Ce matin est une de ces matinées qui permet de gagner un maximum de temps dans ce qu’il faut retenir dans les nouvelles du jour parce qu’étant donné ce qui s’est passé hier soir aux USA, ce qui s’est passé hier dans la journée sur les places de bourse, a à peu près autant d’intérêt que la défaite du PSG hier soir en a dans le vieux port de Marseille.

L’Audio du 7 mars 2018

Pour faire simple, hier les bourses sont montées parce que « les peurs d’une guerre économique » se dissipaient. Attention, je n’ai pas dit que la probabilité d’une guerre économique disparaissait, c’est juste qu’on n’en parle plus et que comme nous, dans la finance, nous avons une mémoire tellement courte que l’on a tendance à oublier les choses si on ne nous en parle pas.

D’ailleurs en général, je parle souvent de « mémoire de poisson rouge », mais là notre mémoire court terme devient tellement instantanée que le poisson rouge devient soudain un réservoir inépuisable de mémoire des marchés et que nous, nous sommes passés à la « mémoire de stick de poisson pané du Captain Igloo » et c’est encore plus court, croyez-moi.

Comme plus personne nous parlait de « guerre économique » et surtout puisque Trump n’avait pas « tweeté » à ce sujet depuis 24 heures – les derniers « communiqués officiels en provenance de Twitter » laissaient supposer que Trump n’en n’avait rien à foutre de l’avis des autres, qu’il continue à se poser en victime, tout en voulant faire passer les USA avant tout, refusant de voir que son comportement infantile, pour ne pas dire débile, pourrait poser des problèmes économiques bien plus graves à long terme – le marché a fait comme si de rien n’était et est remonté tranquillement pour terminer en hausse un peu partout.

En Europe on se disait que tant que l’Italie n’annonce pas son intention de quitter l’Union Européenne, ça ne peut pas être pire, alors on a racheté l’Italie et classé le dossier jusqu’à nouvel ordre et le reste terminait légèrement dans le vert parce que la « guerre économique » était absente des « headlines », par contre, faites-moi confiance, au premier article sur le sujet ou au premier Tweet de Trump qui dit « Fuck Europe » – ce qui n’est techniquement, pas impossible, le marché va repartir dans ses vieux travers.

Tout ça pour vous dire que l’on se fout totalement de ce qui s’est passé hier, du pourquoi du comment de la hausse, parce que ce qui nous préoccupe c’est L’EVENEMENT qui s’est passé hier soir APRÈS la clôture ! Parce que c’est CET EVENEMENT qui va décider de l’avenir des bourses mondiales sur le long terme, à savoir dans les 24 prochaines heures. Oui, parce que dorénavant, avec notre mémoire de « stick de poisson », le long terme, c’est 24 heures. Au-delà de 24h c’est de « l’investissement pour la retraite ».

Et « THE » événement of the day… THE «thing » qui va changer la face du monde, c’est l’annonce de la démission de Gary Cohn…

Oui, je sais, vous allez me dire : « mais c’est qui ce mec et puis qu’est-ce qu’on en a à faire ?? » – en effet, c’est qui ce mec et on aurait pu rêver mieux comme nouvelle ultra-sexy pour faire bouger le marché, mais on a les nouvelles qu’on mérite et en ce moment, on ne mérite pas autre chose.

Gary Cohn c’était le « TOP Economic Advisor » du Gouvernement Trump, un ex de Goldman Sachs qui était plus égal que les autres et qui connaissait tout le monde à Wall Street. Cohn c’était l’artisan de l’ombre qui avait fait que la « Réforme Fiscale » avait été tant appréciée par Wall Street, celui qui avait fait passer les petits détails qui comptent et qui avait permis aux financiers de penser que, finalement Trump était moins con qu’il en avait l’air – chose qui est actuellement en phase de révision.

Mais Cohn c’est aussi le type qui s’était déjà « clashé » avec le Président il y a quelques mois au sujet de certaines remarques racistes que l’agent orange aurait faites.

Le départ de Cohn fait aussi comprendre que la « guerre économique » est bien présente et que c’est le camp des idiots qui a gagné à la Maison Blanche. Cohn s’était clairement opposé au délire du Président, mais c’est un autre « Top Advisor », Peter Navarro, qui a remporté les faveurs du locataire de la Maison Blanche. Quelques heures avant l’annonce de la démission, « on » avait demandé à Cohn de se poser en faveur de l’augmentation des tarifs douaniers sur l’aluminium et l’acier.

Son départ résume bien les choses : il est contre et la guerre économique est en marche.

Wall Street est fort mécontent de voir Cohn s’en aller, c’est encore le dernier qui offrait une certaine crédibilité à l’équipe économique de Trump et même Blankfein, le CEO de Goldman Sachs s’est fendu d’un Tweet pour dire qu’il regrette son départ. Ça veut tout dire. Depuis l’annonce les futures ont résolument pris la direction du Sud et sont en baisse de plus de 1%, ce qui laisse penser que si l’on a échappé à un Black Monday il y a 48 heures, on pourrait se faire « Grey Wednesday » aujourd’hui.

Tout est dit et tout est résumé. C’est comme en 2011 lorsque la Grèce était en difficulté et que l’on s’autorisait à penser qu’elle pourrait éventuellement sortir de l’Europe ; un seul commentaire, un seul événement peut vous secouer le marché comme un prunier et faire oublier le reste.

