Oui, bon, je sais bien que le problème du COVID 19 n’est pas réglé ce soir et que le fait que Pfizer et BioNTech aient déclaré que leur vaccin était efficace à 90% ne résout pas le problème que, pour l’instant le vaccin en question n’est pas encore disponible – en tous cas pas au commun des mortels – mais à voir comment le marché a réagi hier, il était bien trop tentant d’utiliser le titre «Dans la jungle, terrible jungle, le COVID est mort ce soir » - le COVID n’est donc pas MORT ce soir, mais si ce premier vaccin – une fois qu’il sera approuvé, distribué et injecté à un grand nombre de personnes (volontaires ou pas), cela devrait normalement arranger les chose. Je dis bien normalement. Parce que je n’ai pas encore terminé mon diplôme d’épidémiologiste sur Facebook, alors je ne vais pas non plus m’avancer, mais disons qu’à voir comment le marché a disjoncté hier, ça à l’air d’être plutôt une bonne nouvelle. Le bilan de la journée d’hier est donc tout simplement faramineux. Il est vraiment difficile de trouver des superlatifs ce matin, mais ce fût spectaculaire et des records sont tombés et pourtant quand on regarde la tronche du S&P500, ça fout les jetons tellement on est monté haut, avant de finir presque au fond du trou. Et quand on voit que le CAC40 a pris 7.5% sur la séance d’hier, on se demande presque si Pfizer et BioNTech n’ont pas signé un accord de distribution uniquement en France, pour que l’indice à Macron monte aussi haut et aussi vite. Quoi qu’il en soit, je peux dire que ça fait près de 30 ans que je fais « ce métier » et je dois dire que là tout de suite, j’aurais de la peine à décrire ce à quoi je viens d’assister. Cette année est complètement débile et visiblement, je ne suis même pas sûr qu’elle a fini de nous surprendre.

L’Audio du 10 novembre 2020

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Tout est réglé, retour à la normale

La nouvelle de la journée était donc censée être la victoire de Biden et le fait que, finalement, Dieu était descendu sur Terre pour réunifier l’Amérique et qu’à force de dire « God Bless America » à la fin de chaque discours, ça avait fonctionné. Et puis tout d’un coup, à l’heure du lunch, Pfizer et BioNTech ont donc annoncé que les données de leur vaccin donnaient un taux d’efficacité de 90% après deux injections et 28 jours. Par contre, on ne sait pas quand, ni où ce vaccin sera disponible, ni même quand est-ce que la FDA prendra le temps de regarder les documents et de l’autoriser. On sait évidemment que ça devrait aller vite, mais mis à part le fait que « ça marche », on ne sait pas grand-chose de plus. Ben c’est pas grave, ça a largement suffit aux intervenants pour tout faire péter. Jamais je n’avais vu une explosion pareille et pour une fois c’était bien plus spectaculaire en Europe et quand je vois le « reversal » que l’on a fait hier soir aux USA et le fait que les futures américains sont exactement au même endroit qu’ils étaient hier matin AVANT l’annonce, je me demande ce qui va se passer en Europe ce matin, mais j’ai peur.

Mais peu importe, hier c’était du délire pur, plus aucune rationalité, plus aucun fondamental, on a eu l’impression qu’en plus du vaccin, les deux sociétés pharmaceutiques allaient également donner 3’000$ et un job à chaque personne vaccinée et qu’en plus, Biden avait annoncé un plan de soutien de 10’000 milliards de dollars à l’économie américaine et qu’en plus, il allait aussi « donner » 10’000 milliards à l’Europe pour qu’ils viennent consommer chez eux. En tous les cas, tout le monde merveilleux de l’investissement a parié sur le fait que l’on allait tous ressortir de nos terriers, que le confinement en Europe c’était fini demain, que l’on pouvait recommencer à voyager demain et que le premier truc qu’on allait faire c’était acheter une douzaine de billets d’avion pour n’importe où dans le monde, tellement de billets d’avion que les compagnies aériennes allaient devoir engager des pilotes tout de suite, genre demain matin et dans la foulée, acheter de nouveaux avions. C’est ce qui explique probablement l’explosion des compagnies aériennes et d’Airbus – Airbus qui terminait quand même en hausse de 18% hier soir – avec un bref passage sur les 30% de hausse « INTRADAY ». C’était pareil pour les banques qui ont littéralement disjoncté à la hausse pour une raison qui reste mystérieuse et puis tout le monde s’est jeté sur le secteur pétrolier, vu que tout le monde va voyager et acheter des voitures – surtout pas électriques les voitures – et puis on s’est dit qu’il fallait récupérer les boîtes qui avait trop souffert de cette crise qui semblait s’être terminée hier à midi, donc on a racheté tout ce qui s’était fait défoncer.

