Je crois que l’on est tous d’accord pour dire que les injections monétaires, les plans de soutien économiques et autres promesses comme quoi les banques centrales ne nous laisseront pas tomber sont les raisons que l’on qualifiera de « fondamentales » pour justifier le rebond qui nous occupe et nous obsède depuis le 23 mars. Mais aujourd’hui, hier, avant-hier et demain, il y a un nouveau truc qui est censé justifier la hausse : le placebo. Oui, parce que nous sommes arrivés à une telle altitude et à une telle vitesse, que la seule « autre » solution qui pourrait nous justifier la hausse, ça serait un redémarrage économique évident. Et comme de ce côté-là – pour l’instant – on peut se l’accrocher derrière les oreilles, il ne nous reste plus qu’à trouver des motivations ailleurs et surtout, des justifications où il n’y en n’a pas. D’où ; le placebo.

L’Audio du 24 juin 2020

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D’où l’utilité d’un type comme Navarro

Une fois que l’on a accepté le fait qu’une bourse ou qu’un indice boursier puisse monter sans aucune véritable raison fondamentale, il est plus facile de comprendre pourquoi les indices américains et européens terminaient en hausse hier. L’Europe a clairement trouvé « génial » le petit pas de danse « un coup en avant un coup en arrière » de Monsieur Navarro. Rien que le fait que le gars ait réussi à dire que le Trade Deal avec la Chine était mort et que, dans les 22 secondes qui suivent, il se corrige en argumentant que « le trade deal est mort » ne voulait pas vraiment dire que le Trade Deal était mort, mais au contraire que le Trade Deal va super bien, rien que cela aura fait que les investisseurs de tous bords ont trouvé fabuleux que l’on ait la CONFIRMATION comme quoi le Trade Deal était toujours d’actualité.

Les marchés sont donc montés dans un magnifique mouvement à l’unisson parce que, même après trois mois de pandémie, d’accusations et de reproches par presse interposée, les Américains et les Chinois sont toujours les meilleurs amis du monde. Rien que le fait de dire que le Trade Deal était mort puis pas mort, aura donc suffit à battre de nouveaux records sur le Nasdaq, à faire oublier que Wirecard est une fraude et fait partie du Dax et permettre ENFIN au CAC40 de passer au-dessus des 5’000. Le tout sans compter que Apple est au plus haut de tous les temps, que Facebook, Microsoft et Amazon aussi. Tout ça rien qu’avec l’annonce de quelque chose qui n’est pas arrivé n’est effectivement pas arrivé et que du coup, c’est une bonne nouvelle. Mais rien n’a changé. Strictement rien n’a changé depuis 48 heures. C’est un peu comme si on avait pris un verre d’eau avec du sucre en pensant que ça pourrait servir comme vaccin contre le COVID19 et que, pour cette raison-là, on achetait le marché et tous les fabricants de sucre de la planète.

Fondamentaux pourris, mais moins pire

Les marchés ont donc vécu une belle journée sur le fait qu’il ne s’est rien passé et que cet état de fait en lui-même est déjà une bonne nouvelle. Comme disait l’autre, il en faut peu pour être heureux. En plus du fait que le Trade Deal est toujours vivant – sous assistance respiratoire ET dans le coma depuis 3 mois, mais toujours vivant – il y aussi quelques chiffres économiques qui laissaient à penser que l’économie n’allait pas forcément mieux, mais qu’en tous les cas, c’était pas pire que la semaine dernière. Ce qui, en soit, est déjà une bonne nouvelle étant donné notre capacité à trouver le bon là où il n’y en n’a pas. D’ailleurs cette aptitude à voir le verre plus qu’à moitié plein me fait penser que si l’on donnait du crottin de cheval à manger au marché actuellement, il trouverait encore moyen de trouver ça chouette parce que c’est bio.

