33 jours. C’est officiellement le temps qu’aura duré le Bear Market de 2020. Cela faisait 11 ans que l’on attendait que les Bulls se fassent défoncer et que les Bears prennent le pouvoir et finalement ça n’aura duré que 33 jours. Bien moins que le confinement qui était censé nous mettre à terre et flinguer définitivement les économies mondiales. Mais que nenni ! Parce que vous êtes sûrement déjà au courant, depuis vendredi à 14h30, c’est officiel, l’économie est repartie, le COVID19, c’est de l’histoire ancienne et nous sommes dans un monde parfait si l’on exclu le fait que le Trade Deal est réduit à néant que les gens passent plus de temps à manifester contre le racisme et les violences policières qu’à chercher du boulot et que 80% des américains pensent que le pays est « hors de contrôle ». Non, mis à part ça, tout va très bien puisque vendredi les « experts à Wall Street » se sont complètement gourés au sujet des chiffres de l’emploi et que depuis nous sommes officiellement au courant que nous vivons dans un monde parfait, que rien ne peut nous arriver. Sans compter que les banques centrales, les gouvernements et la Bible sont tous avec nous pour nous aider au moindre problème économique.

L’Audio du 8 juin 2020

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Les analystes c’est comme la météo ; comme y a pas d’avion dans le ciel,, c’est pas facile de prédire

Donc vendredi nous avions les chiffres de l’emploi qui étaient attendus. Les professionnels de la prédiction financière avaient tous bossé comme des dingues pour avoir des chiffres « à peu près corrects » à nous prédire et l’ensemble de la communauté était plus à l’aise et se sentait prête à accepter un taux de chômage proche des 20% et une nouvelle avalanche de suppression d’emplois qui était censé frôler les 9 millions. Ces derniers jours nous avions appris à bosser avec le concept du verre à moitié plein et même des chiffres pourris ne nous faisaient plus peur de toutes façons. Et pourtant, comme dans les films et les séries qui passent sur Netflix ; un miracle s’est produit.

On ne sait pas trop comment c’est arrivé, mais à la fin c’est le résultat qui compte. En effet, vendredi à 14h30, le département des chiffres de l’emploi à Washington a fini de faire les comptes avec son boulier et a annoncé que, contrairement au 9 millions de jobs perdus et à un taux de 19% et des poussières, nous étions plutôt à 13.3% de chômage, soit plus de 6% de mieux que les attentes et surtout, surtout, ce n’était plus 9 millions de jobs qui passaient à la trappe, mais 2.5 millions de jobs qui ont été créés durant le mois de mai !!! Inutile de vous dire qu’avec une nouvelle pareille, les marchés se sont envolés sans jamais se retourner et sans jamais se demander si « par hasard on n’avait pas déjà pricé un peu la chose ». Le Nasdaq terminait la semaine au plus haut de tous les temps – comme prévu serais-je tenté de dire et le S&P500 prenait 2.62% pendant que le Dow Jones finissait en hausse de 3.15%. En Europe c’était pareil, à croire que les emplois créés avaient tous été créés dans la banlieue parisienne et Berlinoise. Le DAX finissait en hausse de 3.36% et le CAC de 3.71%. Un marché en plein délire dans un marché que l’on croyait déjà en plein délire. Le concept « d’acheter la rumeur et de vendre la nouvelle » n’existe même plus. Maintenant on achète la rumeur et on achète la nouvelle et on recommence jusqu’à plus soif.

Un monde normal, laissez-moi pouffer de rire

Dans un monde normal les intervenants auraient tout de même tiqué à l’annonce de ces chiffres – tiqué parce que tout en bas du rapport officiel, les « officiels » eux-mêmes expliquaient qu’il y avait eu une erreur de calcul et que si l’on tenait compte de cette erreur le taux de chômage serait plutôt proche des 16% que des 13% – mais comme on ne voulait pas gâcher la fête on a préféré faire « comme si » et afficher le meilleur chiffre. Moi c’est pareil, la prochaine fois que je paie mes impôts, je verserai la moitié de la somme prévue et je leur dirais de « faire comme si  j’avais tout versé » – je suis certain qu’ils vont adorer.

Et puis dans un monde normal, on se serait tout de même demandé pourquoi autant de personnes viennent demander le chômage chaque semaine si c’est pour nous annoncer qu’en fait il y a autant de gens qui ont trouvé du travail dans la même période. Je suis certain qu’il y a une explication rationnelle à tout cela, mais ça défie quand même un peu la logique. Sans compter que si l’on regarde la fiabilité des chiffres de l’emploi sur une base historique et dans des périodes bien moins troublées que celle que l’on vit actuellement, on aurait pu se poser des questions sur la fiabilité des chiffres.

Mais peu importe la normalité. Nous, tout ce que l’on veut c’est que le marché monte, que Jeff Bezos soit un peu plus riche et que l’on puisse se raconter des histoires de Bull Market au coin du feu, le tout assis sur une peau d’ours. Alors moi je suis un Bull convaincu depuis de 30 ans. Je suis absolument certain que l’on va se sortir de cette crise, parce que je crois fondamentalement que l’on s’en sort à chaque fois. Mais là tout de suite, j’ai comme l’impression que l’on a un peu fumé la moquette et que nous sommes en train de mettre les problèmes sous le tapis un peu vite. Alors oui, je sais que les bourses mondiales fonctionnent toujours avec deux règles, la première étant :

  • Le marché a toujours raison

Et la seconde étant :

  • Quand le marché a tort ; prière de se référer à la première règle.

