Un de mes métiers, c’est d’observer les marchés avec « un peu de recul » et d’essayer d’analyser ce qui s’y passe. Sans prétention aucune, bien sûr, parce qu’analyser un truc pareil, c’est essayer de faire démarrer une fusée pour aller sur la lune avec un jerrycan d’essence et un casque de vélo. Mais ce qui me fascine le plus ces dernières années, c’est cette capacité qu’à le marché à fonctionner par vague et par groupe. Je m’explique. Aujourd’hui, avec l’avènement de l’âge de l’ultra-information, nous sommes tous au courant de tout, tout le temps. À moins que vous soyez à plus de 30 mètres de votre smartphone adoré pendant plus de 12 secondes par jour. Auquel cas vous pourriez sûrement rater des choses, mais de nos jours, les gens qui se séparent de leurs smartphones n’existent pas puisque leur vie en dépend. Quoi qu’il en soit, nous sommes dans une vie de surinformation et sauf si vous avez le même réseau que là où j’habite, on ne rate pas grand-chose de ce qui se passe dans le monde merveilleux et adorable de la finance. Ce qui fait que, du coup, tout le monde fait la même chose au même moment pour les mêmes raisons. Bon, bien sûr, il y a toujours des gens qui sont mieux informés et plus égaux que les autres, mais globalement, dorénavant il nous suffit d’une bonne information pour prendre une décision d’investissement pour les 12 prochaines minutes. Oui, parce que j’ai oublié de vous dire, avec l’avènement de l’information, tout le monde a commencé à se dire que la décision d’investissement qu’ils vont prendre dans les minutes qui suivent, va être LA décision qui va déterminer leur bien être financier pour les 50 prochaines années. Ensuite, 13 minutes plus tard, le cycle et le cirque recommence et on oublie ce qu’on avait pensé avant, on fait control-alt-delete et on recommence encore et encore. Hier, on a tous décidé de tout vendre pour bien faire comprendre à ces foutus politiciens que s’ils ne nous filent pas un stimulus très bientôt, on pourrait se refaire un mois de mars en septembre. Pendant un moment, durant la séance, je crois bien que j’ai entendu un trader qui scandait « Stock Market Live Matter » - de là à dire qu’il s’adressait aux politiques, il n’y a qu’un pas.

L’Audio du 24 septembre 2020

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Les Européens se sont fait eu, encore une fois

La séance d’hier est encore une de ces séances où les Européens se font rouler dans la farine. Alors que l’Europe était encore ouverte, Jerome Powell a témoigné devant une bande de clowns politiques pour la troisième fois de la semaine. Et pour la troisième fois de la semaine, il a dit plus ou moins la même chose.

  • Oui, l’économie a de la peine à redémarrer
  • Oui, les taux vont rester bas – pour ne pas dire à zéro – pour plusieurs années
  • Oui, ça serait bien que les politiciens mettent leurs différents et leur putain d’élection de côté pour trouver une solution du type « Stimulus » sans ne penser qu’à eux
  • Oui, quand on ferme à moitié un pays que l’on met 40 millions de personnes au chômage, on crée ensuite une grosse incertitude et les gens ont moyennement envie de consommer et de sortir, ce qui a tendance à créer une incertitude dans la vie de tout un chacun, mais aussi dans l’économie.

Comme ça fait trois fois qu’il leur explique, on peut RAISONNABLEMENT espérer qu’ils avaient des piles dans leurs sonotones et qu’ils ont FINALEMENT compris quelque chose. Dans cette réflexion plus ou moins logique, les Européens se sont dit qu’il y avait mathématiquement plus de chance que la date d’un nouveau stimulus se rapproche, plus qu’elle ne s’éloigne. Ce qui semble assez logique, puisque l’on a fait plein de progrès technologiques, mais le voyage dans le passé ne fait partie de la liste. Depuis Doc Emmett Brown et Marty McFly, cela fait bien longtemps que l’on n’est plus retourné en arrière. Il y a bien deux-trois personnes qui vivent dans le passé, mais ça n’a rien à voir.

Donc, dans cet espoir de voir arriver un stimulus un jour prochain – et bien que n’ayant aucune idée de l’espace-temps qui nous sépare de ce « jour prochain », les marchés européens ont terminé en hausse. Et c’est alors que la machine américaine s’est mise en route.

