Ces cinq dernières années, les groupes les plus chers d’investissements actifs, les fonds spéculatifs, sont restés à la traîne des marchés des actions et des marchés obligataires en matière de rendements. Tandis que les investissements passifs, moins chers, ont souvent affiché de meilleures performances. Faut-il pour cela miser avant tout sur les instruments passifs? Non. Pour une stratégie à long terme, il faut les deux.
Par Kevin Gardiner, Global Investment Strategist, Rothschild Wealth Management.
Il y a seulement quinze ans, un dixième environ des fonds investissant dans des actions américaines étaient gérés passivement. Aujourd’hui, c’est pratiquement un tiers. Les instruments d’investissement passifs ont par conséquent nettement gagné en popularité. Cette évolution est sans aucun doute liée aux frais moins élevés des investissements passifs.
Mais parlons performance d’abord: le principal argument de vente des gestionnaires actifs est qu’ils dégagent une superformance par rapport aux investissements passifs qui visent à répliquer un certain indice boursier. Pour arriver à cette performance, les investissements actifs ont principalement recours à deux moyens: la sélection des obligations et le market timing. Mais comment sait-on si la possession d’une obligation va payer? C’est là toute la difficulté. En effet, les rendements historiques d’un placement ne garantissent aucunement les performances futures. Il existe toutefois de nombreux fonds chers et performants. Pour identifier ceux au bon potentiel de traction, due diligence et suivi étroit s’imposent. Mais même ainsi, il n’y a aucune garantie que le placement atteigne la performance espérée. L’efficacité souvent élevée de nos marchés financiers rend le market timing difficile pour les gestionnaires actifs car, une fois les variations connues, les actions s’adaptent très vite au niveau adéquat. Il est par conséquent extrêmement problématique de saisir le moment optimal pour acheter ou vendre. Le fait est que l’investisseur moyen ne peut pas battre le marché. En pratique, la performance des catégories de placement de style actif n’est souvent pas meilleure que pour celles de style passif.
Si les placements actifs sont plus chers et leur rentabilité pas forcément meilleure, pourquoi alors y avoir recours? En réalité, tout marché n’est pas efficace à tout instant. On ne peut pas exclure la survenue de certaines anomalies. Une gestion active permet de les reconnaître et de réagir en conséquence, ce qui constitue un avantage essentiel sur des placements de gestion purement passive qui se voient exposés à divers effets de concentration. Par exemple lorsqu’un petit nombre d’actions domine une grande partie du rendement total d’un indice. Les fonds passifs doivent dans ce cas aussi reproduire les composantes de cet indice, même si elles sont mal équilibrées. Il peut même s’ensuivre que les placements passifs renforcent l’effet de marché puisqu’ils sont exposés à la dynamique du marché par leur lien à un index. Les placements passifs ne peuvent donc pas échapper à l’«effet de mode» qui en résulte ni aux fluctuations. En revanche, les gestionnaires actifs peuvent mettre en œuvre une diversification des placements afin de neutraliser la dynamique du marché et de se prémunir selon les besoins.
Instruments actifs et passifs dans la gestion de patrimoine
L’objectif d’une gestion de patrimoine axée sur le long terme est tout d’abord la conservation du patrimoine réel, y compris un certain rendement visé. Cette approche implique que la pure optimisation du rendement n’est pas ce qui prévaut mais plutôt que la stratégie patrimoniale est modelée par un certain souci de sécurité. La diversification y joue un rôle déterminant. Si celle-ci s’effectue non seulement de manière interrégionale et intersectorielle mais que les investissements interviennent aussi dans différentes classes d’actifs, nous avons au final un portefeuille bien diversifié. Un tel portefeuille ne peut cependant pas être constitué et géré à la longue selon une seule approche passive. Les limites décrites plus haut en exigent un complément actif. C’est pourquoi Rothschild fait peu de cas de la discussion idéologique opposant actif et passif. Quiconque oriente son portefeuille sur le long terme, veut tenir compte des risques possibles tout en profitant des occasions offertes par le marché n’a d’autre choix que d’allier les deux approches. Une part gérée activement pour la diversification et l’exploitation des opportunités de rendement, et des instruments de placement passifs pour que certaines thématiques soient reflétées de manière efficace et à bon prix.