Il est absolument fascinant d’observer les marchés financiers depuis des années et des années et de se rendre compte que rien, mais alors absolument rien ne change. Nous sommes capables de passer du rire aux larmes à une vitesse tellement phénoménale, que si les marchés financiers se lançaient dans la comédie, ils ramasseraient l’Oscar chaque année. Si je dis ça, c’est que ce matin en faisant ma revue de presse, en zappant parmi les sites financiers que je lis tous les matins, je me rends compte que nous sommes à nouveau au bord de la dépression nerveuse. Au bord de la dépression, alors qu’il y a moins de 6 jours, nous étions morts de rire et immunisés contre toute mauvaise nouvelle en écoutant l’annonce de 20.5 millions de chômeurs supplémentaires. Alors qu’aujourd’hui, c’est toute la misère du monde et s’il y a un seul avion qui doit s’écraser dans le monde ça sera probablement sur le Sud de Manhattan et s’il y a deux avions qui s’écrasent, l’autre ça sera sur les bureau de la BCE. Je le vous dis franchement, si vous êtes fragile psychologiquement, il vaut mieux arrêter de lire cette chronique ici, parce que ce qui va suivre sera horriblement déprimant et va vous donner probablement envie de vous enfermer chez vous et de refuser le déconfinement.

L’Audio du 14 mai 2020

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Powell et le couteau qui remue dans la plaie

Si l’on voulait gagner du temps et résumer facilement ce qui s’est passé, on pourrait dire simplement que Powell nous a lâché. Et que le marché n’a pas aimé. Mais ça serait un peu trop vulgarisé tout de même. Tout d’abord il faut se demander ce que le marché pouvait bien attendre de lui. Il est plus que probable que tout au fond de nous, nous étions tous plus ou moins convaincus que le patron de la banque centrale se trouvait à court d’options. Le discours plutôt déprimant d’hier n’aurait donc dû surprendre personne, mais ce fût pourtant le cas. Je ne sais pas, peut-être que certains d’entre nous s’attendaient à que Powell passe les taux en négatif et nous fasse une séance de méthode Coué pour nous motiver à y croire. Je pense même que certains s’attendaient à que le patron de la FED soutienne agressivement la théorie du V shape recovery en ce qui concerne l’économie américaine – sauf qu’il n’a rien fait de tout ça.

Jerome Powell s’est contenté de dire ce qui se passe, de montrer qu’il est au bout de ses options, que le reste est dans les mains des politiques et surtout, que le V-shape-recovery de l’économie on pouvait se l’accrocher derrière les oreilles et que les taux négatifs étaient une option qui n’était même pas envisagée à la FED. Sans compter qu’il a également expliqué que l’économie US n’avait rien vu de pire depuis la fin de la guerre 39-45. Autant vous dire que pour ceux qui, comme moi, pensaient avoir déjà tout vu depuis 30 ans et bien tout cru patate crue, jusque-là on était en version « amateur » et depuis deux mois on passe en professionnel et ça va moins rigoler. En gros si l’on comptait sur Powell pour nous remonter le moral et nous encourager à nous accrocher à la planche en attendant les secours, là tout de suite nous sommes dans la peau de Di Caprio dans Titanic…

Le ton a changé

Autant vous dire que je n’ai aucune idée d’où nous serons dans trois jours, mais quand je vois l’état d’esprit dans lequel nous étions vendredi dernier alors que l’on nous annonçait les pires chiffres de l’emploi de l’histoire, on peut clairement dire que le sentiment de marché a clairement changé du tout au tout. Vendredi dernier on parlait de recovery, de soutien des banques et des gouvernements, de 80% des emplois perdus qui seraient récupérés durant l’été et de la joie du déconfinement qui serait exacerbée par les consommateurs qui allaient se ruer dans les magasins pour acheter des montagnes de trucs indispensables et surtout des montagnes de trucs PAS indispensables. Ce matin c’est la douche froide et le ton déprimant ajouté aux perspectives les plus noires annoncées par Powell ne donne envie que d’une chose : se mette en position de PLS en attendant les secours.

Sauf que l’on ne sait pas d’où ils vont venir – les secours – surtout maintenant que la FED a plus au moins dit qu’elle se trouvait dans une situation assez compliquée pour sauver l’économie, puisqu’elle se trouve dans un fort au milieu du désert avec un million d’indiens qui veulent la scalper et qu’il ne leur reste que trois cartouches dans le barillet et qu’en plus les cartouches en question sont des balles à blanc. Autant vous dire que les marchés n’ont pas aimé l’analogie et que la journée d’hier ne restera pas dans les annales des meilleures journées de motivation. Même Anthony Robbins, le pape du coaching n’aurait pas réussi à nous arracher un sourire ou même une esquisse d’envie d’y croire.

Le V shape semble donc se transformer en L majuscule

La journée d’hier semblait donc bien pourrie et nous nous retrouvons dans cette phase d’acceptation qui n’est pas facile à vivre. Nous avions parié sur un rebond rapide de l’économie en espérant que cette période de pandémie allait rapidement se retrouver derrière nous et puis là tout d’un coup, on se rend compte qu’en fait non et que les soirées à Ibiza, ce n’est peut-être pas pour tout de suite voire même pas pour dans trois mois. La FED se retrouve à court d’arguments et il va falloir commencer à envisager le fait que nous sommes peut-être allés un peu vite en besogne en plaçant tous nos jetons sur le 45 à la roulette alors que l’on vient de se rendre compte qu’il n’y pas de 45 à la roulette.

