La grande question est de savoir si l’on a déjà anticipé le pire au niveau économique ou est-ce qu’il peut encore y avoir de mauvaises surprises. Là tout de suite, il semble plutôt clair que tout est dans les prix et que mis à part nous annoncer que l’on peut s’accrocher le déconfinement derrière les oreilles et qu’on va rester dedans jusqu’en mars l’année prochaine et qu’en plus le papier toilette sera rationné, que la farine transmet le Coronavirus et que Netflix est en faillite, on ne voit plus très bien ce qui pourrait surprendre négativement le marché.

L’Audio du 30 avril 2020

 

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Le 24 mars on a tout intégré

Pour le moment, on dirait que lors de la dernière baisse du 24 mars, on a intégré tout ce qu’il pouvait y avoir de mal pour l’économie. Le GDP sera pourri ? Ok, on valide et on intègre. Le chômage va exploser ? Pareil, validé et intégré. Les chiffres trimestriels seront moins bons ? Admettons. Intégré aussi. On ne va plus vendre un baril de pétrole pendant le confinement ? Et quoi d’autre ? Vous n’avez rien de mieux comme infos ? Un truc qu’on ne sait pas, par exemple !

Il semble presque évident que là tout de suite, nous ayons intégré le pire et que tout ce qui est mauvais est oublié dans le millième de seconde qui suit son annonce. Hier le GDP américain a été annoncé en baisse de 4.8% – en temps normal ça aurait une catastrophe, mais de nos jours on s’en fout totalement, parce que l’on va bientôt sortir de confinement et qu’ensuite on va re-consommer comme des malades et que ce « blip » temporel sur l’écran radar économique ne restera qu’un « blip » et tout redeviendra comme avant dès le 12 mai. Le 12 mai parce qu’il faudra quand même bien nous donner 24 heures pour que tout redémarre normalement. Je dois dire que j’espère que tout redeviendra comme avant, mais on peut quand même avoir des doutes. Ne serait-ce que sur la vitesse de récupération. Mais quoi qu’il en soit, là tout de suite, tout le monde s’en fout et aucune mauvaise nouvelle semble suffisamment mauvaise pour instiller le moindre doute dans nos esprits résolument optimistes.

Indestructibles

La journée d’hier aura été une parfaite illustration de la chose ; un GDP qui s’effondre, un patron de banque centrale qui garde ses taux à zéro et qui déclare que nous nous apprêtons à vivre un des pires ralentissements économiques de l’histoire, si ce n’est LE pire ralentissement économique de notre histoire et, dans la foulée de ces deux nouvelles, on a les marchés qui terminent en hausse de 2.5% en moyenne et ce, un peu partout dans le monde. On peut même donner une mention spéciale au Nasdaq qui a repris 3.57% et qui se retrouve à 8% de ses plus hauts historiques, à moins de 1’000 points des records. Je rappelle quand même pour mémoire que le 24 mars l’indice technologique américain était en baisse de 31%. Aujourd’hui on est à peine dans une phase de correction. Sauf qu’entre deux il y a 27 millions d’Américains qui n’ont plus de job, une économie qui s’est effondrée – sauf chez Amazon, puisque tout le monde compense les Malls par du shopping on-line – il n’y a plus un avion qui vole et le pétrole a perdu 75% de sa valeur depuis le début de l’année.

Et encore, 75% c’est parce que ça fait 48 heures que ça remonte parce qu’il y a un vent d’optimisme et une théorie qui circule comme quoi dès le premier mai, chaque consommateur va faire le plein de sa voiture et tourner en rond pendant 5 heures pour vider son réservoir et recommencer juste histoire de consommer par plaisir et que dans la foulée, les avions de lignes vont tous revoler à vide pour faire pareil.

Mais peu importe, toutes ces nouvelles qui sont – au demeurant – apocalyptiques sont toutes intégrées dans les prix et nous sommes déjà tous en train d’anticiper le rebond historique de nos économies. Alors qu’hier les journaux économiques n’avaient que des mauvaises nouvelles à nous apprendre, économiquement parlant, Gilead a fait un pas supplémentaire dans la direction d’un médicament miracle qui va nous permettre de ressortir de chez nous, d’aller au bar à plusieurs et de se rouler des pelles dans la rue en faisant des « high fives » et toutes les mauvaises nouvelles étaient oubliées – on avait presque l’impression qu’entre le déconfinement qui arrive et le médicament de Gilead qui est en bonne voie, la croissance économique mondiale pourrait même atteindre des records dans les semaines… que dis-je, timoré que je suis… dans les jours qui viennent !

Des chiffres, des chiffres… oui mais des bons chiffres

Et puis pendant que l’on balaie d’un revers de la main des données économiques toutes pourries mais ABSOLUMENT pas surprenantes et que personne ne se demande si « par hasard » le recovery pourrait être plus long et difficile, les sociétés publient leur chiffres trimestriels et tout est magnifique, tout est parfait et même si c’est pas parfait, on fait comme si. Hier il y a eu du beau monde et franchement ; peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse, parce quasiment tous les grands noms sont partis à la hausse après leurs annonces.

En début de séance, il y a Boeing qui a annoncé une perte colossale de 1.7 milliards – plus que ce que Wall Street et sa tripotée d’analystes attendaient – ils vont licencier 16’000 personnes et le titre montait de 6% dans la foulée. Alors oui, vous me direz que sur Boeing on avait tellement anticipé le pire que c’est presque normal que ça monte. Mais justement on avait anticipé le pire, mais c’était pire que le pire, mais ça montait quand même.