Le seau d’eau glacée de Biden

Alors que l’Europe était en plein délire hier, les USA donnaient l’impression de vouloir suivre le mouvement – et c’est plus ou moins ce qu’ils ont fait – à l’ouverture. Dès les premiers échanges, les traders ont commencé à tirer à vue sur tous les secteurs « home office » – oui, puisque tout ça c’est terminé et que comme dès ce week-end on repart en avion pour aller à la plage, autant prendre les profits – dénotant encore une fois d’une vision à long terme – long terme signifiant plus de 12 minutes en termes boursiers – de la part des traders. Zoom s’est donc fait laminer de près de 20% – puisque dès ce matin tout le monde va se précipiter en meeting à 60 dans 12 mètres carrés et SANS MASQUE, bien sûr. Peloton s’est pris la même claque en plein figure, puisque tout le monde est retourné au fitness hier soir et le vélo d’intérieur est redevenu instantanément un porte-manteau. Pour le reste ; comme en Europe, le pétrole c’est trop cool, les voyages c’est chouette et on a presque oublié le fait que les Américains ont passé encore une fois les 100’000 nouveaux cas. Mais on s’en fout vaccin il y aura.

Le S&P500 est donc monté à 3675, pulvérisant les plus hauts de tous les temps, tout comme le Dow Jones – le Nasdaq était un peu moins euphorique, puisque l’on se souvenait que les Big Techs avaient été les gros bénéficiaires de la pandémie, logiquement, dans l’autre sens, ça ne devrait pas être aussi facile. Réflexion assez basique il faut le reconnaître, mais hier on n’était vraiment pas dans la recherche fondamentale, mais plutôt dans le trading épidermique sous anabolisants. Et puis le Président élu a parlé. Et là tout de suite, on pouvait déjà dire qu’on aurait préféré qu’il la ferme et ça risque de ne pas être la dernière fois. Biden a donc tempéré la joie du vaccin en disant que ça prendrait des mois avant qu’il soit disponible – foutant en l’air les plans pour le week-end du même coup – et il a ajouté : avant toute aube, il y a une nuit noire…et en demandant à tout le monde de porter son masque en masse. Bref, la guerre du COVID n’est pas finie et le S&P s’est dégonflé pour finir en-dessous des plus hauts historiques du mois de septembre et ceux qui regardent les graphiques avec des Candlesticks comprendront ce que je veux dire quand je dis que ça donne envie de vomir, surtout quand on voit que les futures sont déjà en baisse ce matin et que l’Asie est péniblement en hausse, Le REVERSAL était impressionnant hier soir et on a bien compris qu’il ne fallait pas imaginer que la guerre contre le COVID s’était terminée hier soir – que le combat serait encore long (c’est le Messie qui l’a dit) et qu’il ne fallait pas croire que les bars, les restos et les boîtes de nuit allaient rouvrir comme ça ce week-end.

Laisser la poussière retomber

En tous les cas, ce matin c’est « gueule de bois » pour tout le monde et on se demande bien ce que l’on a pu faire hier. Les indices devraient ouvrir en baisse et on ne sait même plus pourquoi on a acheté hier. La plupart des médias font un « appel à la prudence » à l’image de ce qu’a dit Biden et on vient de comprendre que ce n’est pas l’arrivée d’un éventuel vaccin qui va régler tous nos problèmes. En gros, on est de retour à la case départ et ceux qui ont réservé des billets d’avion pour le week-end pour aller à Paris ou à Barcelone, laissez tomber, le confinement est toujours d’actualité et il ne faut pas croire qu’un vaccin de rien du tout va changer la face du monde. En gros, on est nettement moins excité qu’hier à midi.

Tout le monde est donc plus ou moins positif sur ce qui vient de se passer hier, mais là tout de suite, on a l’impression que l’on s’est un poil emballé et qu’il faut peut-être savoir raison garder et construire sur le long terme – à savoir un peu plus que 12 minutes et que les vacances à l’autre bout du monde, ça sera peut-être un peu plus tard. Voir beaucoup plus tard. Ce matin les nouvelles du jour tournent toutes sans exception autour du vaccin et de ses conséquences sur le marché – en gros, c’était une bonne nouvelle mais on l’a un peu trop prise pour une révolution immédiate et n’est pas Steve Jobs qui veut. Il va donc falloir attendre un peu que la poussière retombe avant de voir ce que ça va donner ces prochains jours.

Chiffres du jour

Aujourd’hui, il y aura le ZEW en Allemagne et les JOLTS aux USA et on continue la publication des chiffres du trimestre qui sont de moins en moins nombreux, mais toujours aussi spectaculaires – hier il y a eu Beyond Meat qui publié un trimestre « décevant à cause du COVID » et le titre a perdu 22% after close –  même les perspectives du vaccin n’y ont rien fait – un peu comme si dès que l’on pourra revivre normalement – être végan ne sera pas la priorité immédiate. Le pétrole va dans tous les sens et ce matin il est à 39.73$ et l’or n’est plus une valeur refuge, vu que depuis hier on sait que l’on va s’en sortir, mais on ne sait juste pas QUAND. Le métal jaune est à 1880$.

En attendant que la poussière retombe, je vous souhaite une excellente journée et on se retrouve demain !

Morningbull Live 10.11.2020

Thomas Veillet

Investir.ch

“In the past 10,000 years, humans have devised roughly 100,000 religions based on roughly 2,500 gods. So the only difference between myself and the believers is that I am skeptical of 2,500 gods whereas they are skeptical of 2,499 gods. We’re only one God away from total agreement.”

– Michael Shermer