Alors ne vous méprenez pas ; cela me remplit de joie de voir le Nasdaq au plus haut de tous les temps et rien qu’à l’idée de savoir que Jeff Bezos pourrait s’acheter 308’000 Ferrari Stradale ou que pour dépenser sa fortune en un an, il devrait claquer 450 millions par jour, me fait vibrer d’excitation. Mais je trouve juste un peu « limite » que pour faire monter le marché on se raccroche à des trucs qui n’existent pas ou à des interprétations des chiffres qui ne veulent juste plus rien dire. Enfin, c’est comme ça et l’on n’y pourra rien changer. Il est vrai que depuis que l’on a admis que la FED pourrait même se mettre à acheter des actions directement en bourse, il n’y a plus trop de questions à se poser. On va partir du principe que Powell va autoriser des mouvements « naturels de 4 ou 5% avant d’intervenir et la vie est belle. Si l’on en croit cette belle théorie, y a plus qu’à acheter sur chaque faiblesse – pour autant que ça existe encore – et ensuite attendre trois jours pour tout revendre à la FED elle-même.

Dire que ça fera 33 ans au mois de septembre que j’ai mis les pieds dans le monde merveilleux de la banque et de la finance, que pendant tout ce temps j’ai cherché la formule magique qui permet de gagner à tous les coups en bourse et il aura suffi que la FED invente le portemonnaie sans fond pour que les marchés ne puissent tout simplement plus baisser. Enfin, sauf Wirecard. Aujourd’hui nous ne sommes plus très loin du marché parfait, il vous suffit de faire une IPO de raconter que vous allez vendre un produit génial – peut-être dans deux ans (un peu comme Nikola) et ensuite vous laissez la capitalisation de votre boîte monter à plusieurs milliards et si par hasard votre projet fonctionne, vous êtes Elon Musk et à partir de là vous avez le droit de faire toutes les pires conneries de la terre, tout le monde trouvera ça « cool » et si votre projet n’aboutit pas, il vous suffira de revendre vos actions à la FED qui sera toujours là pour acheter le marché. Elle est pas belle la vie ??? 33 ans d’attente pour se rendre compte que la solution était juste à côté, la FED, une bonne pandémie et on ne baissera plus jamais.

En Asie aussi

Pendant que je me perds dans les méandres de la perfection du monde dans lequel nous vivons et qu’Obama s’emballe sur internet et espère que « le peuple américain va se soulever pour barrer la route à Trump et élire son abruti de Vice-Président » – lui qui n’osait même pas le sortir de la limousine à l’époque, tellement il était con, il est rassurant de voir que même Obama qui a été érigé au rang de Dieu pour certains est capable de raconter n’importe quoi au nom de la politique. Bon, au moins lui il ne fait des pistes cyclables à tous les coins de rues. Finalement, on a les politiciens qu’on mérite.

Bref, donc pendant que je me perds dans mes pensées, l’Asie trouve également très cool que le Trade Deal soit toujours en place et peine à maitriser son excitation. Un peu comme moi ce matin. Le Nikkei est en hausse de 0.01%, le Hang Seng explose de 0.06% et la Chine s’emballe à la hausse en affichant une performance journalière de presque 0.15%. ça monte tellement vite et fort que le manque d’oxygène se fait sentir et on en a les larmes aux yeux. Pour voir un truc qui monte vraiment, ce matin on peut se concentrer sur l’or qui frise les 1785$ et qui, techniquement est au bord de la rupture haussière. Est-ce que cette fois ça serait la bonne ? Je peine à garder mon calme, si une fois dans ma vie je pouvais  voir le métal jaune à 2’000$, ça me ferait tellement plaisir. Enfin, ça me ferait surtout plaisir pour toutes ces personnes qui le prédisent depuis que je fais ou que j’essaie de faire de la finance.

