Ce qu’il y a de bien dans ce marché, c’est que quoi qu’il arrive, il faut que l’on ait un truc à dire, quelque chose qui justifie le pourquoi du comment de ce qui s’est passé hier. Depuis le temps que j’écris sur le sujet – non seulement je commence à avoir perdu le compte des années – surtout aujourd’hui – mais en plus, je me rends compte que l’on se sent obligé de trouver une raison pour expliquer pourquoi le marché n’a rien fait hier. Ou pourquoi il a fait quelque chose. De plus, en lisant les journaux, on a le sentiment que tout le monde était au courant de « l’excuse du jour » et que systématiquement, je suis le seul qui n’a pas reçu le mémo. Tout ça pour dire que la raison de la baisse d’hier (sauf le Nasdaq, mais le Nasdaq c’est pas pareil) aura été justifiée par le fait que les « traders » sont en train de se demander s’il faut mettre en avant le fait que l’on a déjà « pricé » le pire le 23 mars ou est- ce qu’il faut craindre le fait que l’on ait peut-être un tout petit peu surestimé le recovery de l’économie. Surtout sa vitesse. Sans compter que depuis ce matin, alors que certains pays viennent à peine de ressortir de leurs planques ; on apprend qu’il y aurait une nouvelle vague qui se préparerait à Wuhan. On ne connait pas la recette pour cuisiner le pangolin qui sera utilisée cette fois-ci, mais on commence à trembler à nouveau.
L’Audio du 12 mai 2020
Wuhan is back in the news
Donc si je résume ce qui s’est passé depuis vendredi dernier ; les chiffres de l’emploi étaient immondes, mais on s’est dit que sur les 20 millions et des poussières qui ont perdu leur job – oui, à ce stade-là, 500’000 personnes au chômage de plus ou de mois, c’est rien du tout – sauf s’il sont contaminés au COVID 2.0 – mais on se fichait de ces 20 millions et des poussières, parce que l’on SAVAIT que le Ministère de la Magie Economique allait nous aider et qu’en plus, il paraissait, selon les experts que 18 millions de ces jobs perdus seraient retrouvés en un claquement de doigts d’ici l’été, cela ne faisait aucun doute et il n’y avait donc, ipso facto, aucune raison de baisser.
Sauf que depuis hier, dès l’entame de la semaine, on s’est rapidement demandé s’il l’on ne nous mentait pas et qu’est-ce qu’il se passerait si la glorieuse économie que l’on prédisait pour dans les quelques jours à venir ne venait jamais, ou pire ressemblait à un diesel asthmatique qui aurait fait le plein au sans plomb. Que se passerait-il si finalement les 18 millions de chômeurs restaient des chômeurs et qu’ils décidaient de ne rien consommer d’inutile repoussant d’autant la reprise tant attendue et tellement nécessaire. Oui, la journée d’hier était matinée de doutes et d’interrogations qui laissait un arrière-goût désagréable en fin de séance. Autant vous dire que lorsque vous regardez les nouvelles du matin et que vous apprenez qu’il y a 5 nouveau cas de de COVID 2.0 qui se sont déclarés à Wuhan, il n’en faut pas plus pour envoyer les futures à la cave, les marchés asiatiques à la baisse et imaginer que la peur et l’angoisse nous saisissent à la gorge. Quoi qu’il en soit, c’est toujours fascinant d’observer cette capacité de passer du mec qui danse tout nu sur la table en s’arrosant de champagne pour fêter la hausse permanente et garantie des marchés à ce type tout recroquevillé sous son bureau, terrorisé rien qu’à la vue d’un pangolin enragé qui ne porte pas son masque de protection trois couches avec le petit drapeau français brodé dessus pour faire patriote.
Perclus de doutes après l’euphorie
Nous voici donc à nouveau dans le doute. Même si vendredi nous avions intégré le fait que tout allait et bien et que nous étions immunisés contre tout grâce à la fabuleuse mécanique des banques centrales, il a suffit que l’on nous fasse miroiter la perspective de passer les deux mois d’été enfermés dans un 30 mètres carré sans climatisation, pour que le stress reviennent et que le doute nous assaille. Soudainement plus personne ne parle de plan de sauvetage, d’injections monétaires, du médicament de Gilead ou du vaccin à venir avec une puce RFID intégrée dedans. Non, ce matin nous ne sommes plus que doutes et interrogations. Bon, la bonne nouvelle, c’est qu’avec la vitesse à laquelle nous sommes capables de passer de Docteur Jekyll à Mister Hyde et de repasser à Docteur Jekyll tout aussi vite, cela ne veut pas dire que nous sommes repartis dans une chute vertigineuse – pas encore en tous les cas.
En tous les cas, alors que CNBC nous avait changé sa une depuis quelques jours, voici que le site d’info américain refait sa une avec le bilan du Coronavirus, le fait que les USA ont dépassé les 80’000 morts et que c’est quand même 22’000 de plus que ceux qui sont morts au Vietnam sur 20 ans de guerre. Sans compter les portés-disparus que Chuck Norris retourne chercher chaque été quand il n’y a plus rien à la télé. En revanche personne ne parle des 200’000 victimes du cancer aux USA depuis le premier janvier – il est vrai que momentanément, ça n’intéresse personne. Surtout pas les médias. Enfin, tout ça pour dire que depuis hier on sent une espèce de doute palpable qui, on le souhaite ne sera que temporaire et que les « speechs » de tous les banquiers centraux qui vont causer cette semaine vont nous rassurer et nous faire remonter le moral et nous éviter de plonger dans les antidépresseurs et l’alcool.
