Hier Donald Trump a entamé la journée en motivant tout le monde, déclarant qu’il y avait une FANTASTIQUE lumière au bout du tunnel et que les scientifiques travaillaient sur des remèdes qui sont IMPRESSIONNANTS. Le Président Américain a encore une fois utilisé son dictionnaire des synonymes pour publier des déclarations motivantes, bourrées de superlatifs. Les indices ont donc ouvert au plus haut – près de 1'000 points sur le Dow Jones. Ensuite, le gouverneur de l’état de New York a annoncé qu’ils avaient plus de 700 morts recensés rien qu’hier dans son état. Chapitre deux de la journée : le marché s’est dégonflé comme une baudruche pour finir en baisse. Du coup, on se demande si « la lumière au bout du tunnel », ce n’est pas tout simplement le phare d’un train qui nous arrive dessus à grande vitesse.

L’Audio du 8 avril 2020

 

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Plateau or not plateau ?

Comme nous sommes tous devenus des « experts » en virologie et que les termes techniques n’ont plus de secrets pour nous, on va pouvoir aborder le sujet qui nous occupe actuellement en toute décontraction, un peu comme si nous étions des scientifiques qui débattions du sujet de la contamination autour de la machine à café à la pause de dix heures – parce que oui, les scientifiques qui se battent pour sauver des vies et trouver des remèdes, ils font aussi des pauses et vont aussi boire des cafés immondes tout droit sortis de machine pré-programmées gavées de café de seconde zone qui a poussé dans la région de Tchernobyl. Oui, non parce qu’aujourd’hui, dans la finance on est devenu TELLEMENT forts en virus et en épidémiologie, que je pense sincèrement que JP Morgan ou Goldman Sachs ont plus de chances de trouver un vaccin contre le Coronavirus que les laboratoires classiques qui ne sont que des scientifiques.

Ceci mis à part, LE SUJET DU MOMENT, c’est de savoir si on achète parce que le Coronavirus a fait un « PLATEAU » dans son cycle de contamination ou est-ce que l’on vend tout, parce que le COVID19 a bien fait un PLATEAU, mais que ça ne va pas durer lorsque que la seconde vague va se mettre en place. Surtout que depuis deux jours tout le monde se chauffe sur le sujet du déconfinement et que ça donne clairement l’impression que l’on va se décontracter un peu trop vite. Et je ne vais même pas parler de ces idiots de l’UDC qui sont à deux doigts « d’exiger » le retour au travail dès le 20 avril – ils ont un peu tendance à oublier qu’ils ne sont pas vraiment au pouvoir, mais ça leur fait visiblement du bien de le croire.

Bref, les investisseurs en sont donc arrivés au point où le marché est remonté de près de25% depuis les plus bas et que l’on ne sait pas trop si l’on a déjà « pricé » le pire et qu’il n’y a que du bon devant nous ou est-ce que ce n’est qu’un rebond temporaire – juste le temps qu’on se rende compte que le COVID19 n’a pas encore TOUT donné et que le retour de manivelle ces prochaines semaines sera conséquent et en confinement.

Une journée en deux temps

La journée d’hier aura donc été construite en deux temps. Tout d’abord il y a eu la journée en Europe où tout le monde était excité en se disant que le pire était derrière nous, on a d’ailleurs entendu tellement de fois le mot plateau sur BFM Finance que par moment on se serait cru dans un « self-service » sur les pistes de ski. Les marchés du Vieux Continent ont d’ailleurs terminé la journée dans une belle hausse, bien ferme et décidée.

Puis, dans un second temps – et comme très souvent – une fois que les Européens furent rentrés chez eux… enfin, qu’ils soient passés du bureau à l’apéro sur le balcon – les marchés US se sont dégonflés sur les paroles de Cuomo. Laissant apparaître une magnifique figure de retournement sur les principaux graphiques aux USA. Alors oui, il y a deux-trois titres qui s’en sortaient mieux que le reste, les titres des compagnies de croisières par exemple. Puisque depuis que les Saoudiens ont racheté 8% de Carnival, tout le monde se jette sur le secteur au cas où ils décideraient d’acheter 8% de TOUTES les boîtes qui font des croisières – ce qui paraît à peu près aussi probable que de trouver un carton de masques de protection dans une pharmacie. En tous les cas, ce « reversal » américain en fin de journée aura permis à tous les corbeaux de Wall Street d’en remettre une couche et de laisser présager que tout n’est pas encore gagné et qu’il se pourrait quand même que nous mourrions tous à la fin.

