serait « détruite ». On sent que la diplomatie mondiale est vraiment à son apogée.

Et pour le reste, on regardera s’il y a de l’inflation, des take-overs – de ce côté-là, il y a Northrop Gruman qui serait sur le point de racheter Orbital pour 7 milliards – soit 10% de prime par rapport au prix de vendredi. Et puis on suivra aussi attentivement ce que pourrait faire ou ne pas faire Kim Jong Un, même si tirer des missiles au-dessus du Japon ne fait plus rien à personne et qu’il va falloir trouver mieux pour générer le moindre intérêt.

La dette du Portugal a été ramenée sur « investment grade » par S&P. Ce matin le Japon est fermé pour cause de jour férié, mais le reste monte. L’indice MSCI Asia Pacific qui, comme son nom l’indique, couvre l’Asie, vient d’atteindre des niveaux plus vus depuis 10 ans et ce malgré l’autre cinglé qui agite des bombes nucléaires à tout va.

L’or est à 1321$, il baisse lentement parce que tout va bien. Le pétrole s’établit discrètement au-dessus des 50$ et le Bitcoin, qui a tout de même touché les 3’000$ ce week-end, remonte comme une fusée et frise les 3800$ ce matin. Je ne vous refais pas le discours habituel sur le Bitcoin, mais ça reste le Muppet Show.

Côté chiffres économiques, nous aurons le Trade Balance en Italie pour autant que quelqu’un s’y intéresse. Il y aura aussi le CPI en Europe et Carney – le patron de la Banque d’Angleterre – qui parlera. D’habitude on s’en fiche complètement, mais comme depuis une semaine, il parle de monter les taux en Angleterre, soudainement il devient aussi important que Kim Jong Un.

En ce qui me concerne, je vous souhaite un très bon début de semaine et on se retrouve demain pour voir ce que l’avenir nous réserve et voir si le Krach est vraiment à nos portes comme TOUT LE MONDE le dit.

Bon lundi, bonne journée et à demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

« A life spent making mistakes is not only more honorable, but more useful than a life spent doing nothing. »

George Bernard Shaw