C’est une visite qui fait figure de symbole d’une nouvelle étape diplomatique majeure pour le Royaume Chérifien, mais pas uniquement, car elle revêt des aspects économiques substantiels pour l’Afrique du Nord dans son ensemble. En effet, l’arrivée le 22 décembre dernier à Rabat d’une délégation de haut niveau conduite par le conseiller spécial du Président américain, Jared Kushner, accompagné de Meir Ben-Shabbat, Conseiller à la sécurité Nationale d’Israël ouvre la voie pour le Maroc afin que ce dernier puisse porter son développement et son attractivité au niveau supérieur. Revue de détail.

Le Sahara désormais «open for US business»

Le déplacement de la délégation de haut niveau fait suite à ce qui est considéré comme un «tournant» dans la question du Sahara Occidental, suite à l’annonce par les États-Unis le 10 décembre dernier de la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur ce territoire qui fait l’objet d’un différend avec le mouvement de guérilla Front Polisario – soutenu par l’Algérie voisine – depuis près de quarante ans. Dans la foulée, l’Amérique a notifié le conseil de sécurité de l’ONU de sa décision et les cartes officielles marocaines ont toutes été modifiée par l’administration US pour inclure le Sahara comme partie intégrante du Royaume Chérifien.

Conflit de basse intensité, enlisé par de nombreuses tentatives de médiation infructueuses sous l’égide de l’ONU, le dossier du Sahara a fait l’objet d’une proposition de «large autonomie» par Rabat en 2007, qualifiée de «sérieuse et crédible» à de nombreuses reprises par l’Instance Onusienne. Le Front Polisario a rejeté cette initiative, demandant à ce que l’indépendance reste une option sur la table.

Au-delà de cela, Washington a joint les paroles aux actes en annonçant l’ouverture prochaine d’un consulat américain dans la ville de Dakhla, située au Sahara, signifiant par là même que tous les investissements internationaux ne sont désormais plus exposés à de quelconques sanctions éventuelles.

De plus, lors de la visite à Rabat, où la délégation de haut niveau a été reçue par le Roi Mohammed VI au palais Royal, un engagement américain d’investir près de 3 milliards de dollars US sur quatre ans dans des projets privés a été signé entre le PDG de la US International Development Finance Corporation (DFC) et président exécutif de Prosper Africa, Adam Boehler et Mohamed Benchaaboune, ministre des finances marocain. Au terme de cet accord, le bras armé financier américain doit faire du Maroc son «Hub» pour l’Afrique du Nord.

Une réactivation des relations diplomatiques avec Israël, le Maroc attaché à la solution de «deux Etats»

En parallèle, la visite de la délégation de haut niveau a vu la signature d’un accord tripartite entre le Maroc, les États-Unis et Israël, réactivant ainsi les relations diplomatiques entre Rabat et Tel-Aviv, interrompues depuis 2002. Il convient de souligner à cet égard que le Maroc constitue un pays à part dans le Monde Arabe, puisque pas moins de 700’000 juifs marocains vivent en Israël et que le Royaume Chérifien reconnait dans sa constitution ses affluents juifs. La communauté juive marocaine vivant encore au Maroc bénéficie à ce titre de la reconnaissance de ses spécificités à travers ses propres tribunaux rabbiniques ainsi que la liberté de culte.

Si l’accord signé entre les parties réactive les mécanismes diplomatiques et de coopération, avec notamment l’ouverture de lignes aériennes directes entre les deux pays, Rabat a insisté sur son attachement à la solution «à deux Etats», avec une place particulière accordée à Jérusalem, dont l’organe de préservation, l’institution «Al Quds», est dirigée par le souverain chérifien Mohammed VI. Au terme de cet accord, les juifs marocains résidents en Israël pourront revenir sur leur terre d’origine pour effectuer le pèlerinage, faire du tourisme, ou investir dans un certain nombre de secteurs porteurs.

Un pays stable sur le plan institutionnel et macro-économique

Le Maroc présente pour l’Amérique mais également pour Israël de nombreux atouts comme hub régional d’investissement, notamment en direction de l’Afrique. En effet, le Royaume jouit de la stabilité institutionnelle et macro-économique dans une Afrique du Nord qui a connu une dernière décennie mouvementée, et le pays s’impose peu à peu comme une plateforme industrielle d’envergure, produisant pas moins de 700’000 véhicules par an et accueillant l’écosystème du géant américain Boeing. En outre, le pays a déployé une stratégie «verte» substantielle, abritant la plus grande station solaire d’Afrique au sud du pays et poursuivant une stratégie de mix-énergétique qui doit réduire drastiquement ses émissions carbone à horizon 2025. Enfin, le pays jouit d’une excellente infrastructure et exploite depuis quelques années la première ligne ferroviaire à grande vitesse entre Tanger et Casablanca.