Oiseaux de mauvaise augure

Il faut noter que ces derniers jours, nous croulons sous les prédicateurs qui annoncent que le Bear Market n’est pas terminé, que la fin est de plus en plus proche et qui se délectent du fait d’avoir eu raison ces derniers mois – après avoir été faux pendant 11 ans, soit, mais quand même. Hier soir il y avait David Kostin, le nouveau prodige de Wall Street – qui serait (selon le Voici local), le premier à avoir « vu » les conséquences du Coronavirus. David Kostin est le stratège de Goldman Sachs qui est à la mode. Historiquement Goldman Sachs a toujours eu un stratège à la mode qui a raison pendant un temps et qui, quand il commence à se gourer, disparaît lentement des écrans, puis des médias, puis de la surface de la planète et on ne retrouve jamais son corps. Dans les années pré-subprime, ils avaient un type qui s’appelait MURTI, il avait « vu » la hausse du pétrole à 140$ et avait annoncé ensuite un objectif à 300$. Puis il s’est entêté dans la baisse et est finalement parti faire une cure Ayurvédique en Inde et on n’a plus jamais entendu parlé de lui.

On espère que Kostin ne finira pas comme lui, mais toujours est-il qu’après avoir mis dans le mille depuis le début de l’année, il profite de surfer la vague de sa célébrité pour affirmer son statut de visionnaire, puisqu’hier soir il annonçait qu’il y avait une asymétrie en faveur de la baisse sur le S&P500 et qu’il était plus intéressant de viser les 2’000 sur le S&P500 – soit 25% plus bas – que les 3’000, 10% plus haut. Affirmant du même coup son positionnement plutôt négatif. Il n’est pas le seul, puisqu’il y a aussi Michael Burry – ex-star de la déconfiture du subprime et personnage central du Big Short – qui estimait que le confinement était bien pire que le virus et que les conséquences seraient catastrophiques. Il y avait le CIO d’un Hedge Fund dont j’ai oublié le nom qui prédisait un S&P500 à 1500 il y a 48 heures et puis, et puis… surtout il y a Albert Edwards qui revient et il n’est pas content.

Albert Edwards, « systematical loser »

Alors Albert Edwards c’est le stratège de la Société Générale depuis la nuit des temps. Enfin, je dis stratège, je ne suis pas certain qu’il ait cette fonction mais disons que ses prédictions – parce qu’à ce stade-là, ce ne sont plus des prévisions, mais des prédictions – ses prédictions sont donc tellement catastrophistes avec des objectifs tellement énormes qu’il est faux pratiquement depuis toujours. Mais visiblement la Société Générale tient à lui et continue de le payer – il doit avoir un dossier en béton contre le management parce que je pense qu’à force d’être faux, il a dû coûter plus cher en déficit d’image que Jérome Kerviel en trading. D’ailleurs je me demande s’ils n’auraient pas mieux fait de garder Kerviel et de virer Edwards.

Tout ça pour vous dire qu’Edwards pense que l’on va rentrer dans un « âge de glace » économique – on ne serait pas s’il se voit mammouth ou en écureuil qui cherche à choper des glands – mais dans ces prédictions, il annonce un Dow Jones à 6’000 et un S&P500 qui devrait retourner à 666 – en gros il envisage une baisse de 80%. Grand classique puisque depuis que je suis né, il envisage une baisse comprise entre 80 et 85%. Et il revient donc ces jours pour nous annoncer ENCORE une fois la fin du monde. C’est peut-être le meilleur signal d’achat que nous n’ayons jamais vu.

Equilibre instable

Nous voici donc dans une période d’équilibre instable. On vient de se taper un rebond de 25%, rebond principalement aidé par les soutiens économiques et financiers des gouvernements et des banques centrales et, plus récemment, par le fait que le pire est (peut-être) derrière nous en terme de contamination. Mais du coup on doute. Ne serions-nous pas allé un peu vite en besogne ? Un V-shape recovery est-il possible ? Devons-nous retester les plus bas encore une fois ? Peut-on vraiment faire confiance à Trump, rapport à ses dernières déclarations ?

