Un mois. Cela fait un mois que l’on ne fout plus grand-chose sur les marchés boursiers. On cause beaucoup, on entend plein de théories et à peu près tout et n’importe quoi, sachant que l’on a la même vue long terme qu’une escadrille de taupes au fond de mon jardin, mais pourtant on a toujours cette impression que l’on ne fait que monter, alors qu’en fait mis à part faire des zigzags dans tous les sens, on n’arrive pas vraiment à se sortir de là où nous sommes. Alors certes, on ne peut que comprendre cette hésitation, puisque l’on ne sait absolument pas à quelle sauce nous allons être mangés et s’il est intelligent de racheter maintenant ou plus tard. Pour le moment nous sommes obsédés par la reprise économique, s’il va y en avoir une et quand. Il ne se passe pas 24 heures sans que l’on entende quelqu’un quelque part qui annonce que les marchés sont « bien disposés » parce que les « gens » - donc nous tous – sont en train de se déconfiner gentiment et qu’ils vont recommencer à consommer – alors personnellement, quand je fais le bilan du nombre de cartons Amazon.com qui traînent dans le garage, je crois que l’on peut dire que je n’ai jamais arrêté de consommer – mais malgré ces bonnes paroles que l’on entend toutes les 36 heures, quand on regarde les niveaux des indices, on ne fout plus rien depuis un mois.

L’Audio du 18 mai 2020

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Donner du temps au temps

Pourtant, il faudrait peut-être que l’on apprenne la patience et à donner du temps au temps. En effet, on ne va pas retourner là où nous étions au mois de janvier – économiquement parlant – en l’espace de trois jours et ce n’est pas parce que nous avons inventé le « Trading à haute fréquence » et que certains traitent 25’000 transactions par minute que l’économie réelle va repartir au même rythme. Même si bon nombre d’entre nous pensent que les décisions prisent ce matin vont déterminer le fait qu’ils soient riches ou pauvres, c’est un peu plus compliqué que ça.

Là tout de suite, l’ensemble de la communauté financière semble satisfaite et convaincue des mesures prisent par les gouvernements et les banques centrales. Tout le monde ou presque est également à peu près certain que les Banques Centrales vont tout faire pour nous sauver, nous les financiers, mais aussi l’économie qui vient derrière. Les banquiers centraux, en dehors du fait qu’ils ne portent pas un costume bleu avec le slip par-dessus le pantalon, font un peu le même effet que Superman pour les habitants de Metropolis : « le gars qui viendra toujours stopper les méchants à la fin ». Mais même si l’on se sent protégé et en sécurité parce que Jerome Powell et Christine Lagarde sont en patrouille toute la nuit pour chasser la récession alors que l’on dort paisiblement dans nos chambres à coucher, quand on se réveille le matin, on aimerait quand même bien avoir quelques preuves que la pilule magique pour re-booster l’économie fonctionne vraiment et que même si l’économie s’est faite shooter par un train récemment, on a quand même réussi à recoller les morceaux et elle va pouvoir refonctionner à peu près. Le problème que nous avons aujourd’hui, c’est que ça pourrait peut-être prendre du temps et comme « le marché » a la patience d’un pangolin hyper-actif de trois semaines, on se retrouve souvent à se poser les mêmes questions en espérant que les réponses seront différentes, sauf qu’elles ne le sont pas.

Une nouvelle semaine et toujours les mêmes questions

Si l’on fait le bilan de la semaine dernière, on se souviendra que Trump est en train de se fâcher avec les Chinois, avec Obama et avec tous ceux qui ne sont pas d’accord avec lui, mais comme ça, ce n’est pas une vraie nouvelle, mais un bilan de mandat qui se termine dans 6 mois, tout le monde s’en fout. Quoi que la Chine pourrait quand même être un problème à surveiller. Par contre, on a eu droit à une semaine spéciale Powell puisque le patron de la FED a parlé mercredi soir et que depuis, nous nous posons pas mal de questions. Globalement, il n’a pas non plus révolutionné l’économie, mais disons qu’il a un peu démontré qu’il était au bout des options « classiques » qui s’offraient à lui. Et les options « moins classiques », comme les taux négatifs ou la magie noire ne semblaient pas entrer dans le catalogue de ce qui était dans le domaine du possible.

On se retrouvait donc à la case départ, en train de se demander ce qui pourrait bien se passer en attendant que quelque chose se passe. Oui, parce qu’il semble clair que toutes les autorités supérieures ont fait ce qu’il fallait faire et que maintenant, la seule chose qu’il nous reste à faire, soit d’attendre que quelque chose de concret se produise. Quelque chose qui pourrait ressembler à un début de reprise économique. Le seul problème, c’est le temps. Oui, parce que l’économie mondiale est une espèce de paquebot énorme. Tenez, vous prenez le « Symphony of the Seas », qui est censé être le plus gros paquebot du monde et vous imaginez que le paquebot « économie mondiale » est trois fois plus gros. Pour arrêter un monstre pareil, ça prend du temps et ça coûte des emplois – mais pour le remettre en marche, ça prend encore plus de temps et en plus on rechigne à créer des emplois parce que comme on a la trouille, on ne veut pas prendre de risques. Sans compter que pour faire accélérer un monstre pareil, ça prend plus de temps que pour monter à 30 à l’heure sur un vélo électrique dans les rues de Genève. Sauf que du temps, dans la tête de l’investisseur moyen, il n’y en n’a pas. Tout doit aller vite et imaginer que l’on ait besoin de trois mois pour relancer la machine et voir les premiers emplois se recréer, c’est au-dessus de nos forces. Il faut donc alterner les bonnes nouvelles avec les mauvaises nouvelles pour que les marchés parviennent à patienter jusqu’à que l’on y voit plus clair – c’est un peu ce que l’on vit depuis deux semaines, on alterne le chaud et le froid et à la fin on se rend compte que l’on brasse de l’air et que nous sommes exactement au même niveau qu’il y a un mois.

