Lorsque l’on observe les marchés financiers, leurs comportements et que l’on passe beaucoup de temps à lire ce que racontent les médias et à analyser ce que « pensent les gens » jour après jour, il est fascinant de se rendre compte de la capacité à changer d’avis, d’opinion et à utiliser des termes complètement ridicules dans certaines situations. Des termes qui sont très forts, très marqués, avec pour raison principale, celle de se faire mousser.

l’Audio du 29 avril 2020

 

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Le RALLYE du pétrole

Tenez, ce matin le baril de pétrole est monté jusqu’à 14.50$. Alors soit, entre les plus bas d’hier après-midi et les plus haut de ce matin, ça représente quand même 40% de hausse, mais en réalité c’est à peine 4$ de hausse et nous sommes toujours 30% plus qu’il y a une semaine. Pourtant toute la sphère médiatique financière sautille de bonheur et fait un marketing de folie autour du « RALLYE » du pétrole.

Je rappelle tout de même au passage que pas plus tard qu’il y a 24 heures, la même sphère médiatique parlait du même sujet pétrolier avec un ton grave en disant que « les experts étaient inquiet squ’il puisse se passer la même chose que lors de la dernière échéance du contrat future » – visiblement les « experts » ont changé d’avis entre deux. À moins que ça soit d’AUTRES experts qui disent depuis minuit que, finalement le fait que les USA entament leur déconfinement et que les gens vont recommencer à consommer du pétrole (entre autres choses) va permettre de voir la lumière au bout du tunnel. Oui, va quand falloir aller vite pour consommer et rouler beaucoup pour faire plusieurs pleins d’essence par semaine, parce la prochaine échéance du future WTI c’est quand même le 18 mai et le 18 mai c’est dans pas très longtemps.

Mais peu importe, là tout de suite et probablement pour les 5 prochaines heures, on va jouer la carte du « rallye sur le pétrole » parce qu’il y a de la lumière au bout du tunnel. Non, parce que ce matin les futures sur le S&P500 et le Nasdaq sont en hausse de plus de 1% et que cette hausse est « À CAUSE DU PÉTROLE ». J’imagine que je ne suis pas le seul à m’interroger sur l’état mental de certains « acteurs » des marchés financiers, mais on ne peut pas y faire grand-chose d’autre qu’observer et hocher la tête de dépit.

Enthousiasme en Europe et dégonflement aux USA

Si l’on fait abstraction du sujet pétrolier qui devient clairement clownesque depuis quelques jours, on notera qu’hier les marchés européens sont montés avec un enthousiasme saisissant. Des bons chiffres trimestriels un peu partout en Europe, on notera tout de même l’UBS qui a fait un carton et qui bondissait de 7% entraînant avec le Crédit Suisse qui montait aussi de 7%, l’industrie bancaire en Suisse était en pleine forme. Je ne mettrais toujours pas 10 balles dedans, mais les résultats ont fait plaisir aux analystes et aux intervenants. C’était la même chose sur Cap Gemini en France et puis pour prendre un raccourci, tout allait bien en Europe, on était plutôt content de tout, mais surtout du fait que le déconfinement approchait et que l’on allait éventuellement peut-être retrouver une vie normale – ce qui est assez vite dit étant donné que l’on va quand même devoir porter un masque à peu près tout le temps, que l’on va faire la queue à peu près partout pour faire à peu près n’importe quoi et si on est capable de faire la queue pendant 3 heures pour aller bouffer au McDo, je vous laisse imaginer ce que l’on est encore capable de subir pour aller acheter le tout dernier iPhone ou pire, un sac Vuitton.

Mais peu importe, les marchés européens étaient contents et puis il y avait aussi un petit espoir sous-jacent de voir Madame Lagarde distribuer des vitamines à l’économie dès jeudi à midi. Des vitamines sous forme d’un nouveau plan de soutien à l’économie. Aux USA on a commencé la journée de la même manière, puis on s’est dégonflé sans trop savoir pourquoi. Peut-être à l’approche des chiffres qui devaient être publiés à la fin de la journée, en tous les cas, on s’autorisait à penser que certains traders « prenaient les profits après cette période haussière depuis le 23 mars ». Donc hier au milieu de la journée après près d’un mois de hausse, sans aucune raison spécifique, les mecs se sont tous mis d’accord pour « prendre les profits » au même moment. Sincèrement, je ne sais pas ce qui est vrai dans le ramassis de conneries que l’on peut lire dans certains articles, mais disons que si tous les traders du monde sont capables de travailler tous ensemble au même moment dans la même direction et sans se concerter, il faut que Wall Street monte une équipe de foot, ils vont finir champions du monde.

Des chiffres, des chiffres et des chiffres

Quoi qu’il en soit, hier après la clôture, on n’est pas rentré direct à la maison. D’abord parce qu’on y était déjà – à la maison – mais aussi parce qu’il y avait les publications trimestrielles de Google, d’AMD et de Starbucks. Pour faire simple, aucune publication n’aura été extraordinaire, tout était plus ou moins « en ligne » avec les attentes des analystes. Tellement en ligne que parfois on aurait pu se demander si les sociétés n’ont pas publié ce que les analystes voulaient pour éviter des discussions inutiles. En tous les cas, tout le monde constate des ralentissements dans leurs business respectifs – ce qui est tout de même vachement surprenant compte tenu du fait que l’on plus ou moins en confinement depuis 2 mois et aucune de ces compagnies n’a de visibilité sur le reste de l’année.