Oui, parce qu’il y aura du monde à la tribune cette semaine, du monde qui ont des trucs à dire, ce mardi il y aura déjà Bullard – celui qui veut prendre la place de Powell et qui est prêt à dire tout et n’importe quoi pour autant que ça fasse de l’ombre au patron de la FED, il y aura aussi Kashkari qui lui est plutôt le mec prudent qui parie sur un recovery long et difficile, le type que l’on n’aime pas entendre parler quand on est déprimé – puis il y en a encore deux autres que l’on connait moins (Harker et Quarles), donc on se fout de ce qu’ils diront à moins que ça soit exploitable dans la presse. Mais surtout, surtout, demain il va y avoir Powell qui va parler et on espère tous qu’il va nous sortir un Whatever it takes à sauce Powell et que l’on pourra se prosterner devant lui en comprenant tout le soutien qu’il nous offre et Ô combien il nous aime, nous autres, pauvres investisseurs plein de souffrances et de douleurs.
La vidéo est dispo sur Instagram tous les matins…
Musk plus actif que Trump sur Twitter
Dans les sujets qu’il faut quand même aborder, on notera que Trump est en train de se faire dépasser en terme de production de conneries sur Twitter. Depuis quelques jours, Elon Musk est en train de faire parler de lui à tous les niveaux et à voir ce qu’il se passait encore hier, il n’a visiblement pas l’intention d’arrêter. Récemment le patron de Tesla a réclamé la réouverture de l’économie, traité le gouvernement US de « fasciste », estimé que le cours de l’action Tesla était trop chère et prénommé son 5ème ou 6ème gamin après une formule mathématique qui aurait été croisées avec une recette de cuisine et la liste des composants du Coca-Cola, le voici qui déclare que son usine d’Alameda en Californie rouvrira aujourd’hui, malgré l’interdiction signifiée par l’État et qu’il défiait les autorités de l’en empêcher.
Pendant ce temps, l’action Tesla vaut toujours 811$ et personne n’a de doute sur les comportements erratiques d’Elon Musk qui ressemble de plus en plus à Ernst Stavro Blofeld. Quoi qu’il en soit, Musk a au moins le mérite d’animer un peu les médias et de nous permettre de parler d’autre chose que du déconfinement, du reconfinement éventuel et du fait que l’on va devoir porter des masques pour les 894 prochains jours et manger avec des gants en latex pour le reste de nos vies.
L’Asie dans le rouge
Ce matin l’Asie s’est donc parée d’une belle et uniforme couleur rouge sur tous les indices possibles et imaginables. Le Japon baisse de 0.10%, Hong Kong de 1.8% et la Chine recule de 0.6%. On notera que les derniers chiffres économiques chinois sont pourris, mais qui est-ce qui est encore surpris par ça ? À voir la réaction du marché : personne. Pour le reste, les perspectives économiques de l’Australie sont médiocres, mais là encore, personne ne s’attendait à la moindre euphorie.
L’or est toujours collé autour des 1700$ et semble être dans un semi-coma en attendant un signe d’inflation ou de désintégration du système capitaliste. Le pétrole est plus au moins au même niveau qu’hier, mais il faut tout de même signaler qu’il a eu une brève poussée de fièvre hier lorsque les Saoudiens ont annoncé leur intention de réduire encore la production d’un million de barils par jour d’ici juin. Mais le prix du contrat juin s’est rapidement redégonflé après l’annonce. Probablement parce qu’on aurait quand même préféré plus et avec le risque de deuxième vague qui flottait dans l’air, peut-être que l’on avait que moyennement envie d’y croire. En ce qui concerne le baril, on notera que Goldman Sachs, les champions du monde du marketing de l’investissement, ont annoncé qu’ils s’attendaient à un rebond en forme « V » majuscule sur le pétrole. On ne reviendra pas sur les capacités de prévision de Goldman sur le pétrole, histoire ne fâcher personne et de ne pas dire du mal.
Nouvelles du jour
Dans les nouvelles du jour, on retiendra que PNC, le plus gros actionnaire de BlackRock vend sa participation de 22% pour pouvoir « supporter » la crise du COVID19 – avec 17 milliards, ça devrait aller. Les employés de la Maison Blanche sont dorénavant obligés de porter le masque, sauf le patron quand il est à la télé. New York se prépare à rouvrir alors que le nombre de cas de Coronavirus est en baisse, Tesla aussi se prépare à rouvrir, mais sans autorisation.
Et puis, au chapitre banques centrales, la FED va commencer à racheter des ETF obligataires et se japanise de plus en plus et pour parler du Japon, Kuroda, lui se « Draghise », puisqu’il a déclaré que la BOJ ferait « Whatever it can » pour combattre la crise du COVID. La différence entre « it can » et « it takes » n’est peut-être pas énorme, mais si l’on creuse un peu, je dirais que c’est un peu moins motivant que le fût Mario en son temps. En revanche, si tous les banquiers centraux semblent de sortie, Madame Lagarde semble encore confinée cette semaine.
Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.7%, le doute est parmi nous et on se réjouit déjà de voir ce que sera la suite ces prochains jours, je vous souhaite une belle journée et on se revoit bientôt.
Thomas Veillet
Investir.ch
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