Nouvelles of ze day

En ce qui concerne les nouvelles du jour, en dehors du fait que l’on est au firmament de nos vies tellement tout va bien, que le pétrole est repassé au-dessus des 40$ et que le S&P500 vient de buter pour la quatrième fois de suite sur la résistance des 3150, il faudra aussi retenir que Fauci continue à réclamer plus de tests et estime que les deux prochaines semaines seront cruciales pour la destinée du virus et des USA. Pas forcément l’avis de son patron, mais ça on a l’habitude. Il y a aussi Kim Jong Truc qui tente de se racheter une conduite en décidant d’arrêter d’agresser militairement la Corée du Sud. Les experts estiment qu’il pourrait probablement être en lice pour le prochain prix Nobel de la Paix. Après tout, Obama l’a eu comme Président des Etats-Unis alors qu’il était en guerre dans la moitié du Moyen Orient, comme quoi tout est possible.

En plus du prix Nobel pour Kim Jong, il y a aussi le FT et les autres qui reviennent sur l’arrestation du patron de Wirecard, qui pourra sortir moyennant une caution de 5 millions. Les journaux reviennent aussi sur la mystérieuse disparition de ces 1.9 milliards, vu que personne ne semble même capable de savoir s’ils ont vraiment existé un jour. En tous les cas, si l’argent ne réapparaît pas d’ici la fin de la semaine, les experts à Miami se demandent comment la société allemande va pouvoir faire face à ses échéances de paiements. Le spectre de la faillite semble de plus en plus insistant.

Le FT revient également sur le fabuleux engouement lié à l’application de traçage COVID19 qui est disponible depuis 3 semaines en France. Depuis la mise à disposition, 70 personnes ont reporté des cas de contamination. Oui, vous avez bien lu, 70 personnes. On sent tout de suite que le Français a vraiment envie de jouer le jeu. Ou alors est-ce qu’ils ont trop confiance en leur bien-aimé Roi, la question reste posée.

Sur CNBC on soulève un nouveau lièvre. Alors que la fin du semestre approche, on commence à penser que, pour des raisons fiscales, bien des fonds pourraient être amenés à « locker » les énormes gains de ces derniers mois – puisque TOUT LE MONDE A EVIDEMMENT acheté au plus bas le 23 mars – et tout investir en obligations. SI cela venait à se produire – ce qui est à peu près aussi probable que la théorie du complot – cela représenterait entre 35 milliards et 76 milliards. On voit que la précision est optimale en ce moment, mais il paraît que cela dépendra si Jeff Bezos prend une partie de ses profits ou pas. Oui, je plaisante. Dans le cas où ces 76 milliards viendraient tous à la vente le 30 juin à 15h30 heure de New York, le marché pourrait baisser et ça sera l’occasion d’acheter puisque comme tout le monde le sait, le marché ne peut pas baisser plus de trois jours par décret de Jerome Powell. Et puis c’est pas grave, parce que comme selon Mnuchin le gouvernement bosse sur un nouveau plan de soutien à l’économie qui est prévu pour début juillet, autant utiliser le chèque pour réinvestir dans le marché la première semaine du second semestre, ou la première semaine du troisième trimestre…qui sont sauf erreur, les mêmes.

Je ne vais pas vous faire perdre du temps avec les chiffres économiques de la journée puisque s’ils sont mauvais nous considèrerons que ça aurait pu être pire et que c’est donc moins pire et que donc ; c’est une « putain de bonne nouvelle ». Et s’ils sont meilleurs que les attentes, je ne vous dis même pas comment on va finir la journée avec la cravate autour de la tête… Pour le moment les futures sont en hausse de 0.20% – parce que quand même : c’est rassurant que la FED soit là et que le Trade Deal soit toujours en place. Garçon ! La tournée de champagne c’est pour moi !

Nous on se revoit demain. Pour parler de la FED, de la Chine et de Kim Jong Un qui est quand même trop gentil. Belle journée à tous.

Thomas Veillet

Investir.ch

« Quand on voit ce qu’on voit, qu’on entend ce qu’on entend, on a bien raison de penser ce qu’on pense. »

 

Coluche