L'année 2019 s'est avérée déconcertante pour les investisseurs qui ont été confrontés aux tensions commerciales, au Brexit et au retournement de l'orientation politique de la Fed. Les principaux trades de nombreuses banques étaient déjà obsolètes avant même le début de la nouvelle année. Pour 2020, plutôt que d’identifier des idées de trades prometteuses, nous nous concentrons sur les tendances vers lesquelles les investisseurs devraient se tourner pour trouver des opportunités. Avec une actualité qui s’annonce particulièrement cacophonique, notre objectif premier consiste là encore à faire en sorte que les investisseurs ne se trouvent pas aux prises avec l'agitation à court terme mais restent focalisés sur les plus grandes dynamiques.

Par Michael Ploog, CIO de Swissquote

 

Changer de cap? Les actions contre le rendement; les obligations contre la performance du capital

Si la Fed mène la marche avec trois baisses de taux d’intérêt en 2019, les banques centrales mondiales ont réduit les rendements à néant, propulsant les marchés actions vers de nouveaux sommets. Ce ne sera probablement pas en 2020 que les banques centrales vont cesser d’injecter des liquidités. Le plus long redressement économique de l’après-guerre va probablement se poursuivre, et le S&P 500 qui se négocie à 24 fois les prévisions de bénéfices ressemble à une véritable aubaine. Les titres «value» versant des dividendes réguliers seront recherchés dans la mesure où les investisseurs souhaitent se protéger des incertitudes liées à l’élection présidentielle, des craintes de récession et des rendements inexistants.

À l’instar des investisseurs japonais à la fin des années 1980, confrontés aux rendements minimes voire nuls des obligations, les investisseurs délaissent non seulement les titres «growth» au profit des titres «value», mais changent également d’état d’esprit. Les investisseurs devraient construire un portefeuille diversifié d’actions qui versent des dividendes, génèrent de solides flux de trésorerie et se négocient à des ratios cours-bénéfices dans la moyenne ou en-dessous de la moyenne. Il convient enfin de plaider en faveur des grandes capitalisations britanniques, qui ont sous-performé leurs homologues du fait des craintes liées au Brexit.

Les évolutions géopolitiques, source d’opportunité

Si les tensions commerciales et la faible demande mondiale ont pénalisé l’Asie hors Japon ces deux dernières années, des changements sont à venir. La croissance mondiale semble avoir atteint un plancher au quatrième trimestre de 2019. La sous-performance de la région en a fait l’un des marchés offrant le meilleur rapport qualité-prix au monde. Les investisseurs ont négligé la Corée du Sud du fait d’une sensibilité aux tensions commerciales, de l’exposition cyclique aux technologies et à l’industrie, et de la pugnacité de son voisin. Ceci dit, l’apaisement des tensions entre les États-Unis et la Chine, les évolutions des chaînes d’approvisionnement et une reprise de la demande en matériel technologique profiteront spécifiquement à la Corée du Sud. En outre, le gouvernement de la Corée du Sud, disposé à poursuivre des mesures de relance budgétaire, a proposé un budget record de 431 milliards USD pour 2020, en hausse de 9.3% par rapport à son budget de base de 2019.

Internet en Chine

Le ralentissement de la croissance du PIB n’a pas amoindri l’insatiable appétit de la Chine envers les technologies. La Chine est le leader mondial des paiements numériques et du commerce en ligne. De plus, contrairement à d’autres secteurs, ces activités ont la bénédiction du Parti communiste, qui bloque activement les entités étrangères et investit en capital. Les informations selon lesquelles la Chine va remplacer les ordinateurs et le matériel étrangers par des marques domestiques soulignent la volonté du gouvernement chinois de protéger les entreprises locales. Même si la Chine devait vendre ce marché pour assurer un plus large accord commercial, nous pensons que cela ne se concrétisera pas. En Chine, les services liés à l’Internet et les secteurs associés connaissent un développement explosif, avec une croissance pluriannuelle à deux chiffres des revenus et des bénéfices.

Irlande: le jeu du Brexit

L’issue du Brexit demeure incertaine mais le Royaume-Uni va résolument quitter l’UE. Nous prévoyons un Brexit doux basé sur l’accord déjà présenté. Cela signifie que l’Irlande jouera un rôle de plus en plus essentiel dans les relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’UE. L’Irlande présente un paysage économique et culturel similaire à celui du Royaume-Uni et sera l’un des seuls membres anglophones de l’UE. Cela fait de l’Irlande le meilleur choix pour les sociétés basées au Royaume-Uni souhaitant se relocaliser dans un pays de l’Union européenne afin de conserver un accès à la réglementation de l’UE et au marché unique. Une grande part du commerce de l’UE transitera aussi probablement par l’Irlande. Cela profitera à l’économie locale, le PIB réel de 2019 étant parti pour atteindre une croissance exceptionnelle de 5.7%, avec un léger ralentissement à 3% en 2020. Le marché actions irlandais surperforme depuis le début de l’année 2019 (+ 28%), moment auquel ont commencé à circuler des rumeurs sur une possible clarification du statut spécial de l’Irlande.

Modeste expansion économique

Les récents signes de relance soutenus par l’amélioration des conditions financières, le rebond des exportations, la stabilité de la consommation et l’apaisement des tensions commerciales devraient favoriser une reprise en forme de U. La croissance économique mondiale devrait s’établir à 3.2% en 2020 (contre 3.1% en 2019), et les pays asiatiques en développement progresser de 5.2%. En parallèle, l’inflation tombera à 2.6%. Bien qu’elles disposent d’une plus grande marge de manœuvre pour baisser les taux, les banques centrales des économies asiatiques émergentes (Chine, Inde, Indonésie, Malaisie et Thaïlande) ne devraient recourir à l’assouplissement monétaire que de façon limitée l’an prochain. Attention aux nouvelles mesures d’assouplissement budgétaire si le scénario de ralentissement plus marqué se concrétise. Dans ce contexte, nous pensons que les devises de l’ASEAN, et plus spécifiquement les positions longues sur la paire AUD/JPY (un classique carry trade), vont surperformer. La croissance relative dans la région va redémarrer, les banques centrales offrant des rendements faibles mais intéressants. Le carry trade sera de nouveau à l’ordre du jour.