On n’arrête pas de parler de « confinement », de rester chez soi et d’attendre que ça passe. Il y a un truc que l’on persiste à faire fonctionner encore ; c’est la bourse. J’avoue que je peine à comprendre l’utilité de la chose. Et je ne dis pas ça parce que ça se pète la gueule jour après jour et que les rebonds ne sont que là pour permettre de revendre avant que ça Re-baisse. Mais disons que comme tout le monde est censé être à la maison, comment est-ce que l’on peut croire une seconde que ce marché fait encore du sens. Pendant que l’on est censé être en train de tenter d’endiguer cette pandémie de merde, ça continue de s’exciter sur CNBC comme si Wall Street était encore le centre du monde. Sans compter qu’hier encore ces imbéciles du New York Stock Exchange se demandaient s’ils devaient fermer le « floor » ou pas – et ce matin, ils ont une employée qui est positive au COVID19 – donc du coup on ferme.. Mais pour quelles conséquences à la fin ? Si c’est juste pour une question de fierté, je ne vois pas vraiment l’intérêt. Sans compter que les marchés ne font plus de sens.

L’Audio du 19 mars 2020

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Sans queue ni tête

À l’heure actuelle, le petit jeu c’est d’imaginer ce que cette crise sanitaire va coûter à l’économie. Ne cherchez pas plus loin ; j’ai la réponse : c’est quelque part entre 2% et 20% du PIB mondial. Toutes les 20 minutes il y a un type à la télé qui a une théorie différente, un calcul différent et un interprétation différente de la situation. Mais la priorité reste quand même d’avoir le droit de passer à la télé pour aller ramener sa science et faire genre «  moi je sais ». Sauf que personne ne sait, personne ne peut savoir puisque l’on ne sait toujours pas combien de temps ça va durer. Une chose est certaine ; quand on voit le comportement de certains, ça risque de durer plus longtemps qu’on le pense et se rapprocher plus de 20% du PIB que de 2%. Non, parce que loin de moi l’idée d’avoir envie d’être coincé à la maison plus que de raison, mais une chose est certaine ; c’est comme ça que la propagation cessera et plus vite ça cessera et plus vite on reviendra à la normalité – et c’est pas en allant jouer les héros invincibles dans les lieux publics.

Mais pendant que la pandémie ne cesse de s’accélérer, on a tous les jours des gars qui nous sortent de nouvelles théories basées sur on-ne-sait-pas-trop-quoi, mais on s’en fout, ça suffit pour faire paniquer la bourse. Déjà que l’on panique dans les magasins parce qu’il n’y plus de PQ – on n’a vraiment pas besoin de paniquer sur les marchés boursiers. Et pourtant si. Pourtant on continue à jouer à se faire peur. Hier encore la plupart des marchés mondiaux se sont fait laminer à coup de 6% et des poussières, plus rien n’a de valeur et la baisse appelle la baisse. On sait pertinemment que tout ça va remonter un jour quand on aura retrouvé un semblant de normalité, mais en attendant on joue à un jeu dangereux en essayant de trouver le fond de quelque chose sans aucun argument, sans aucune visibilité. Ne serait-il pas plus sain de boucler toutes les places boursières ? De se confiner chez soi et d’attendre d’y voir plus clair avant de rouvrir ? En attendant on atomise des sociétés au nom d’on ne sait même plus quoi, d’une angoisse basée sur des spéculations et des théories qui frisent plus l’improvisation qu’autre chose.

Il y aura des conséquences

Alors oui, il y aura indubitablement des conséquences, on le sait. Mais ne pourrait-on pas juste faire une pause, se concentrer sur l’éradication de l’autre saloperie et ensuite revenir aux bourses mondiales pour constater les dégâts, plutôt que de laisser l’hystérie collective et les systèmes électroniques de trading faire leur office ? Tous les jours les banques centrales et les gouvernements tentent de mettre en place des solutions pour maintenir en vie l’économie le mieux possible et à chaque fois que la FED ou la BCE fait quelque chose, Mister Market l’interprète comme une mauvaise nouvelle parce que « ça veut dire qu’ils paniquent » – mais bien sûr qu’ils paniquent ! Mais en même temps s’ils ne faisaient rien on hurlerait à la mort à cause de leur inaction !!!