Là encore, « WHAT A SURPRISE », alors que la planète fait face à une épidémie de COVID19 et que l’on ne sait pas trop comment on va l’arrêter et si c’est une bonne idée ou pas de renvoyer les enfants à l’école, si c’est une bonne idée de retourner se mettre dans un bus avec 343 autres personnes qui toussent et qui crachent MAIS QUI ONT UN MASQUE FABRIQUÉ à la main par la grand-mère qui sait encore coudre… En gros on ne sait de quoi le reste de notre année sera faite – vu qu’on ne sait même pas encore si l’on pourra réserver des vacances à St-Trop histoire de payer 14 euros le Coca, mais on attendait quand même un peu de voir si les sociétés, elles, elles savaient. Mais en fait non, elles ne savent pas non plus…

Donc du coup, on s’est basé sur ce que l’on avait. Alors AMD reperdait 3% after close parce que la boîte a déclaré que les entreprises dépensaient moins et dépenseraient moins pour le reste de l’année et que donc ça ne serait pas simple. Google prenait 7% after close parce qu’ils ont annoncé qu’ils engageraient moins de personnel et qu’ils continueraient à racheter leur propres actions contrairement à 43 autres sociétés du S&P500 qui ont renoncé à ces rachats. Et puis Starbucks ne faisait rien, ils attendent juste le retour à la vie normale mais survivent avec la vente à emporter – s’ils se mettaient aux Burgers et aux Drive-in, il n’est pas exclu qu’il puissent faire du business supplémentaire puisque la volonté de changement affiché par la plupart des gens sur les réseaux sociaux semble se matérialiser sous la forme d’une nouvelle diète urgente à base de Burgers et de nuggets de poulet, quant aux fruits et légumes ; personne n’a jamais dit qu’une frite n’était pas un légume. Trois heures de queue dans une voiture pour acheter un Happy Meal, je ne m’en remets pas de la bêtise humaine, mais là n’est pas le sujet.

Dans les autres chiffres

Au chapitre des chiffres, il y aussi eu Ford qui a annoncé une perte de 2 milliards pour le trimestre et ça sera pire le trimestre prochain. Le titre baissait de 5%, par contre Harley Davidson a pris 15% après des chiffres « en ligne » avec les attentes. Heureusement que c’était « en ligne », parce que ça aurait « meilleur que les attentes », le titre aurait doublé.

Ce matin l’Asie est légèrement en hausse dans le sillage du pétrole et dans l’attente de la FED qui parlera ce soir. Le Japon est fermé, mais le reste monte tranquillement. L’or est à 1725$ et le pétrole se traite à 14.09$ – mais le temps que je boucle cette chronique à savoir dans les 30 minutes qui viennent, il est probable que ce prix ne voudra plus rien dire et que le baril aura bougé de plus ou moins 10% à la vitesse ou ça bouge actuellement.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour on notera qu’UBER va licencier 20% de son staff – l’impact du Coronavirus sans doute et son CTO (chief technical officer) a démissionné. Chez TripAdvisor on annonce que 25% des employés vont devoir partir, parce que visiblement plus personne n’utilise TripAdvisor depuis 2 mois. Autrement Biden pourra compter sur le soutien d’Hillary Clinton pour sa candidature – on ne sait pas trop si c’est une bonne ou une mauvaise nouvelle pour lui et puis, toujours dans la thématique du Coronavirus, British Airways annonce le licenciement de 12’000 personnes, d’ici peu ils vont brader des 747 sur Ebay en attendant de pouvoir re-voler.

Pour le reste de la journée, on va donc ouvrir en hausse à cause du pétrole et on va parler des chiffres à venir et de la FED qui pourrait peut-être nous sortir un lapin de son chapeau. Côté chiffres trimestriels, nous aurons Boeing qui est très attendu, mais aussi Facebook, Spotify, Qualcomm, GE, Microsoft et Tesla. On attend beaucoup de cette dernière, étant donné que le titre vient tout de même de reprendre 116% depuis le 18 mars sans avoir vendu une caisse depuis 5 semaines, on peut se poser des questions, même si j’ai renoncé à comprendre depuis bien longtemps, suis trop vieux pour ces conneries.

À noter encore que, même si l’on se désintéresse massivement des chiffres économiques –sachant qu’ils seront pourris – aujourd’hui, il y aura la confiance du consommateur en Europe qui va sûrement être fantastique et le GDP aux USA, ce qui ne devrait pas manquer de faire sourire. Donc, pour le moment les futures sont en hausse de 1.1%, il y a de lumière au bout du tunnel du COVID19 et la même lumière au bout du tunnel du pétrole – enfin, jusqu’à la prochaine angoisse quand quelqu’un se rendra compte que le 18 mai c’est dans 19 jours.

Avant de vous laisser, je voudrais encore vous signaler qu’Investir.ch a également une page LinkedIn et que ça nous ferait très plaisir que vous nous manifestiez votre intérêt en devant un follower sur LinkedIn – il vous suffira de cliquer sur ce lien pour y aller -ainsi vous retrouverez toutes les publications sur cette page aussi, nous sommes dans une ère de réseaux sociaux, alors on vit avec son temps, reste encore instagram, mais je ne sais pas trop quoi vous poster comme image… Il me reste à vous souhaiter un très beau mercredi et on se retrouve demain pour de nouvelles aventures en confinement.

Thomas Veillet

Investir.ch

“Boredom forces you to ring people you haven’t seen for eighteen years and halfway through the conversation you remember why you left it so long. Boredom means you start to read not only mail-order catalogues but also the advertising inserts that fall on the floor. Boredom gives you half a mind to get a gun and go berserk in the local shopping center, and you know where this is going. Eventually, boredom means you will take up golf.”

― Jeremy Clarkson