Tout cru, patate crue

Une fois que les Américains eurent la certitude que les Européens avaient plié bagages et étaient bien rentrés chez eux ou, au pire étaient dans le métro à regarder suspicieusement leur voisin qui menaçait de leur cracher la peste bubonique dessus, les intervenants américains ont donc repris les mêmes informations qui avaient fait monter l’Europe et les ont interprétées dans l’autre sens. Suite au discours de Powell, ils se sont dit que ça ne changerait rien et que de toutes façons les politiques dormaient pendant son discours et que personne ne l’avait écouté. Que le Stimulus viendrait, mais plutôt dans 14 mois quand ils auront fini de recompter les votes de la Floride pour la 814ème fois afin de savoir qui sera le nouveau Président des Etats-Unis ; le con ou l’idiot. Ils se sont aussi dit que l’économie n’allait pas bien. Que le COVID pesait sur l’économie et que le fait que les Anglais allaient reboucler le pays foutait les jetons parce que, du coup, on pourrait reconfiner aussi aux States – possibilité que Trump a clairement mis de côté mais que personne n’a écouté à Wall Street.

En résumé, on a tout vendu, surtout ce qui sert à mettre la pression sur le marché. Les grosses technos se sont toutes faites exploser à coup de 4%, Tesla a pris 10% dans les pneus après que l’ensemble de la communauté des experts en Tesla (dont ma femme de ménage et mon coiffeur) aient estimé que les annonces faites durant le Battery Day étaient cool, mais que ça ne nous servait strictement à rien puisque l’on parle d’un truc de dans deux ans seulement. La réaction est assez marrante, parce que l’on valorise Tesla avec ses revenus de dans dix ans depuis des mois, mais on ne veut pas intégrer un truc qui va arriver dans deux ans – enfin qui arrivera si l’on n’est pas tous morts du COVID ou de la grippe aviaire. Voir de la grippe tout court.

Graphique du Nasdaq 100 – Source : Tradingview.com

En gros, Wall Street s’est attaché une ceinture d’explosif autour de la taille et ont prévenu Washington : « SI VOUS NE NOUS DONNEZ PAS UN STIMULUS TRES VITE, ON SE FAIT SAUTER » et ils ont ajouté « dieu est grand », parce que la version arabe est moyennement populaire à Wall Street. Oui, le marché s’est pété la figure et après le semblant de rebond qui avait l’air solide hier, les charts sont à nouveau à vomir, mais j’ai sincèrement l’impression que ce dernier sell-off en date est plutôt un appel du pied de la part de la finance qui est en train de dire : « On est monté jusque-là à cause du stimulus, là on y a pris goût, il faut nous refiler de la came encore sinon on va rentrer en état de manque et ça ne va pas être beau à voir ». Le message est passé, reste à voir si Républicains et Démocrates sont prêts à l’entendre et à surtout ; à s’entendre.

L’Asie et le reste

Ce matin l’Asie n’a pas trop aimé la soirée à New York et tout est en mode « laissez- moi passer je veux tout vendre et partir en quarantaine ». Le Nikkei plonge de 0.6%, le Hang Seng se rétame de 1.6% et la Chine abandonne 1.2%. L’ambiance n’est pas top et même l’or se fait démonter la face.

Il faut tout de même le noter parce que ça fait deux-trois fois que l’on casse les 1900$ en descendant mais qu’à chaque fois, on remonte parce que les maniaques des 4’000$ reviennent à la charge. Mais hier ça n’aura pas suffi. Hier l’or est resté sous l’eau toute la journée et il ne veut pas refaire surface. Là tout de suite, il est à 1863$ et dans cet environnement ou l’économie ne repart pas et où tout le monde est en train de vomir sur les banques parce qu’elles ont mal agi (comme tous les 5-6 ans en gros), on aurait pu se dire qu’il y avait de quoi faire pour que l’or remonte et vienne nous offrir réconfort et sérénité pendant que la police cantonale surveillait le fait que l’on ne brise pas la quarantaine et que l’on reste bien enfermé chez nous. Mais rien n’y fait. Visiblement, sans stimulus, tout baisse et tout baissera. C’est aussi le cas du pétrole qui repasse sous les 40$.

