Rien ne militait en faveur de leur rapprochement il y a une cinquantaine d’années. Après les guerres de l'opium du XIXe siècle, la Chine avait développé de profonds ressentiments et un sentiment d'humiliation. Les guerres de Corée et du Vietnam avaient, elles, créé la grande méfiance de Washington envers le régime communiste chinois.

Pourtant, au bord de l’effondrement à la fin des années 1970, la Chine s’est tournée vers les États-Unis pour obtenir un soutien extérieur à la stratégie de Deng Xiaoping de «réforme et d’ouverture». A ce moment, les États-Unis en pleine stagflation, étaient cruellement à la recherche de nouveaux relais de croissance. Quoi de mieux que les importations chinoises à bas prix, comme antidote pour les consommateurs américains aux revenus limités? Mieux, les États-Unis prodigues ont également pu compter sur le vaste réservoir d’épargne excédentaire de la Chine. Un couple bien improbable a permis cette étrange relation. Le 21 février 1972, la rencontre entre le président Nixon et le leader chinois Mao scella leur rapprochement. Il n’a fait que s’accélérer avec en point d’orgue, en 2001, l’entrée de la Chine à l’OMC.

Pourtant, après 48 ans de progrès progressifs, une rupture majeure de la relation américano-chinoise se profile. La surenchère semble désormais inévitable entre les deux mastodontes: guerre commerciale (inutile), technologique, politique (liée au coronavirus) et désormais financière. La Chine risque de perdre l’un de ses plus grands marchés étrangers, à savoir environ 20% de son PIB et l’accès à une technologie américaine cruciale. Les États-Unis perdront leur principale source de main-d’œuvre efficace et à faible coût et de biens intermédiaires. Tout comme l’accès au grand marché de consommation chinois et au financement inconditionnel des déficits (achats massifs d’obligations du Trésor) américain. Les deux protagonistes sont piégés par leurs opinions publiques de plus en plus nationalistes. Le retrait – désormais possible – des États-Unis de l’OMC parachèverait ce découplage, délibérément orchestré par les États-Unis.

En 1957, l’Union soviétique avait lancé le premier satellite artificiel en orbite autour de la Terre. La course à l’espace et la guerre froide s’ensuivirent. Aujourd’hui, les États-Unis se rendent compte qu’ils doivent rattraper leur retard dans plusieurs domaines technologiques. Les semi-conducteurs appartiennent définitivement aux composants stratégiques à cet égard. Et Taiwan est à l’épicentre de cette industrie. Le soft power – la diplomatie du masque – a montré ses limites: l’agressivité retrouvée de Pékin envers Hong-Kong et ses menaces de moins en moins diffuses envers Taiwan renforcent le fossé.

Le processus de dé-mondialisation se poursuivra, au-moins jusqu’aux prochaines élections présidentielles aux États-Unis à l’automne prochain. Une nouvelle guerre froide signifierait un changement décisif dans l’équilibre mondial des rapports de force. La Chine et les États-Unis sont maintenant entrés dans une confrontation financière indirecte. En fin de compte, Taïwan est – beaucoup – plus important et stratégique que Hong Kong.

En conclusion

Pour les investisseurs, on retiendra trois éléments. On évitera les secteurs bancaires et immobiliers de Hong Kong. Il faut s’attendre à ce que le yuan redevienne plus volatil, voire sensiblement plus faible. S’il chavirait, cela serait problématique pour l’ensemble des marchés. Malgré leur baisse et leur décote, il est prématuré de revenir sur les marchés émergents, qui continueront de subir des pressions et des sorties de capitaux.

 

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