Oui, en fait en posant la dernière question à propos de Trump, je me rends compte assez logiquement que nous n’en savons rien et que nous vivons au jour le jour. On notera au passage que lors d’un récent sondage qui demandait à un panel d’investisseurs où est-ce qu’ils voyaient le marché dans un an ; la plupart s’est levé en hurlant : PLUS HAUT ! Ce qui n’est pas forcément un bon signe pour les contrariants, sachant que jamais un Bear Market ne s’est terminé dans l’euphorie et la confiance la plus totale. Ce doute est pesant, surtout après 25% de rebond.

L’Asie

Ce matin le Japon est en hausse de 1%, Hong Kong baisse de 1% et la Chine baisse de 0.33%. Autant dire que l’on n’est pas très clair actuellement. Tout comme pour le pétrole, puisque le baril s’est RE-fait défoncer hier parce que l’EIA a baissé son objectif annuel sur le baril de 20%. Encore un coup de maître dans la psychologie des traders – les mecs qui font office de référence sur le pétrole annoncent que finalement le prix du baril sur 2020 sera plus près des 29 que des 35 et tout le monde hurle à la mort alors qu’ils sont déjà à côté de plaque depuis des semaines et soudainement, tout le monde oublie la discussion de MBS et de Trump qui avait fait remonter le baril de 40%… On vit une époque formidable. Là tout de suite, si vous voulez un baril pour mettre au fond du jardin en déco, il vous en coûtera 25$.

Petit détour sur l’or qui – comme à chaque fois qu’il fait une cassure à la hausse – se répète la figure sous les niveaux de rupture. Caramba, encore raté ! L’or se traite à 1686$ et très franchement on se sentait plus à l’aise 30 dollars plus haut pour parier sur les 1900$.

Les nouvelles fraîches

Dans les nouvelles du jour, comme d’habitude, tout tourne autour du Coronavirus, Trump fait son show et s’en prend à l’OMS, lui reprochant de s’être complètement vautrée sur le Coronavirus – par opposition à lui qui a fait tout juste dès le début. Fauci, le responsable de la santé aux States pense que l’école reprendra en septembre aux USA – on sent que de le déconfinement est bien parti pour avril. Mnuchin demande 250 milliards au Congrès pour soutenir les PME durant la crise – il se la joue Maudet – et on peut aussi se dire qu’Apple pourrait sauver les PME américaines trois fois avec le cash qu’ils ont.

Mauro Ferrari, le type qui était censé s’occuper de tout ce qui est science en Europe a filé son sac ce matin, reprochant à l’Europe son manque de coordination dans la lutte contre le Coronavirus. Et en disant « manque de coordination », il est gentil parce que c’est plutôt AUCUNE coordination et chacun pour son cul. En Italie ils sont en train de décrocher les drapeaux européens et en France, Macron se présente en chef de guerre bleu-blanc-rouge et s’il ne faisait pas un mètre douze, il se ferait passer pour le Général De Gaulle. Quant à l’Allemagne, elle vit pour elle depuis le début de l’année. En gros si le bilan du Coronavirus ne cesse d’augmenter, on pourra aussi y mettre la mort de l’Europe.

Les chiffres économiques on s’en fout et les chiffres trimestriels, ça sera la semaine prochaine et on n’a pas fini de rire. Pour le moment les futures ne font rien et on prend les paris pour le prochain swing…

Comme chaque trimestre, nous avons demandé à un professionnel de la finance de nous parler de la performance des indices Performance Watcher que nous publions sur investir.ch. Alors, pour ce passage en revue du trimestre le plus épique depuis… très, très longtemps (!!) nous vous proposons le commentaire de Jean Skeparnias, de Synergy Asset Management. A lire un peu plus bas sous cette chronique, il vous suffit de scroller.

Moi je vais vous laisser aller trouver une occupation pour la matinée et on se retrouve demain pour la suite des aventures de Trump et du Coronavirus. En ce qui me concerne, je suis tombé sur une PlayStation et je vais tenter de finalement réussir à me qualifier pour jouer à Call of Duty, à la place de me faire buter à chaque entrainement. Et si ça ne marche pas, je me lance dans FIFA 98, c’est tout ce qu’il me reste.

Passez une belle journée et dites-vous que dehors c’est l’été ! À demain.

Thomas Veillet

Investir.ch

“I care not what others think of what I do, but I care very much about what I think of what I do! That is character!”  Theodore Roosevelt