Nous sommes visiblement entrés dans une nouvelle ère de l’investissement. Depuis quelques jours il n’y a plus que des bonnes nouvelles et visiblement, ces bonnes nouvelles sont la porte ouverte à de mauvaises nouvelles qui vont arriver après, puisque tout le monde le sait : « Après le beau temps, la pluie ». Hier le ciel a déjà commencé à se couvrir, puisqu’on nous a touché là où ça fait le plus mal : sur les TAUX.

L’Audio du 5 mai 2021

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Tout est dans les prix

La phrase qui commence à être employée dans tous les sens en ce moment est probablement : « Oui, c’est une bonne nouvelle, mais c’est DANS LES PRIX ». Pour le non-initié ça ne veut peut-être pas dire grand-chose, mais pour ceux qui savent, les vrais professionnels de la finance, c’est une phrase culte que l’on a le droit d’utiliser quand on ne sait plus quoi dire et que l’on ne comprend plus pourquoi ça ne monte pas ou plus, malgré tous les subterfuges mis en place par nos bienveillantes autorités.

Petit rappel qui n’est peut-être pas nécessaire, mais rappel quand même : les taux à zéro sont là pour nous soutenir et l’argent gratuit facilite la croissance, les plans de soutiens économique sont là pour relancer l’économie post-pandémie – pour ceux qui sont déjà dans le cycle post-pandémie, il est donc assez difficile de ne pas y croire quand les présidents de banques centrales viennent vous dire tous les trois jours que ça va bien se passer, quand les Présidents tout court viennent vous dire que ça va bien se passer et qu’en plus les sociétés vous annonces des chiffres trimestriels stratosphériques et qu’en plus les vaccins miracles tombent du ciel comme si on connaissait la formule d’avance.

Toutes ces bonnes nouvelles que l’on a mises en place depuis de mois ont fonctionné et nous ont amené ici. Juste là où nous sommes. Au plus haut de tous les temps et ce, en pleine pandémie mondiale alors qu’il y a encore six mois on se disait qu’on allait tous mourir dévoré par un groupe de chauve-souris ou une meute de pangolins. Depuis des semaines on nous parle de recovery à tous les repas, dans toutes les conférences sur Zoom et même dans la presse people. Tout le monde avait les yeux rivés sur le recovery qui était en plus boosté et sous anabolisant grâce à la bienveillance de nos autorités qui ne lésinaient pas sur le marketing pour qu’on soit vraiment convaincu. Et l’on a vraiment été. Convaincu.

Sauf que là…

Sauf que là, tout d’un coup, on se pose des questions. On se demande si par le plus grand des hasards les presque 100% de rebond sur certains indices boursiers ne veulent pas dire que l’on a anticipé plein choses. Des choses comme « le recovery » justement. On s’interroge sur le fait que oui, certaines boîtes annoncent des chiffres et des résultats trimestriels fantastiques, mais n’avions-nous pas déjà tout anticipé ? Est-ce que finalement nous ne serions pas TELLEMENT doués que l’on avait tout vu venir et que soudainement, là tout de suite, on n’a plus vraiment de quoi se motiver ?

Non, parce que soyons honnêtes avec nous-mêmes ; le recovery, c’est dans les prix ! La croissance de la technologie ; c’est dans les prix ! Le recovery trade qui consiste à racheter tout ce qui va bénéficier du fait que l’on va commencer à ressortir, voyager, aller se bourrer la gueule à Barcelone le week-end, aller à l’hôtel et partir en croisière pour faire la queue pendant 15 jours avec quatre mille autres personnes ; C’EST DANS LES PRIX ! Les résultats fabuleux d’Apple qui a vendu bien plus d’iPhone et de Mac’s que prévu parce que les gens anticipaient finalement l’arrivée de la 5G ; c’est dans les prix depuis LONGTEMPS, parce qu’on le savait et que finalement on est devenu tellement forts en investissement, que même sans le savoir on le savait déjà.

Aujourd’hui, en lisant la presse financière, on a l’impression que tout est dans les prix et qu’il n’y a plus rien à attendre. Sauf sur les cryptos où l’on a passé une étape supérieure dans le domaine de l’investissement et de la performance, puisque l’on sait EXACTEMENT où va aller telle ou telle crypto, mais en PLUS on sait la date EXACTE à laquelle ce niveau sera atteint. Déjà la bourse, c’est facile, mais alors les cryptos, c’est même plus drôle tellement c’est simple. Et tellement on sait.

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui 5 mai 2021, non seulement on a le « SELL IN MAY AND GO AWAY » qui nous pèse sur les épaules, mais en plus on a l’impression que tout ce qui pouvait nous faire monter est déjà DANS LES PRIX parce qu’inconsciemment on le savait déjà, il faut dire qu’avec tout le talent que l’on a, ça n’est pas surprenant. Sauf que comme on n’a plus rien à anticiper, plus rien qui justifie que l’on achète, puisque TOUT est dans les prix, il ne nous reste plus que DEUX chose à faire :

  • Tout vendre
  • Acheter de l’Ethereum, puisqu’au moins lui on sait qu’il va à 5’000 vendredi et à 40’000 à Noël. Au moins ça c’est pas encore dans les prix. Même si on le sait déjà.

C’est qui le patron ? (ou la patronne)

Alors qu’hier nous avons passé notre journée à faire cette analyse, à propos de savoir si tout était dans les prix ou pas et que nous arrivions à la conclusion qu’effectivement nous avions déjà tout anticipé le bon et qu’il ne restait finalement plus qu’à que l’on puisse rouvrir vraiment les restos pour reprendre une vie normale. Nous étions également en pleine recherche d’une vraie justification pour vendre.

