Plaidoyer pour un reporting plus utile à l’investisseur.

 

Tous les fonds ont leur benchmark (ou indice de référence pour les francophiles) et le premier réflexe de l’investisseur est souvent de regarder «si le fonds bat son benchmark». Réflexe futile s’il en est mais résultant d’années de conditionnement pavlovien à coups répétés de publications – souvent académiques – décrivant toute une série de calculs centrés sur le fameux benchmark et supposés aider à mieux comprendre la performance du gérant.

«Qui veut la performance du benchmark doit acheter un ETF»

Si ce proverbe ne fait pas encore partie de l’almanach du financier, il mériterait d’y figurer en bonne place. En effet, si pour n’importe quelle raison un investisseur désire obtenir la performance la plus proche possible d’un indice boursier, l’ETF est assurément le produit le plus à même de délivrer le résultat souhaité.

A l’inverse, les investisseurs qui désirent une gestion active impliquent par ce choix qu’ils attendent autre chose que la performance de l’indice. Et «autre chose» c’est par définition quelque chose de différent. Tous les calculs habituels utilisant un benchmark ne tendent qu’à démontrer les différences entre une gestion passive et une gestion active. Le secret espoir étant bien entendu pour le gérant actif d’obtenir une performance supérieure à celle du benchmark. Et dans une majorité de cas, le gérant de fonds a bien du mal à dépasser l’indice de référence lorsqu’on compare les performances sur une base équitable, par exemple en tenant compte des frais et des dividendes.

Besoin de comparaison…

Les comparaisons, basées sur des classements, sont néanmoins fort utiles afin de juger de la qualité du fonds sélectionné. Il est, à mon sens, plus logique de comparer directement des fonds entre eux plutôt qu’à un benchmark inadapté à l’exercice. En effet, si 2 fonds battent le benchmark, la question suivante sera toujours de savoir quel fonds bat son concurrent, car l’investisseur est toujours à la recherche du meilleur fonds dans l’absolu (et surtout sur les 6 derniers mois, mais ceci est une autre histoire). Et au final, le classement de fonds n’a rien à faire du benchmark: sur certains univers d’investissement, peu de fonds battront l’indice boursier de référence, alors que pour d’autres stratégies, ce sera beaucoup plus fréquent. L’information relative au benchmark est finalement peu pertinente lorsqu’il s’agit d’identifier les meilleurs produits pour l’investisseur.

Un indicateur plus approprié serait probablement la performance moyenne des fonds à disposition de l’investisseur, qui saurait ainsi si le fonds retenu est meilleur que la moyenne de ses concurrents, ou se trouve dans le top 10% du classement, ou au contraire parmi les 25% les moins bons. L’information serait plus qualitative, surtout si l’ensemble des fonds offerts à la vente sont retenus pour le calcul. Ceci est parfaitement envisageable puisque de telles bases de données existent déjà. Elles devront cependant permettre une segmentation adéquate des fonds proposés. C’est ainsi que l’on arrive sur le concept central d’univers d’investissement, qui devra être redéfini sur des critères beaucoup plus stricts et standardisés.

… Mais comparaison n’est pas raison

Les classements de fonds permettent donc à l’investisseur de trouver le produit le plus adapté à ses attentes, que ce soit sur base du rendement absolu ou corrigé du risque, ou encore de la performance la moins volatile, ou de la résistance à une correction. Pour ce faire, l’investisseur va comparer des fonds entre eux, pas à un benchmark.

Ce type de comparaison met en lumière l’un des principaux écueils auquel se heurte l’investisseur: le fait de comparer des produits plus ou moins hétérogènes. La réalité souvent observée est que les meilleurs fonds seront ceux qui ont le moins en commun avec leur benchmark et prennent donc souvent des libertés avec le référentiel de comparaison qui leur est associé.
Les univers d’investissement tels que définis actuellement sont souvent peu précis, du type “actions européennes” ou “actions européennes de petite capitalisation” et au sein de chaque univers, on trouvera des fonds suivant différents indices de référence (MSCI, Eurostoxx, FTSE…), ce qui illustre que le concept d’univers est plus utile que celui de benchmark.

Une meilleure définition des univers d’investissement

Des catégories basées sur des univers de titres achetables apporteraient une meilleure homogénéité aux classements et de fait une information de meilleure qualité aux investisseurs. Les critères porteraient pour les fonds d’actions sur les marchés retenus ainsi que la fourchette de capitalisation boursière. Bien entendu, une standardisation sera nécessaire afin de ne pas se retrouver avec autant de catégories que de fonds.

Sans aller vers une politique de standardisation extrême telle que développée par la plateforme amLeague (que vous retrouvez régulièrement sur notre site), il serait envisageable de créer des catégories relativement larges et standardisées par rapport à l’offre de fonds existante. Par exemple:

  • la catégorie des fonds d’actions de la Zone Euro investissant dans des sociétés d’une capitalisation minimale de 10 milliards.
  • la catégorie des fonds d’obligations émises par des sociétés américaines notées au minimum BBB et dont la taille d’émission est d’au-moins 500 millions.
  • la catégorie des fonds d’actions Asie hors Japon investissant dans toutes les sociétés sans contrainte de capitalisation.

Des informations réellement utiles à l’investisseur

Dès lors que ces univers seraient établis, il faudra renseigner l’investisseur sur la part du portefeuille qui est investie en dehors de l’univers officiel. Il faudrait également fournir la répartition des titres en portefeuille par capitalisation boursière. Plus important encore, qu’un indicateur de la liquidité des différentes positions soit fourni (p.ex. en comparant la taille de chaque position au volume journalier moyen des 3 ou 6 derniers mois). Ces informations devraient être fournies sur une base standardisée chaque mois, sous forme de distributions et sans aucun besoin pour le gérant de dévoiler ses titres en portefeuille.

L’investisseur comprendrait dès lors beaucoup mieux quels sont les risques d’un fonds par rapport à un autre. Que le fonds A bat le fonds B sur le même univers d’investissement parce qu’il détient 15% de son portefeuille hors de l’univers et qu’il s’agit de très petites capitalisations particulièrement illiquides.

Mieux que tous les calculs basés sur des benchmarks classiques, ce type de reporting basé sur les univers d’investissement aurait assurément permis d’attirer plus rapidement l’attention des investisseurs sur les problèmes de liquidité qui ont mis à mal certains gérants de fonds au cours des derniers mois en s’étalant en première page de la presse financière.