Ce marché est débile depuis bien longtemps, on le sait. Mais là ça devient juste carrément pire. Il n’y a plus la moindre rationalité et tout comme il paraissait irréel et indécent de vouloir rouvrir Wall Street au lendemain des évènements du 11 septembre 2001, il me semblerait logique de tirer le rideau momentanément, le temps que le monde panse ses plaies, se sorte de la gonfle et commence à pouvoir repenser à peu près normalement. Sans compter que l’on n’a même pas encore interdit les « shorts ». Comment peut-on continuer à laisser des gens vendre des trucs qu’ils n’ont pas dans des moments pareils ? Ce marché ne fonctionne plus, ne peut plus fonctionner dans un environnement pareil, vouloir continuer à traiter absolument pour je ne sais quelle obscure raison – ne fait aucun sens – le monde est à l’arrêt et les bourses doivent continuer à fonctionner sur une jambe avec la plupart des intervenants qui sont en quarantaine et que le day to day business ne peut plus être effectué ? Désolé, mais chaque jour qui passe, cela fait de moins en moins de sens. Et je peux vous dire que même si les bourses montaient, je penserais la même chose, ça ne fait plus de sens.

Same old shit

Même les résumés de marchés ne font plus de sens, écoutez plutôt : « Hier les marchés ont à nouveau baissé violemment parce que l’angoisse liée au Coronavirus persistait et que les traders prenaient les profits suite au rebond de la veille ». On voit tout de suite qu’il y a de la substance et que c’est un vrai marché de professionnels. Mais attendez, ça ne s’arrête pas là ; hier soir la BCE a annoncé un nouveau plan de sauvetage de 750 milliards d’Euros, la Banque de Christine Lagarde se donne le droit de racheter des obligations pour soutenir le système et injecter des liquidités. Réaction du marché, écoutez encore  : « Malgré l’annonce de la BCE et celle du gouvernent US qui veut soutenir directement les Américains, les marchés pensent que ce n’est pas suffisant et trouvent que ces trop tard ou que ça sent la panique, les futures sont donc déjà « limit down » à 9h de l’ouverture de New York ».

En gros, on n’en sait rien, on ne sait pas où on va mais quoi qui se passe, ce n’est jamais une bonne nouvelle. Forcément ; NOUS SOMMES DANSA UNE PANDÉMIE et on n’a aucune visibilité, si ce n’est  des débiles mentaux qui refusent de se confiner ou l’autre catégorie ; ceux qui achète des stocks de PQ ou de pâtes. Et on croit sincèrement que les bourses mondiales – qui sont bien connues pour leur supériorité intellectuelle – sont capables d’intégrer ce qui se passe en un millième de seconde ? Je vais vous dire un truc ; interdisez les shorts, obligez les traders à rentrer leurs ordres à la main et pas avec des programmes qui font tout à leur place et vous verrez déjà comment ça va se calmer. Mais vu notre état psychologique, je voterais volontiers pour une quarantaine de 2 semaines sur les places boursières, surtout que dès que l’on verra que la pandémie est maitrisée en Italie et que l’on peut projeter le fait que si tout le monde se serre les coudes – euh non, pas serrer les coudes – enfin, si tout le monde fait des efforts en l’espace de 5 semaines ça revient presque à la normale. Vous verrez que les génies de l’extrapolation vont revenir nous faire les mêmes théories à la hausse et on va se retrouver dans les mêmes marchés psychotiques mais dans l’autre sens.

Je dis ça je dis rien

Alors moi je dis juste ça parce que ça me paraîtrait moins débile de se concentrer sur la maladie, que de vouloir s’accrocher absolument à traiter comme des ânes alors que tout va mal. C’est un peu comme si vous avez une grave maladie. Pas une maladie incurable, une qui vous empêche vraiment de vivre et si vous ne vous en occupez pas à 100%, ça pourrait dégénérer. Qu’allez-vous faire ? vous mettre en congé et vous soigner ? Ou continuer comme un idiot à faire métro-boulot-dodo en espérant que ça passe ? ça me paraît assez clair.