C’est la chenille qui redémarre

Nous voici au début d’une nouvelle semaine après une semaine que l’on qualifiera d’hésitante, axée principalement sur les déclarations des uns et des autres qui « voient » ce que sera l’avenir dans le marc de café. Le personnage le plus important de la semaine pour les marchés financiers aura donc été : Jerome Powell. Eh bien j’ai une bonne nouvelle pour vous ; ce matin on prend les mêmes et on recommence. Oui, parce qu’hier soir le bon Jerome était à la télévision aux USA – sur 60 minutes – et il nous a dit des choses qu’il n’avait pas dites mercredi, et ça, ça change tout.

Là tout de suite, au milieu la nuit, les marchés sont déjà obsédés par les mots de Powell. Les futures sont en hausse de 1% et l’Asie est en hausse de 0.5% au minimum un peu partout. Je ne dirais pas que c’est de la folie, mais par rapport à l’état d’emmerdement maximum dans lequel nous avons eu l’occasion de nous trouver durant le confinement, ça y ressemble sacrément.

Mais qu’est-ce qu’il a dit alors ?

Bon, là vous pouvez vous rassoir, Powell n’a pas non plus annoncé la révolution économique, ni le fait qu’il tentait un coup d’état pour renverser Trump et encore moins le fait qu’il étudiait les stratégies possibles pour lutter contre l’inflation galopante qui menace sournoisement les USA. Non, Powell a tout simplement dit :

  • Qu’il ne serait pas étonné de voir l’économie se contracter de plus de 30%

Bon, ça on s’en fout parce que ce n’est pas une nouveauté et tout ce qui fait office de banquier central, de stratégiste, de gourou de la finance ou de spécialiste de la lecture dans les lignes de la main ont déjà donné ce genre d’estimations et effectivement, ça oscille entre 25% et 50% – généralement par tranches de 5%, puisque visiblement, quelques soit les moyens avec lesquels ces visionnaires-prévisionnistes travaillent, ils n’arrivent jamais à trouver un chiffre se terminant par autre chose que 0 ou 5. Ensuite Powell a enchainé et il a dit :

  • Il se pourrait que l’économie ne retrouve pas son niveau de pré-crise avant fin 2021 et qu’il faudrait idéalement attendre l’arrivée d’un vaccin pour y arriver.

Ça c’est un peu loin pour nous : « fin 2021 », déjà qu’on ne sait pas ce qu’on fera ce soir. C’est n’est pas une super-phrase motivante, mais comme après il a aussi dit que :

  • « Je ne parierais pas CONTRE l’économie américaine » et qu’il a enchainé avec le mythique :
  • « Nous sortirons de cette crise encore plus fort qu’avant », et sans oublier le fait qu’il :
  • Ne voit pas d’autres dépressions à l’horizon.

Les traders qui font du futures dès le matin aux aurores sont passés en phase orgasmique et tout d’un coup un vent de positivisme est passé sur le monde libre. Il se pourrait que ça ne dure pas forcément très longtemps, parce qu’à la fin on aimerait quand même bien du concret et que pour ça, va falloir être patient, mais disons qu’en attendant ; ça nous permet d’espérer remonter en haut du « range » dans lequel nous vivons depuis un mois et qu’en arrivant là-haut, on se trouvera une mauvaise nouvelle pour calmer le jeu. Une mauvaise nouvelle comme le fait que sur les 36,5 millions de personnes qui ont perdu leur job depuis l’avènement du COVID, seulement 0.5 million ont retrouvé un emploi, malgré le déconfinement magique et le fait que Disney rouvre ses Disney Stores en même temps que les Apple Stores.

Pour le reste

Pour le reste, je suis certain qu’il y a d’autres nouvelles, mais en faisant 22 fois le tour des médias, je ne trouve que des commentaires sur l’émission 60 minutes et sur les déclarations du Messie Powell. Il est donc plus que probable que ça ne soit qu’un feu de paille, mais c’est LE FEU DE PAILLE qui nous occupe en ce lundi matin. Mais je fais confiance au marché, d’ici demain on aura autre chose à dire et à s’inquiéter à propos…

Concernant les chiffres du jour il n’y aura strictement rien. Par contre cette semaine les chiffres trimestriels arrivent en bout de course et dans les titres qui peuvent intéresser le gens, il y aura Nvidia en fin de semaine et pour le reste, ça sera surtout les chiffres du secteur du « retail » et ça promet d’être sympa, il y aura sûrement à boire et à manger. En attendant, là tout de suite on se gargarise avec les paroles de Powell et ça devrait tenir au moins jusqu’à midi, jusqu’à que l’on se rende compte qu’il a mis du conditionnel un peu partout dans ses déclarations et qu’en fait, il n’en sait foutrement rien. En tous les cas à peine plus que vous et moi.

Que votre lundi vous soit fort agréable, que votre café vous motive à trouver des raisons de patienter et nous on se retrouver demain, à la même heure et au même endroit.

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Thomas Veillet

Investir.ch

« If you owned the businesses you liked prior to the virus arriving, it changed prices, but nobody’s forcing you to sell. »

Warren Buffet