En lisant les opinions des uns et des autres ces derniers jours, je me suis brièvement surpris à espérer que nous ayons déjà anticipé et digéré le pire. Un rebond de 30%, le concept que le « pic de l’épidémie » était atteint et que la lumière au bout du tunnel était bien une lumière et pas un train et l’été qui approche quoi qu’il arrive, avait laissé planer une espèce de sentiment dans l’air. Un sentiment comme quoi tout était dans les prix et que là tout de suite on anticipait déjà la reprise, les vacances à se serrer sur le moindre centimètre carré de plage et le fait de payer les vacances avec les aides de l’Etat. Et puis en fait non.

L’Audio du 16 avril 2020

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Des arbres qui ne montent pas (plus) au ciel

En fait hier on s’est rendu compte que les arbres ne montaient pas au ciel et que l’on ne POUVAIT pas enchainer les séances de hausse de 3% juste sur le principe que les Présidents de tous bords nous prévoyaient une météo plus clémente dans les mois à venir. En tous les cas, le fait que tous les plans de « déconfinement » qui se publient à droite et à gauche semble être gentiment dans les prix et on cherche de nouvelles raisons de déprimer.

Anticipé, mais quand même

Dans les raisons de déprimer, il y a le choix. On peut commencer par les chiffres trimestriels qui sont tous systématiquement mauvais. Il est clair que l’on pouvait s’y attendre et il aurait fallu avoir le QI d’une asperge pour espérer le contraire. Les analystes avaient bien anticipé la chose en révisant, révisant et révisant encore les attentes à la baisse. Mais rien n’y fait, nous sommes tout de même obligés d’encaisser frontalement le fait que ce trimestre aura été et pourri et que le suivant risque de pas être agréable non plus. En tous les cas les chiffres publiés hier ont fait un strike au niveau du sentiment : c’était pourri partout et tout le monde s’est raté en beauté.

En même temps, je serais un CFO, je profiterais clairement de l’occasion pour sortir tous les cadavres du placard, je mettrais sur la table les pires perspectives et je viendrais en conférence de presse avec une barbe de trois jours et un costume déchiré avec une boîte de Xanax à la main pour bien montrer mon angoisse et mon désespoir à la face du monde. De toute façon, le trimestre est pourri, les performances des actions sont immondes, les analystes sont prêts au pire, alors autant le leur donner ce qu’ils attendent, histoire de se mettre moins de pression sur le dos pour le reste de l’année. Une fois que tout le monde aura compris que l’année sera pourrie et que plus personne ne s’attendra à rien, on a aura le champ libre pour « surprendre à la hausse ». Quoi qu’il en soit, il faut tout de même digérer cette saison et ça ne va pas être simple.

Le FMI à l’avant-garde

Dans les autres raisons de se faire des pancakes aux antidépresseurs ce matin, il y a aussi le FMI qui vient de se réveiller. L’annonce faite mardi soir comme quoi le FMI s’attendait à une récession pire que dans les années 30, n’a pas forcément plu aux marchés – surtout aux marchés européens qui se sont soudainement rappelés comment baisser de 5% en trois minutes. Pourtant, il faut tout de même noter que le FMI n’a pas apporté grand-chose de neuf au moulin de la crise du Coronavirus – mis à part le fait de communiquer après la pluie, après la plupart des politiciens, des analystes, des économistes, des magazines people, Cyril Anouna, les patrons de Banques Centrales et même après les anciens patrons de Banques Centrales.

Je crois même que « chasse et pêche magazine » a publié un article mettant en garde contre le ralentissement économique AVANT le FMI.

Mais peu importe. Il faut tout de même se rappeler que MÊME si on a rebondi de 30% depuis les plus bas, les investisseurs restent encore un peu fragiles et sont très sensible si on leur raconte des histoires déprimantes avant d’aller au lit. Du coup hier matin l’Europe a décidé de tenter à nouveau le suicide parce le FMI a dit que la récession allait être dure, longue et compliquée et qu’en Europe, ça serait pire. Pour autant que l’Europe existe encore à la sortie de la crise, mais quoi qu’il en soit, géographiquement elle devrait toujours être en place – politiquement, ça sera une autre histoire. Je profite donc de la tribune qui m’est offerte ici et ce matin, pour rappeler à tout le monde que si le FMI annonce que l’économie va s’effondrer et que les PIB vont se contracter…disons de 30% (le chiffre n’a pas grande importance, puisque tout le monde le tire au dés et que comme on a droit qu’aux dizaines, ça ne laisse pas des masses de choix, parce que 10% c’est ridiculement faible, 20% ça fait un peu trop optimiste, du coup 30% c’est presque le consensus) – DONC.. quand le FMI annonce 30% de contraction du PIB en EUROPE ou partout dans le monde, c’est les même 30% que Bullard ou Powell ou Mnuchin ou ma concierge ont déjà annoncé, c’est pas 30% DE PLUS !!!

Non, je dis ça parce que des fois je ne suis pas sûr que tout le monde ait bien compris, à voir comment on a réagi hier. En conclusion les marchés européens se sont fait dézinguer – d’aucun diront à cause du FMI, d’autre diront que ce sont les prises de profits des mecs qui ont acheté au plus bas le 23 mars et finalement une minorité diront que c’est la vie et qu’à la fin on finira bien par remonter.