On sentait bien que depuis quelques jours c’était plus pareil. On avait des chiffres de folie qui étaient publiés, des indicateurs économiques qui donnaient l’impression que l’on était au début d’un nouveau cycle, comme si on rentrait de vacances après avoir fait 4 mois de thalasso, perdu 30 kilos et couru un marathon en moins de trois heures, mais pourtant, ça ne voulait plus monter. Et puis hier on a trouvé une excuse pour « vendre la tech » et regarder les « value stocks » comme si en acheter remplaçait les trois doses du vaccin Pfizer. L’excuse que l’on attendait pour vendre, c’est Madame Yellen qui a eu soudainement une absence et qui a oublié que son job c’était Secrétaire du Trésor et PLUS patronne de la FED.

Oups, I did it again !

Lors d’une interview, la première ligne d’attaque anti-récession de la stratégie de Joe Biden n’a rien trouvé de mieux que de dire qu’il se pourrait bien que les taux doivent monter pour freiner cette économie qui est en train de surchauffer. Comme déjà nous étions en train de nous convaincre que TOUT ÉTAIT DANS LES PRIX, en entendant Madame Yellen reprendre son job de patronne de la FED et menacer de monter les taux, il n’en fallait pas plus que l’on vive la pire journée de baisse du Nasdaq depuis…6 semaines. Par contre, on n’a pas eu de nouvelle de Monsieur Powell. La rumeur dit que Madame Yellen l’aurait kidnappé et qu’il est actuellement attaché et bâillonné à l’arrière d’une camionnette banalisée parquée dans une rue peu fréquentée de Washington.

Inutile de vous dire qu’on n’a pas trop aimé la substitution et surtout pas aimé l’alternance entre un Powell qui nous promet de ne pas monter les taux avant 2023 et la Secrétaire du Trésor qui AVAIT le job de Powell AVANT qui dit le contraire.

Bref, hier on n’a pas aimé et comme tout était dans les prix, on a tout vendu. Enfin, presque, parce que du coup c’est un peu moins tout dans les prix et ceci provoque l’interrogation et le doute.

Aujourd’hui et maintenant

Visiblement l’Asie prolonge encore le week-end et l’or ne fait rien, le pétrole est en hausse et dépasse les 66$ pour la première fois depuis longtemps. Il n’est visiblement pas encore au courant que la reprise économique est DÉJÀ dans les prix. Pour ce qui est des cryptos, c’est champagne et cotillons, le Dogecoin a pris 48%, l’Ethereum prend 20% par jour vu que tout le monde sait que le Bitcoin c’est HAS BEEN et qu’il se traine lamentablement à 55’000$ en attendant de monter à 100’000 pour Noël, comme prévu.

Pour les nouvelles du jour, on parle surtout de Yellen et de Ô combien c’est chouette quand elle se tait. Personne n’avait vu venir le coup de la hausse des taux et va falloir la digérer. On reparle donc de l’inflation, Jim Cramer en parle, BlackRock en parle. Chez Goldman et chez JP Morgan on en a plein le cul des meetings sur Zoom et on parle de retour au bureau pour les banquiers en juin ou en juillet, c’est ballot parce que c’est justement là qu’ils auraient pu profiter de l’été et des piscines dans les Hamptons et que du coup, va falloir y aller en hélico le vendredi soir. C’est trop dur.

Et puis autrement on parle de prises de bénéfices dans tous les sens après la séance d’hier, mais le truc le plus mythique c’est que sur les forums du type WallStreetbets et autre connerie du genre, on est en train d’expliquer pourquoi le divorce de Bill Gates est censé être positif pour GameStop. Oui, parce que figurez-vous que pour « payer » son divorce, le pauvre Bill va devoir liquider ses positions en Hedge Funds et que, comme lesdits Hedge Funds sont forcément TOUS SHORT sur GameStop, ils vont devoir fermer les positions et donc faire monter le titre pour couvrir les shorts. Je pensais déjà avoir vu et lu pas mal de conneries, mais là, ça dépasse l’entendement. Je ne sais pas ce qu’ils fument, mais ça doit pas être légal. Et pour terminer au chapitre nouvelles du jour, je dois avouer que je suis super-inquiet, parce qu’on NE PARLE PAS du Crédit Suisse.

Les chiffres du jour

En ce qui concerne les chiffres du jour, il y aura des Pmi’s un peu partout, les chiffres de l’emploi version ADP aux USA, mais aussi l’ISM Non Manufacturing, les inventaires pétroliers qui seront à côté de la plaque comme d’habitude et pour terminer, nous aurons les Minutes du FOMC Meeting, histoire de se faire un shot de pensées positives et de se dire que, peut-être, tout n’est pas dans les prix. On attendra encore les chiffres de PayPal, GM et Uber.

Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.3% et nous sommes officiellement en automne, autour du mois d’octobre – en tous le cas si j’en crois ce que je vois dehors. Pour la suite, je vous retrouve demain et on se réjouit de voir si Powell reste en poste à la FED ou si Yellen reprend les deux jobs en même temps.

Passez une bonne journée et profitez bien des terrasses à midi, ça va être chouette.

À demain !

Thomas Veillet

Investir.ch

“We sleep in separate rooms, we have dinner apart, we take separate vacations – we’re doing everything we can to keep our marriage together.”

– Rodney Dangerfield