Aujourd’hui, c’est la démission de Gary Cohn. Point final. Vous pouvez faire le tour du FT, apprendre le Wall Street Journal par cœur, relire deux fois l’Équipe et acheter plusieurs lfois e journal financier « 20 Minutes », la seule chose qui fera bouger le marché ce matin et cette après-midi, c’est la démission de Gary Cohn.

Vous n’avez presque jamais entendu parler de lui. Si vous le croisez demain dans la rue, vous ne saurez même pas que c’est lui, mais pourtant ce matin le fait qu’il ait filé son sac à la Maison Blanche, va déterminer le sens de votre journée. Comme quoi, des fois il ne suffit pas d’avoir les cheveux gris et de boire du Nespresso pour faire parler de soi.

Le 7 mars 2018 sera dorénavant connu sous le « Gary Cohn Day ».

Ce matin en Asie on est déjà dans le « mood », il faut dire que pour une fois que l’on est en avance sur les nouvelles américaines, on ne va pas bouder notre plaisir. Le Nikkei est en baisse de 0.75% et le Hang Seng recule de 0.4%, pour le moment ce n’est pas non plus le « bain de sang », mais il faudra voir comme les « Ricains » vont prendre la chose à l’ouverture et surtout comment la volatilité, le VIX, va réagir tout à l’heure.

Non, parce que le problème de nos jours, ce n’est pas le fait que les marchés baissent, c’est surtout le fait que si les marchés baissent trop vite, la volatilité monte. Et si la volatilité monte, les systèmes électroniques de trading vont automatiquement déclencher des ordres de vente. Et donc le marché va baisser plus vite et la volatilité va monter encore plus et si la volatilité monte encore plus, les ordinateurs vont vendre encore plus. Ce qui aura pour conséquence de faire encore monter la volatilité… À la fin, je reste convaincu que ces systèmes automatisés sont une grosse connerie et qu’un jour ou l’autre on va finir par se faire découper en deux par ces « skynet-to-be », mais au moins ils auront ré-inventé le concept des vases communicants ou du mouvement perpétuel.

Ou comment se tirer une balle dans le pied en laissant les autres faire le boulot.

Toujours est-il que ce matin les marchés sont mal barrés pour l’ouverture et que la Chine ne fait rien. Comme tous les jours.

L’or est à 1334$. Le pétrole est à 62.17$ – mais ça ne vous intéresse plus depuis longtemps. Le Bitcoin a reperdu 1’000$ en 24 heures et se traite sur les 10’500$ ce matin.

Vous pouvez donc fouiller la presse ce matin, ça ne servira à rien. La seule chose qui nous préoccupe, dans le monde de la finance, c’est Cohn et puis c’est tout, le reste n’est qu’anecdotique. Même la défaite du PSG, tout le monde s’en fout. Nous allons donc nous concentrer là-dessus et uniquement là-dessus et en faire notre casse-croûte de la journée. Ça sera oublié dans 3 jours, parce que ce n’est quand même pas ça qui va changer la face du monde, mais ce matin on va y prendre très au sérieux. C’est très « pro-de-la-finance » comme comportement, manque plus que la cravate Hermès et les pompes à 600 Frs et c’est bon.

Au passage, on peut encore retenir deux choses ce matin :

1) Ron Paul a annoncé qu’une calamité pourrait toucher le marché et le « couper en deux ». Il n’a pas spécifié ce que « pourrait » être cette calamité, ni QUAND elle pourrait frapper, mais étant donné qu’il avait annoncé la même chose en août et que, pour le moment il à l’air d’une quiche, il est cohérent avec lui-même et réitère sa prévision. Tout comme moi je peux réitérer qu’un jour le Dow Jones sera à 100’000.

2) Et hier c’était l ‘anniversaire du plus bas de 2009… après la crises des suprimes, le S&P avait atteint un « low » à 666.79, c’était il y a 9 ans – et Roubini avait dit que l’on allait à 333 – mais c’est qui ce Roubini ??? L’inventeur du stick de poisson ??? Non, juste un économiste qui se prend 400’000$ la conférence parce qu’un jour il a été juste et qu’il est faux depuis 9 ans…

Pour ce qui est des chiffres économiques, nous aurons le GDP en Europe, le Beige Book et les chiffres de l’emploi ADP aux USA et la nuit prochaine, ça sera le GDP Japonais, qui devrait être « nippon, ni mauvais ». Désolé.

Non, vraiment désolé, mais je suis obligé de la faire à chaque fois celle-là…

Demain c’est le Meeting de la BCE et le concert LIVE de Draghi et vendredi il y aura les chiffres de l’emploi qui nous avaient concerné une époque, mais maintenant on ne regardera que la croissance des salaires pour savoir si l’inflation nous guette.

Ce matin les futures sont dans le pâté, Gary Cohn n’est plus là et le niveau de compétence de la Maison Blanche vient encore de passer à un niveau inférieur. Amen.

Excellente journée à tous…

Thomas Veillet
Investir.ch

« À la cinquantaine, de près, on ne reconnaît plus les lettres, mais, de loin, on reconnaît les cons. »