Voilà, c’est fait. Que dire de plus si ce n’est que « c’est fait ». Après 22 mois de bagarres par tweets interposés, de négociations à Washington et en Chine, après nous avoir soufflé le chaud et le froid histoire de voir qui avait la plus grosse. La plus grosse économie, bien sûr. Les Américains et les Chinois ont signé leur TRADE DEAL et le marché n’a strictement rien fait.

L’Audio du 16 janvier 2020

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Des records quand même

Bon, ce n’est pas 100% exact, le marché a tout de même terminé à des niveaux records, mais il fallait une loupe pour le voir. Le seul qui finalement fait parler de lui, c’est le Dow Jones qui termine au-dessus des 29’000 pour la première fois et la moitié de Wall Street est excité comme un troupeaux d’ados à un concert de Justin Biber parce que l’indice américain n’a mis QUE 40 jours pour passer de 28’000 à 29’000 et que c’est E-X-T-R-A-O-R-D-I-N-A-I-R-E !!! Oui c’est extraordinaire sauf que 1’000 points quand tu vaux près de 30’000, c’est quand même moins impressionnant que quand tu passes de 10’000 à 11’000, mais visiblement les Américains ont quand même de la peine à percevoir la notion de pourcentage et de proportion, tant ils sont obnubilés par vitesse à laquelle on monte.

Donc, pour résumer, le deal qui a été signé hier aura tout de même reçu un accueil plutôt froid. Ce qui est tout de même assez dingue, parce que depuis près de 2 ans on ne parle que de ça et de Trump. Et le jour où c’est signé, les commentaires c’est : « Ouais, c’est pas mal, mais y a encore du boulot et rien n’est fait ». On dira que le marché a perçu la nouvelle – qui, il faut le dire n’était pas non plus une surprise – de manière prudemment optimiste.

Plutôt en faveur des Américains quand même

Quand on regarde un peu dans les détails du traité, on a quand même un peu l’impression que Trump leur a dansé sur le ventre, aux Chinois. Parce que sans vouloir en faire une polémique, ça ressemble plus à une sanction contre la Chine. Un peu comme un jugement de divorce. C’est pas tant de savoir qui gagne, c’est surtout de voir qu’est-ce qu’il reste à celui qui perd. Globalement, les Chinois s’engagent à acheter près de 200 milliards de biens américains – ça va en faire des bateaux qui vont partir en Chine, c’est tout bon pour le climat, Greta va adorer et ça lui donnera quelqu’un pour crier dessus à la place de Roger Federer qui, on le sait est tout de même responsable de 97% du réchauffement climatique à lui tout seul parce qu’il est sponsorisé par le Crédit Suisse, NetJets et Mercedes.

Par contre les bateaux qui vont ramener les « biens américains » en Chine, eux ils vont y aller à la voile et tout va bien se passer. Mais je m’égare.

Donc les Chinois vont acheter 200 milliards d’iPhones, ils vont ouvrir l’actionnariat de leurs sociétés aux étrangers (de manière plus simple en tous les cas), la Chine a également accepté d’améliorer la protection de la propriété intellectuelle, d’ouvrir son secteur des services financiers. Ils vont renforcer les protections contre le vol de secrets commerciaux et les sanctions pour ceux qui le feront. Et pour terminer, il sera plus simple pour une société US d’aller faire du business en Chine et elles ne devront plus ouvrir leur technologie aux Chinois.

De leur côté, les Américains s’engagent à… baisser de 50% les droits de douanes sur 120 milliards de biens chinois, soit 7.5% au lieu de 15%. Et ils s’engagent aussi à conserver les droits de douanes sur les 360 milliards qui restent. Par contre comme ils sont magnanimes, ils ont promis de ne plus annoncer de nouveaux tarifs.

And the winner is….

En ce qui me concerne, j’ai toujours (bêtement) pensé que les négociations avaient pour but de trouver un deal qui avantage les deux parties. Mais là tout de suite, c’est plutôt : « on jette en l’air tous les bénéfices de l’accord et tout ce qui retombe au sol est pour les Etats-Unis, mais comme on est fair, tout ce qui reste en l’air va pour la Chine ».