Bilan final

Grosso modo l’Europe a perdu entre 3.7 et 4.8% dans la séance, il y avait donc des affaires à faire – ou pas – pendant que les Européens se faisaient hara-kiri sur les annonces des génies du FMI – les Américains ont suivi le mouvement mais en limitant la casse. Le Dow Jones ne perdait que 1.86% à la clôture, alors que le S&P500 reculait de 2.2% – c’était moins pire sur le Nasdaq, mais il faut dire qu’en ce moment la tech reste un peu sportive, un peu trop, du coup quand ça rebaisse ça souffre moins.

Dans la foulée de la baisse d’hier, l’Asie est également dans le rouge ce matin. Le Japon recule de 1.5%, Hong Kong de 0.7% et la Chine est en baisse, mais c’est tellement minime que ça ne vaut pas la peine d’être cité. L’or est toujours recherché pour les mêmes raisons que ces derniers jours – sauf que maintenant la conviction de le voir monter à 2’000 est bien plus grande un peu partout. Le métal jaune se traite dans la zone des 1750$. On croit tous qu’il peut aller plus haut, mais on en tous tellement dans les portefeuilles que l’on compte sur les autres pour acheter – c’est un peu l’impression que ça donne parfois. Et puis il y a le pétrole. Alors lui, je ne vais pas vous mentir, je reste convaincu qu’il va nous surprendre cette année, surtout lorsque l’on sortira de confinement – vers Noël – et que l’on recommencera à polluer et à consommer un maximum d’essence, de diesel et de kérosène. Mais pour l’instant, on a TELLEMENT peur que plus personne ne consomme, plus JAMAIS, que personne ne veut du baril. Il se traite autour des 20$ et on attend plus qu’un expert nous annonce un objectif à 5$ pour se dire que ça suffit ces conneries.

Et maintenant, que vais-je faire

Pour les nouvelles du jour, elles se divisent en deux parties ; tout d’abord il y a celles qui sont liées au Coronavirus et celles qui parlent des fondamentaux économiques, macro—économiques et micro-économiques. Il faut déjà retenir que la seconde partie ; on s’en balance complètement, puisque tout le monde sait que ça sera pourri pour un bon moment et que les attentes sont toutes calculées selon des anciens rituels vaudous qui ont à peu près autant de valeur que la parole et le ton condescendant du Président Français.

En ce qui concerne les nouvelles liées au Coronavirus, on retiendra que Trump tweet à peu près tous les jours que « nous avons vu le pic de l’épidémie » – on commence donc à le savoir, mais aujourd’hui il devrait nous annoncer SON plan pour redémarrer l’économie. Inutile de vous dire que l’on attend ses déclarations avec impatience, presqu’avec autant d’impatience que nous attendons les annonces du Conseil Fédéral, la même impatience avec laquelle on attend de voir la nouvelle coupe de cheveux de Madame Sommaruga. Pour le reste, je crois que le rapport du FMI est intégré et on a bien compris que l’avenir est noir et que nous allions devoir commencer à chasser le rat pour pouvoir manger – histoire d’épargner tout d’abord les pangolins et les chauves-souris et de voir ce que l’on est capable de développer comme virus en Occident, parce qu’à la fin y a pas de raison.

Dans « l’autre partie des nouvelles du jour », on notera que les chiffres économiques publiés hier étaient immondes, comme ceux qui seront publiés aujourd’hui – entre autres les Jobless Claims, Jobless Claims qui SERONT immondes – mais on le sait donc ça ne fait plus rien. Le FT rapporte que les Saoudiens sont en mode « shopping », après avoir ramassé des pétrolières en Europe et bateaux de croisières aux USA, ils sont sur le sport et rachètent Newcastle United pour 300 millions de Livres.

Gourous ou gourés ?

Au chapitre gourous, il y a Ray Dalio qui a déclaré littéralement qu’il faut être cinglé pour avoir des obligations dans son portefeuille. Ça n’engage que lui et il y a un autre type que je ne connais pas et qui s’appelle Alan Lancz. Il paraît qu’il a fait du fric en 1987 et en 2008 – j’espère pour lui qu’il en fait aussi le reste du temps, sinon sa vie doit être horrible. Monsieur Lancz se lance dans une diatribe impressionnante estimant que si on fait tout juste les 45 prochains jours, le marché va exploser et nous aurons un V-Shape recovery de la mort qui tue. Par contre si on ne fait pas tout juste, ça pourrait faire très mal.

Une déclaration qui équivaut à dire que demain il va faire beau, sauf s’il pleut. On se sent tout de suite mieux quand on a l’occasion d’écouter des gens qui ferait mieux de la fermer – ça permet de commencer la journée sur un ton léger.

Je vais conclure cette chronique en vous disant qu’aujourd’hui il y aura des publications économiques qui seront mauvaises, des chiffres trimestriels qui seront mauvais, mais Trump pourrait donner un peu de brillant à tout cela en annonçant les détail de son plan de déconfinement qui pourrait largement être inspiré de celui du visionnaire de l’Elysée – d’ailleurs je me demande toujours quel est l’intérêt de remettre 30 gamins par classe dès le 11 mai, si ce n’est de faire exploser les chiffres de contamination dès le 20 mai.. Bref, ce soir c’est le tour de Trump et en attendant je vais me refaire le rapport du FMI pour voir s’ils ont écrit quelque chose que l’on ne savait pas…

Passez une excellente journée et merci d’être si nombreux sur le site en cette période de confinement – merci aussi de toutes vos inscriptions à la Newsletter et merci aussi pour tous vos mails d’encouragement. On se retrouve demain, je ne sais plus quel jour on est, alors si c’est samedi, on se retrouve la semaine prochaine.

Thomas Veillet

Investir.ch

“He will win who knows when to fight and when not to fight.”

 

Sun Tzu