Je vais donc me plier à la vouloir du marché financier et des bourses mondiales, mais j’ai quand même un truc qui me dit que l’on est peu trop obsédé par les plans de soutiens et les injections massives dans tous les sens et que l’on oublie de regarder ce qui se passe pour de vrai dans la rue et dans nos économies. Il n’y a pas un jour qui passe sans que l’on nous annonce des plans de suppression d’emplois massifs, des restaurants qui n’arrivent plus à tourner, des PME’s qui ferment et des petites entreprises qui jettent l’éponge. Chaque jour on entend des gens qui disent qu’ils gagnent moins qu’il y a trois mois « mais qu’ils vont faire avec » – la consommation devrait donc inévitablement s’en ressentir un de ces jours ! Mais nous en attendant on préfère s’enthousiasmer avec des chiffres bidons calculés par un gouvernement qui est à peu près aussi objectif qu’un supporter de foot. Alors ok, on va faire comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes, puisque c’est la tendance du moment. On espère juste que le retour à la réalité ne sera pas trop dur.

Et ça continue encore et encore

Ce matin nous sommes encore en mode « the trend is your friend », puisque le Nikkei salue les fantastiques chiffres américains en montant de 1.2%, pendant que Hong Kong et la Chine montent tous deux de 0.25%. Et puis il y a surtout le pétrole. L’Or Noir bénéficiait encore du fait que l’OPEP prolonge encore la durée de ses coupes de production et le baril est en train de repasser au-dessus des 40$. C’est « le nouveau truc à la mode » et on a oublié la bérézina du mois d’avril comme si ça ne s’était jamais produit.

L’or est à nouveau en-dessous des 1692$ et souffre du fait que tout va bien et qu’il n’y aura plus jamais d’inflation, ni de stress dans les marchés. Il est vrai que des périodes comme ces derniers jours où tout monde sans discrimination aucune, n’est jamais favorable à l’or. Le métal jaune reste cependant toujours coincé dans cet espère de range latéral qui laisse supposer que si un jour il sort, ça va être explosif. Reste à trouver le jour en question.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, je dois dire que c’est très drôle, parce que si l’on regarde le « ton » de ce qui est annoncé et le fait que les futures, l’Asie et pétrole sont déjà en hausse, on se demande si nous ne sommes pas en train de lire les journaux d’un autre jour, style ceux de dans trois mois. Non parce que si je regarde rapidement le FT ce matin, je vois que l’industrie du transport maritime tire la sonnette d’alarme parce que rien ne bouge de leur côté et que 400’000 marins sont toujours à quai. On parle aussi des packages de licenciement chez American Airlines qui ne voit toujours pas revenir la demande. Sans oublier que les chiffres économiques chinois sont immondes en ce lundi : les exportations sont en contraction et les importations sont au plus bas depuis 4 ans.

Je vous dispense les articles sur le fait que certains gouvernements européens sont mécontents du plan de sauvetage de 750 milliards estimant que le plan en question ne va pas régler les problèmes de fond de la crise, mais plutôt favoriser les marchés financiers. Tu m’étonnes.

Il y aussi Morgan Stanley qui pense que les USA ne remettront pas en question la première partie du Trade Deal malgré les tensions. Eh ben vu comme ils se parlent, s’ils sont capables continuer à bosser dans la même direction en se crachant au visage par médias interposés, ils ont visiblement inventé un nouveau sens au mot « diplomatie ». Tout ça pour dire que ce matin, je n’ai pas l’impression que l’on croule sous les bonnes nouvelles, si ce n’est les chiffres de l’emploi de vendredi qui servent encore de plat réchauffé au menu du jour.

Chiffres économique et blabla en tous genres

Côté chiffres économiques, nous aurons la production industrielle en Allemagne. Chiffres qui doivent cartonner vu la tronche du DAX ces derniers jours. Et puis c’est la semaine des banques centrales, Christine Lagarde parlera cette après-midi et la FED se réunira dès demain et ce pour 2 jours avec une annonce solennelle dès mercredi soir. On n’attend rien de la FED. Surtout rien sur les taux, mais on veut quand même voir les premières projections économiques de Powell, lui qui avait dit que l’économie aurait besoin de 12 mois pour être en « full recovery » – vu les chiffres FABULEUX de l’emploi, il pourrait revoir sa copie – que de nouvelles excitantes qui nous attendent.

Moi je vous retrouve demain à la même heure et au même endroit. En attendant, je vous encourage à « scroller down » et vous trouverez plein d’articles en rapport avec les sujets qui nous occupent, le premier, juste en-dessous, traite du pétrole comme classe d’actif – question qui est clairement d’actualité, maintenant que l’on sait que le pétrole ne sera plus jamais faible et il y a également un article sur le bordel qui est en cours aux USA, à l’aube des élections américaines… bref.. Scrollez-down…

À noter également que du 15 au 18 juin 2020 tous les soirs à 17h00 – Swissquote organise sa Trading Week en Webcast – COVID19 oblige. Je serai le « modérateur » pas si modéré lors des 4 cessions. Si cela vous intéresse, il vous suffit de vous inscrire sur le lien suivant : www.swissquote.com/sqtw

Passez une très belle journée et à demain.

Thomas Veillet

Investir.ch

“An asylum for the sane would be empty in America.”

George Bernard Shaw