Les administrations Démocrates recourent volontiers à de fortes personnalités, issues du privé, pour restructurer les secteurs en détresse. En 2009, Obama avait nommé S. Rattner à la tête de la Task Force présidentielle chargée du sauvetage de l’industrie automobile du pays. S. Rattner avait précédemment fait une brillante carrière dans le journalisme, la banque d’affaires et le Private Equity avant d’aider Bill Clinton dans les années 90. On rappellera que GM et Chrysler étaient pratiquement en faillite. Durant le sauvetage du secteur, il fut surnommé le “Car Czar”.
Un nouveau Zorro arrive!
J. Biden procède de la même manière avec la nomination de G. Gensler, 63 ans. GG a passé l’essentiel de sa carrière dans le secteur des services financiers. Il a aussi enseigné à la Sloan School of Management du MIT. Ses recherches ont porté sur la technologie blockchain, les monnaies numériques, la technologie financière et les politiques publiques. Il a été un critique virulent de la prise de risque financière excessive. En tant que président de la CFTC, il a notamment mis en place la surveillance du marché à terme de l’après-crise financière, puis mis un terme aux manipulations du LIBOR.
GG vient d’être confirmé par le Sénat la semaine dernière comme nouveau président de la SEC. Son agenda est déjà aussi long que le bras. On lui pressent de vouloir mettre rapidement un frein à la prolifération de nouveaux produits d’investissement, de revoir les règles concernant les plateformes de négociation en ligne, la facilité d’accès aux opérations sur options et de canaliser l’influence des médias sociaux sur le marché boursier. Dans une interview accordée à Bloomberg en octobre dernier, il avait déclaré que la technologie blockchain – dont l’application la plus notable est le Bitcoin – est un game-changer. Pour lui, cette technologie et les cryptomonnaies doivent être réglementées soit par la SEC, soit par la CFTC. Les cryptomonnaies pourraient être classées comme valeurs mobilières, sous la responsabilité réglementaire de la SEC… Vaste projet!
Sous Obama, Rattner avait restructuré le secteur automobile, trouvé un compromis entre implication de l’État et utilisation des deniers publics, puis orchestré le retour des sociétés dans le secteur privé. En un temps record.
Gensler, lui, est considéré comme un régulateur très compétent et agressif. Il pourrait engager une réforme ambitieuse de la réglementation actuelle, qui est manifestement insuffisante pour prévenir les accidents financiers dangereux. Le comportement spéculatif des investisseurs se propage. La dette sur marge exacerbe les gains des investisseurs, mais aussi leurs pertes. C’est un bon indicateur de l’appétit des investisseurs pour la prise de risques. Ces derniers temps, les chèques gouvernementaux et l’avidité ont contribué à la formation d’attentes élevées – irréalistes – notamment chez les petits investisseurs.
L’endettement sur marge dépasse les “trop fameux” pics de… 1999, 2008 et 2018
Les premiers signes d’instabilité financière et de fissures apparaissent. Ce n’est pas un hasard si trois grandes structures d’investissement, pourtant bien établies, ont implosé en 2021. Melvin, Greensill et Archegos, malgré leur taille, n’ont pas eu d’impact systémique. Pourtant, ils dépassent en volume le trou de LTCM qui, en 1998, avait obligé la Fed à organiser un sauvetage à 3,5 milliards de dollars. La débâcle d’Archegos, à elle seule, devrait approcher les 10 milliards de dollars.
Mais, “que fait la police” ?
En principe, la réglementation existe pour superviser l’effet de levier et la concentration. Mal adaptée. Notamment, les institutions sophistiquées, comme les hedge funds ou les family offices, y échappent largement. Malgré la grande rapidité et la facilité d’accès aux informations financières qui caractérisent notre époque, les banquiers et autres prime brokers continuent de prendre des risques effrayants. En effet, malgré son passé de financier véreux, M. Hwang (propriétaire d’Archegos) a accumulé un volume incroyable de produits dérivés (swaps), sans alerter les départements Risque et Conformité de plusieurs – très – grandes institutions financières!
D’ordinaire, personne ne se réjouit de l’augmentation de la réglementation. Elle effraye les investisseurs. Pourtant, la récente succession d’accidents financiers de grande ampleur préfigure l’instabilité du système financier.
On en conclut logiquement que:
- Il devient urgent de resserrer les règles de fonctionnement et conditions-cadres de certains segments des marchés financiers.
- Cela passera par une réglementation plus adaptée et plus moderne, ainsi que par l’élargissement du périmètre de surveillance de la SEC.
- Le changement de statut (classe d’actif ou monnaie) et de la fiscalité des cryptomonnaies privées, s’il se confirme, risque de provoquer des vagues et d’alimenter la une des journaux!
PS : on souhaite bonne chance au nouveau “SEC Czar”, il en aura besoin!
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