News du jour , le retour du COVID

Si vous lisez régulièrement cette chronique, vous devez vous souvenir qu’au cœur de la crise du COVID, je parlais du nombre d’articles liés à la pandémie qui apparaissaient en première page des journaux. Et bien aujourd’hui ça recommence. L’Angleterre au bord du lock-down général à cause du COVID, le COVID par-ci, le COVID par-là, nous sommes presque revenus comme pendant le confinement, sauf que l’on n’est pas en confinement. Ce qui ne saurait tarder dans certains pays, vu que plus ça va, plus nous sommes interdits de mourir. Je ne suis pas loin de penser que dans quelques semaines, ceux qui décèderont du COVID se verront retirer leur permis de conduire. La panique semble revenir à son top alors qu’il y a de moins en moins de morts, les gouvernements tiennent absolument à garder le contrôle. Pourtant personne ne communique sur les morts qui sont morts d’autre chose. On dirait que ça n’existe plus. On ne meurt que du COVID, le mec qui se fait shooter par un camion, si à l’autopsie on voit qu’il est positif, c’est le COVID qui a l’a tué, pas le camion.

Tout ça pour dire que ce matin, ce bon vieux COVID est de retour un peu partout dans les médias et on se dit qu’un bon vieux stimulus le ferait peut-être disparaître. Pour le reste, Johnson & Johnson se lance dans la phase 3 de leur vaccin. C’est une bonne nouvelle, mais ça ne vaut pas un bon stimulus. La France double le congé paternité, mais ça ne vaut pas un bon stimulus. La France classe ses région avec plein de nouvelles couleurs comme rouge, super-rouge et écarlate. Du coup dans certaines régions on sait que l’on peut plus facilement être contaminé et donc être mis en quarantaine et comme le Sud de la France est fermé, on sait que l’OM n’est pas près de rebattre le PSG, mais ça ne vaut pas un bon stimulus. Et puis l’économiste américains Stephen Roach prévient que le dollar va se péter la figure et qu’il y a plus de 50% de chance de voir un « double dip » dans la récession – encore une bonne raison pour un bon stimulus.

Pendant que l’on fait des incantations et que l’on s’apprête à sacrifier un agneau vivant pour que le gouvernement comprenne notre besoin de stimulus, on notera aussi que les IPO’s continuent de cartonner comme si ça ne coûtait rien. Hier nous avons eu Laird Superfoods qui fait de la bouffe saine en sachets – Jean-Pierre Coffe appréciera depuis là-haut – Laird Superfoods a pris 85% pendant que Bentley Systems et GoodRX prenaient tous les deux 52%. Bentley fait des softwares pour les infrastructures et GoodRX fait des coupons de réduction pour les médicaments…. Je ne crois même pas ce que je viens d’écrire. Bon, en gros on se fout pas mal de savoir ce qu’ils font, ce qui est important de comprendre, c’est qu’ils viennent en IPO. Et les IPO’s, c’est trop cool. Tu deviens riche sans rien faire et ça, ça ne finit jamais mal – ou alors une fois tous les 20 ans, au maximum.

Chiffres économiques

Aujourd’hui, c’est la journée du Manufacturing Pmi qui sortira un peu partout dans le monde, il y aura aussi le climat de consommation en Allemagne et Powell qui témoignera ENCORE, probablement devant la sous-commission de l’agriculture dévolue au Quinoa en Idaho de l’Ouest, puisque visiblement ce mois il a décidé de témoigner devant tout le monde et qu’ensuite le marché en aura à CHAQUE FOIS, une interprétation différente. Alors attachez vos ceintures, ça peut aller en haut et en bas la même chose.

Je crois que c’est tout ce qu’il y avait à dire aujourd’hui. Je vous retrouve dans 2 heures sur Morningbull Live en vidéo et presque en direct et pour le reste, je vous dis : à demain, si vous le voulez bien et passez une très belle journée.

Morningbull Live du jour :

Thomas Veillet

Investir.ch

« On ne peut pas être et avoir été ! Ce n’est pas tout à fait vrai… J’ai connu des mecs cons qui le sont toujours. »

  • Pierre Doris