Puis après la clôture, il y avait du monde. Prenons les choses dans l’ordre et commençons par Tesla. Elon Musk a annoncé un profit de 16 millions, soit 9 cents par action. Oui, 16 millions. En gros que dalle, mais comme les analystes attendaient une perte, le titre a explosé et ce même si les revenus étaient inférieurs aux attentes, visiblement on s’entraîne à voir le verre à moitié plein uniquement. Tesla prenait près de 10% after close, ce qui nous ramène à un rebond de 145% en un mois. À ce rythme-là, on devrait être au plus haut de tous les temps dans 48 heures, puisque chez Tesla, une bonne journée c’est 10% de hausse et une journée de baisse, c’est 4% de hausse. Notons aussi que Musk a profité que les médias l’écoutaient pour dire que le confinement était une atteinte aux droits de l’homme et après j’ai arrêté d’écouter.

Facebook a également publié ses chiffres hier soir après la fermeture. Si l’on regarde les chiffres et les commentaires, tout était en-dessous des attentes, la visibilité nulle et les commentaires de Zuckerberg, très prudents, puisqu’il a mentionné le mot INCERTITUDE et que les marchés détestent ça. Mais comme nous sommes un joli lapin dans Alice au Pays des Merveilles, le titre explosait de 10% after close, parce que finalement c’était pas si mauvais et que le pull de Zuckerberg était quand même sympa et puis que sans Facebook, le confinement aurait vachement plus dur, on n’aurait pas pu se nommer parmi pour des défis trop géniaux et super-utiles… Cette après-midi, le titre devrait ouvrir vers les 215$ soit à 8$ de ses plus hauts de tous les temps. Le 24 mars Facebook valait 135$.

Pour couronner le tout, Microsoft s’est également lancé dans le grand bain. Le géant du software fondé par le spécialiste mondial du puçage humain a annoncé des chiffres meilleurs un peu partout et partout un peu, des chiffres qui étaient même meilleurs que s’il n’y avait pas eu de Coronavirus. On dirait que depuis que Nadella est là, Microsoft ne fait plus d’erreur. Non seulement ils ne font plus d’erreur, mais en plus ils font tout juste. Le titre devrait ouvrir autour des 181$ et là aussi, nous ne sommes plus très loin des plus hauts de tous les temps.

On ne va pas passer tout le monde en revue, mais disons que globalement tout va bien – peut-être même trop bien. Les futures sont en hausse de 0.9% pour aujourd’hui et comme ce soir il y aura Amazon, Apple, Gilead et Twitter, on n’a pas fini de rire.

Pour le reste

Ce matin l’Asie est en hausse un peu partout, le Japon prend presque 3%, la Chine monte de 1.3% et Hong Kong est fermé. L’or est à 1728$ alors que l’on apprend que les chiffres de la demande mondiale explosent. Le pétrole rebondit encore de 10% – là tout de suite nous sommes à 17$ le baril et selon les « experts en or noir », les gens rachètent parce que l’on voit poindre les premiers signes de reprise aux USA, en effet on aurait aperçu un type avec un V8 qui faisait le plein dans la rue principale de Freeport au Kansas, ça sent la surconsommation.

Je précise quand même qu’il y a 37 heures on était encore terrorisé par le fait que le coup de la semaine dernière pourrait se reproduire le 18 mai – je dis ça, je dis rien.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour on parle principalement des chiffres du trimestre d’hier et de ceux qui vont arriver. L’équipe de campagne de Trump lui demande d’arrêter de commenter la crise du Coronavirus, ça lui fait perdre des électeurs – surtout ceux qui suivent ses conseils au niveau de la javel, mais dans le cas de ces derniers, ils ne voteront pas non plus pour Biden. Biden qui d’ailleurs semble s’enfoncer dans son histoire de harcèlement sexuel en ne disant rien.

Autrement la FDA pousse pour rendre le REMDESIVIR de Gilead disponible pour les patients aussi vite que possible. Jamais dans l’histoire la FDA n’aura bossé aussi rapidement. Certains médias reviennent sur le discours de Powell d’hier soir. Discours qui était un peu déprimant mais qui, en même temps, ne laisse aucun doute sur le fait que la FED va soutenir l’économie et les marchés quoi qu’il arrive. Côté pétrole, la Norvège vient d’annoncer son intention de couper sa production de pétrole de 13%, ça tombe on ne sait plus où le mettre.

Pour le reste, on va attendre Apple et Amazon, mais les futures on l’air très forts et si l’on creuse dans les chiffres de Microsoft et que l’on voit le carton qu’ils ont fait au niveau du Cloud, on n’ose même pas imaginer ce qu’Amazon va annoncer ce soir. Côté chiffres économiques il y aura le PIB en France, les CPI’s en Europe, le chômage en Allemagne et dans l’Europe entière, les Jobless Claims aux States, sans oublier que Madame Lagarde parlera. Il ne faut pas attendre qu’elle mette le feu dans la salle de conférence, le ton devrait être un doux mélange de Draghi sous Prozac et de Powell sous Xanax, mais il suffirait qu’elle annonce un plan de soutien supplémentaire pour remplir nos cœurs de joie et de bonheur.

Merci à tous ceux qui se sont abonné à la page Investir.ch sur LinkedIN,  actuellement on frise les 1500 abonnés – de la folie – si jamais j’invite à manger celui ou celle qui deviendra le 2’000ème, pour autant que les restos soient ouverts et en respectant les distances sociales –  dans l’intervalle, je vous souhaite une très bonne journée et on se retrouve demain pour parler des chiffres d’Apple et d’Amazon.

Thomas Veillet

Investir.ch

“Racing cars which have been converted for road use never really work. It’s like making a hard core adult film, and then editing it so that it can be shown in British hotels. You’d just end up with a sort of half hour close up of some bloke’s sweaty face.”

― Jeremy Clarkson