Et puis moi je dis aussi ça, parce que je n’ai plus rien à raconter dans mes chroniques. Ça se résume à : « ça monte parce que le gouvernement a dit ça » ou à . « ça baisse parce que la FED a fait ça et que c’est mal pris ». Je me trouve de plus en plus chiant et je peine à trouver des sujets amusants. Pire, des sujets drôles. Et puis s’ils ferment les bourses, je vous parlerai d’autre chose, on se partagera des recettes de cuisine ; « comment cuisiner les pâtes de 1350 manières différentes » – ben oui, faudra bien écouler le stock qui prend la moitié de la place dans vos cuisines. Ou alors on pourra aussi parler « histoire de la bourse » et on trouvera plein d’anecdotes drôles sur les marchés et je vous raconterai comment on achetait n’importe quoi pendant la bulle internet et comment tout le monde nous avait dit que le Bitcoin était LA VALEUR refuge de la mort qui tue et comment le type de McAfee avait dit que si le Bitcoin n’atteignait pas les 1 million d’ici fin 2020, il se – excusez-moi du langage – « il mangerait ses propres testicules » – à l’heure actuelle, il cherche une recette. Enfin vous voyez, si les bourses ferment et pas que celles de John McAfee, on a aura plein de choses à se dire en attendant.

Pour le reste

Pour le reste, pour les choses importantes, la BCE a donc lancé SON programme de sauvetage et depuis les futures sont en baisse de 5%. On voit combien on apprécie la nouvelle. Mais on parle aussi que le gouvernement US pourrait verser 1’000$ à chaque Américain. Rien de prévu en Suisse pour le moment, puisque le Conseil Fédéral continue à penser que le confinement obligatoire doit être laissé au choix de chacun et ce, même si le peuple semble lent à comprendre par lui-même.

Notons aussi que ce qui se passe sur les marchés est en train de mettre à mal Vanguard et BlackRock sur des ETFs sur le Fixed Income. À force de vouloir être trop gros, certains de ces produits sont devenus impossibles à gérer et on parle de dislocation de ces produits. En gros, on est à « ça » que ça leur pète à la gueule et que l’on se retrouve avec une gigantesque tempête de purin à gérer que même le paysan qui arrose le champ à côté de chez moi depuis trois jours fera office d’amateur dans la distribution d’excréments.

Autrement le baril se fait défoncer tous les jours, entre guerre des prix et arrêt de la consommation, les stations-services ont même commencé à baisse le prix à la pompe. Ce matin le baril est à 22.70$ et l’or continue de se faire taper sur la tête à 1473$ – autant pour son statut de valeur refuge. L’Asie est en déroute ce matin, parce que franchement le plan de secours de la BCE c’est trop de la daube et comme je l’ai déjà dit : les futures US sont déjà à la casse, même après 6% de baisse hier soir.

En gros, entre le marché qui se fait défoncer, Mnuchin qui prédit 20% de chômage si gouvernement n’intervient pas, il n’y a plus un avion dans le ciel, manquerait plus qu’une panne internet mondiale et on se retrouve dans les années 30. Méfiez-vous s’il y a un type à moustache qui veut faire soudainement de la politique dans le Nord de l’Europe.

La journée qui nous attend est donc à nouveau une journée en mode « tête entre les genoux dès que vous entendez les mots BRACE, BRACE, BRACE »… quoi que là, vous pouvez déjà commencer à mettre la tête entre les genoux, tout de suite je pense. En attendez restez chez vous et espérez que quelqu’un vienne mettre Wall Street et les autres en quarantaine, moi je vais aller lire Guerre et Paix en allemand, ça passera le temps.

À demain, si vous le voulez bien !

Thomas Veillet

Investir.ch

 

“If you’re going through hell, keep going.”

Winston Churchill