Comme à chaque fois que nous sommes dans des phases où l’on est recroquevillé sur nous-mêmes en pleine phase dépressive, attendant patiemment la livraison de notre dernière commande de Lexomil, les médias du matin regorgent de mauvaises nouvelles et la plupart des stratégistes ou des hedge funds managers qui ont des objectifs au fond du trou, sont de sorties pour essayer d’encourager les vocations dépressives et expliquer leur théorie sur le pourquoi du comment on allait tous mourir dans d’atroces souffrances. Si ce matin vous êtes un tant soit peu déprimé et que vous regrettez d’il y a 35 ans lorsque lors d’une séance d’orientation professionnelle vous avez choisi «finance » à la place de plombier et qu’il vous semble soudainement bien plus agréable d’aller réparer la tuyauterie des autres plutôt que de subir les assaut déprimants des marchés déprimés et des économies chancelantes, je ne saurais trop vous recommander d’éviter tout médias qui est susceptible de parler finance ou économie. Concentrez-vous sur le Pif Gadget, le Picsou Magazine et le Magazine Cuisine et vin, en insistant fortement sur le côté vin.

L’Asie dans le rouge

Autant vous dire qu’après tout ce que je viens de vous raconter ; l’Asie est dans le rouge. Le Japon recule de 0.7%, Hong Kong de 1.10% et la Chine de 0.5%. Alors oui, ce n’est pas non plus la fin du monde, mais le « mood » n’est pas terrible. En revanche, si l’on doit essayer de trouver un peu de « bonnes nouvelles » dans ce monde de brutes, on retiendra déjà que les futures ne sont pas en baisse. Bon, ils ne sont pas en hausse non plus et le temps que je termine cette chronique, il peut encore se passer des trucs, mais pour l’instant on s’accroche à la paroi avec les ongles en attendant les secours.

Pour ce qui est de l’or, il est à 1721$ et tente sa 823ème sortie par le haut. On peut rêver, ça va bien finir par arriver un jour. Quant au pétrole, il n’arrête pas de monter et s’échange à 25.45$ et même les commentaires de la CFTC – l’autorité qui chapeaute le trading des matières premières – n’y font rien. Il faut dire que la CFTC s’est déclarée inquiète et pense que « l’on pourrait revoir un baril de pétrole en négatif ». Visiblement, actuellement tout le monde s’en balance.

Nouvelles du jour

En ce qui concerne les nouvelles du jour, c’est un peu « on prend les mêmes et on recommence ». Tout d’abord on reparle du Coronavirus et de Trump. Trump qui s’en prend à Fauci son « responsable de gérer la crise du COVID », Fauci qui s’est montré prudent quant au rythme du déconfinement, estimant que « si on allait trop vite ça pourrait être catastrophique » – ça n’a pas plus au Président qui a estimé que Fauci jouait sur les deux tableaux – encore un qui va probablement perdre son job. Pendant ce temps, la Deutsche Bank s’est encore fait épinglée sur sa manière de se gérer et ce, par la FED de New York. Pour autant que ce genre de commentaires surprennent encore quelqu’un.

En Californie on reparle de.. je vous le donne en mille … roulement de tambour : ELON MUSK. Le patron de Tesla a donc réussi à faire plier le gouverneur de Californie et a obtenu le droit de redémarrer ses opérations en Californie dès lundi, pour autant que les mesures de protection et de distanciation sociale soient respectées. La question que l’on se pose, c’est de savoir si Tesla sont les seuls à pouvoir reprendre ou est-ce que c’est le cas de tout le monde ? En gros, est-ce que Musk est plus égaux que les autres ou pas ? En tous les cas, pendant qu’on brasse de l’air sur le sujet, on ne parle pas trop du client de Tesla qui s’est retrouvé avec le volant de son modèle 3 entre les mains. Jusque-là, avoir le volant entre les mains c’est plutôt normal, mais là, le problème, c’est que le volant n’était plus rattaché à la voiture.

Autrement on notera que David Tepper du fonds Appaloosa estime qu’il n’a plus vu un marché aussi « surévalué » depuis 1999. Autant vous dire que si EN PLUS de la crise du COVID, on se prend une correction type « bulle internet », il va falloir commencer à faire pousser des moutons pour se construire une vie en autarcie et partir habiter dans le Gers dans une communauté écoresponsable. À propos de communauté écoresponsable, on notera aussi qu’à Genève on y arrive assez bien, puisque les voies de circulation automobiles sont dorénavant dévolues au vélo et que ceux qui n’en font pas ont intérêt à s’y mettre, parce que les ayatollahs verts genevois montent en puissance… en même temps, on a les politiciens qu’on mérite. Et puis dans les autres nouvelles, on apprend que le Qatar veut mettre en taule pour 3 ans tous les gens qui ne porteront pas de masques – après la folle liberté de la burqa, on passe la vitesse supérieure au Qatar. On se réjouit qu’ils prennent la présidence de la ligue des droits de l’homme (et de la femme), il est temps de mettre un peu d’ordre dans tout ce bordel de laxisme occidental.

En ce qui concerne les chiffres économiques, il y aura les Jobless Claims qui, comme d’habitude, devraient être fantastiques et la BCE publiera son bulletin économique. Autrement, entre 6h et 6h47, les futures sont parvenus à passer en terrain négatif. Je vous l’avais dit que tout pouvait arriver.

En attendant, je vous invite à nous retrouver tous les matins sur Instagram pour une courte vidéo en vous abonnant à Investir.ch sur Instagram – mais aussi sur YouTube et pour le reste ; passez une excellente journée et on se retrouve demain pour une nouvelle séance de thérapie.

Thomas Veillet

Investir.ch

“When I believe in something, I fight like hell for it.”

Steve McQueen