Quoi qu’on en pense et quoi qu’on dise, on ne peut en tous cas pas dire que les Chinois ont remporté une victoire avec ce Deal. En tous les cas, à l’annonce de la signature et des détails de l’accord l’enthousiasme de la communauté financière a été relativement contenu et on a assez envie de se dire : « Tout ça pour ça ??? ».

Les indices n’ont donc rien fait, les experts se sont montrés prudents, circonspects, vigilants, attentifs et méfiants. Il faut dire que maintenant on va pouvoir se chauffer pour la suite du Trade Deal, puisque je rappelle que dorénavant il reste deux phases et que Trump va probablement faire durer le plaisir jusqu’aux élections puisqu’il n’a pas intérêt à que le soufflé se dégonfle d’ici-là. En conclusion ; le Trade Deal est signé, mais maintenant on attaque la saison 2 – et pas que sur NetFlix – on est donc reparti pour un tour de manège.

L’enthousiasme asiatique est le même qu’en Occident

Ce matin on ne peut pas dire que ce soit la fête en Asie, le Japon, Hong Kong et la Chine ne font rien. Rien du tout, c’est aussi calme qu’un stade de foot en Suisse. On a l’impression que tout le monde savait et que maintenant on attend la suite. L’or est à 1558$ et le pétrole est remonté à cause du Trade Deal et des inventaires qui étaient encourageants. Bon, il est remonté de 20 cents – autant vous dire qu’on est quand même loin de l’euphorie ou d’une bonne attaque de drones sur une ville du Moyen Orient.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, si vous retirez la signature du Trade Deal, il ne vous reste pas grand-chose pour allumer le feu avec le Financial Times. En tous les cas, on retiendra que la presse estime que c’est une pause dans la Trade War qui a été signée et rien de plus. Pour le reste, on peut tout de même noter que Goldman Sachs a foiré son trimestre pour la seconde fois consécutive – le titre terminait en baisse de 0.18% – on sent bien que la déception est terrible. Ailleurs Vladimir Poutine restructure le gouvernement pour préparer le jour où il ne sera plus Président – histoire qu’il ne perde pas non plus le pouvoir et que l’on ne puisse pas dire que la démocratie ne fonctionne pas là-bas.

Et puis Toyota investit 400 millions dans les taxis volants, Apple achète une société qui fait de l’intelligence artificielle pour 200 millions, Ray Dalio et Bridgewater voient l’or aller à 2’000$ et la demande n’a jamais été aussi énorme pour une émission du 30 ans italien. Il y a donc une montagne de gens qui veulent prêter de l’argent à l’Italie pour les 30 prochaines années moyennant un coupon de 2.5% – c’est quand même courageux, sachant que d’ici 30 ans, l’Italie aura changé environ 45 fois de gouvernement.

Si l’on fouille un peu dans la presse financière de boulevard, ce matin nous devrions aussi trouver une demi-douzaine d’articles qui disent qu’on n’ira pas plus haut, que la fin est proche et qu’à côté de ce que l’on vit aujourd’hui, la bulle internet c’était les vacances.

Et pour terminer, on parle aussi beaucoup de la destitution de Trump, le procès commence la semaine prochaine, mais étonnement, tout le monde s’en fout. Ce qui est intéressant, c’est que quand on regarde ce qui pourrait se passer si Trump se faisait virer, il y aussi de quoi se rouler par terre de rire en voyant les candidats Démocrates qui se haïssent tous cordialement et qui ont une moyenne d’âge de 114 ans. Il y a de quoi s’inquiéter si les USA n’ont rien de mieux à proposer que Warren et Sanders. Si Trump se fait virer, on va presque le regretter.

Chiffres à venir

Pour les chiffres du jour, il y aura le CPI en Allemagne, les Minutes du dernier meeting de la BCE et Lagarde qui parlera. Aux USA ça sera Jobless Claims, Philly Fed, Retail Sales et business inventories. Pour le moment les futures sont en hausse de 0.15% pour fêter le Trade Deal et côté chiffres du trimestre nous attendrons impatiemment Morgan Stanley.

Je ne sais pas comment on souhaite une excellente journée et un très bon café en chinois, mais le cœur y est. Moi je vous retrouve demain à la même heure et au même endroit.

Thomas Veillet

Investir.ch

“If one does not fail at times, then one has not challenged himself.”

Ferdinand Porsche