Les tensions commerciales du moment affectent les matières premières et plus particulièrement les métaux industriels. En ce qui concerne l’or et les métaux précieux, la situation n’est pas non plus franchement brillante. Pourtant, quelques opportunités subsistent.

Par Max Holzer, responsable du département Relative Return de la division Multi Asset chez Union Investment

 

La détente dans la guerre commerciale n’aura été que de courte durée. En août, l’application par les États-Unis de droits de douanes supplémentaires sur les produits chinois a alimenté la spirale. Par leur protectionnisme, les États-Unis ne se contentent pas de nuire à d’autres États, mais aussi à eux-mêmes. En effet, les droits de douane ont un impact «stagflationaire». Ils mènent à l’inflation, affaiblissent le pouvoir d’achat, les marges entrepreneuriales et, partant, la croissance économique mondiale. En raison de leur rôle déterminant dans la production industrielle, les métaux de base comme l’aluminium, le cuivre, le nickel et le zinc sont eux aussi entraînés dans cette spirale. Depuis le début de l’année, leur indice a perdu 15% de sa valeur.

Première consommatrice de matières premières au monde, la Chine exerce une forte influence sur les marchés des métaux. S’agissant du cuivre, par exemple, elle repré-sente près de la moitié des besoins mondiaux. Ces derniers mois, sa demande a nettement diminué, affectée par des perspectives de croissance légèrement en baisse et par une monnaie affaiblie. Même les spéculateurs chinois se sont détournés des métaux industriels. Depuis l’intensification du conflit douanier en début d’année, le renminbi a perdu environ 10% par rapport au dollar US, ce qui, pour le demandeur chinois, se traduit par un enchérissement des métaux industriels cotés en dollars US. Or la banque centrale chinoise, la People’s Bank of China (PBOC), n’entend pas rester inactive face à cette défaillance monétaire. Afin de stopper la dévaluation du renminbi, elle a récemment décidé, entre autres, de relever le coefficient de réserves obligatoires applicable aux opérations de change.

Si la PBOC réussit à stabiliser la monnaie, elle pourrait freiner la liquidation subie par les métaux industriels. De même, un apaisement durable du conflit commercial constituerait un signal positif pour le secteur en général. Indépendamment de cela, des opportunités apparaissent dès à présent sur certains métaux. Car si perturbations il y a, il n’en demeure pas moins que l’économie mondiale continue d’afficher une santé extrêmement robuste. De nombreux métaux accusent actuellement un déficit de l’offre. La situation du nickel est particulièrement intéressante à cet égard: la tendance croissante à l’électromobilité s’accompagne d’une demande accrue de nickel, nécessaire pour fabriquer les cathodes des batteries. Les taux de croissance sont ici de l’ordre de plus de 40%.

Malgré des risques géopolitiques – au Proche-Orient par exemple – et l’escalade du conflit commercial, l’or, valeur refuge par excellence, est boudé.

Il semble en revanche que l’âge d’or stricto sensu soit révolu. Depuis avril, le cours de l’or ne cesse de plonger. Malgré des risques géopolitiques – au Proche-Orient par exemple – et l’escalade du conflit commercial, l’or, valeur refuge par excellence, est boudé. Cela tient notamment à l’évolution des intérêts US. Avec un rendement de 3% sur les emprunts US à dix ans, les investissements «sans intérêts» dans l’or ne sont pas lucratifs. De même, la faible demande en ETF or, qui s’est effondrée de 45% en un an, pèse sur le cours. Enfin, la force du dollar US a, elle aussi, des effets négatifs, le métal précieux devenant de ce fait trop cher pour les pays émergents. Le cours de l’or ne rebondira probablement que lorsque la croissance faiblira aux Etats-Unis et que les autorités monétaires suivront alors une voie plus lente que prévu. Du côté du palladium aussi, nous voyons des signes précurseurs plutôt négatifs. Utilisé dans les catalyseurs des moteurs à essence, il est donc fortement dépendant des ventes automobiles. Or la crainte de voir des turbulences menacer la croissance économique pèse sur son cours.

Il existe toutefois des opportunités au niveau du platine. Ce métal précieux, utilisé dans les catalyseurs de moteurs diesel, a fortement pâti du scandale Dieselgate et atteint son plus bas niveau depuis 15 ans. Entre-temps, la thématique du diesel a été intégrée, ce qui n’est toutefois pas encore le cas des baisses de production des prochaines années. Le platine est surtout extrait en Afrique du Sud. Les coûts de production étant supérieurs au prix du platine – faiblesse du rand oblige – les mines sud-africaines perdent constamment de l’argent. Plusieurs grands groupes miniers, Impala Platinum par exemple, ont d’ores et déjà annoncé qu’ils seraient contraints de fermer plusieurs sites en 2019 et 2020, ce qui devrait impacter environ 2 à 3% de la production mondiale. De nombreux autres vont devoir suivre, ce qui déclencherait une remontée du cours.

Même s’il apparaît que la poursuite du conflit commercial aura globalement un impact décisif sur les cours des métaux au cours des prochains mois, les investisseurs de-vraient considérer le nickel et le platine comme de bonnes alternatives de portefeuille.

 

Cet article a été publié initialement dans le magazine SPHERE (N°11 – octobre/décembre 2018)