Les jours se suivent et se ressemblent. Les théories qui font monter sont encore et toujours les mêmes ; on part du principe que comme le rendement du 10 ans ne rapporte rien – ce qui n’est pas forcément un scoop – les investisseurs préfèrent acheter des actions. Et préfèrent surtout acheter des titres de croissance parce que l’on peut parier que tant que les taux seront à zéro et que l’argent sera gratuit, il y a aura plus à gagner à être « long tech » qu’autre chose. Elle est bien loin la rotation de secteur.
Facebook a bien aidé quand même
Il faudra néanmoins retenir deux choses de la séance d’hier : tout d’abord Facebook a pris 4% parce que la justice a débouté la Federal Trade Commission qui essayait de prouver que Facebook était un monopole. Du coup, même si l’organisme fédéral a encore 30 jours pour faire appel, la boîte à Zuckerberg a tout de même franchit la barre des 1’000 milliards de capitalisation boursière. Tout ça pour un site qui permet à tout le monde d’afficher ses photos de vacances, la météo qu’il fait dehors à l’instant présent et, depuis 12 heures : le fait qu’ils sont contents que la Suisse ait éliminé la France à l’Euro. On ne peut donc pas nier la participation de Facebook dans la hausse du Nasdaq et du S&P500 hier. Les deux indices ont dont réalisé « le doublé » – en battant un nouveau record d’altitude – on a d’ailleurs renoncé à compter, ça fait beaucoup trop cette année.
L’autre sujet intéressant qu’il faudrait noter – je dis faudrait parce que comme ça n’est pas forcément une bonne nouvelle, on préfère faire comme si ça n’existait pas – mais retenons quand même que lors de ces deux chutes de records hier soir, 62% des titres du S&P500 étaient en baisse alors que l’indice terminait au plus haut. Si l’on se souvient de ce que l’on a appris à l’école, ça n’est pas vraiment la confirmation d’un marché d’une solidité à toutes épreuves. Mais peu importe la manière, pour le moment ça n’est que le résultat qui compte et le résultat c’est que le Nasdaq et le S&P500 sont tous deux au plus haut de tous les temps.
Les fondamentaux ! On vous dit !
Pour le reste, la théorie reste la même. Les investisseurs se pâment de joie devant l’avalanche de soutiens et de cash qui abonde sur le marché. On a perdu toute rationalité mais on est quand même content quand ça monte et peu importe ce qui se passe dans la vraie vie, tant que les banques centrales sont avec nous et que les chiffres confirment que c’est moins pire que quand on était confiné, tout va bien dans le meilleur des mondes. On peut nous parler de résurgence du COVID, on peut mettre en doute le recovery économique et on peut se poser des questions sur l’avenir de l’emploi, tant que la FED est avec nous et que les rendements obligataires sont pourris, on trouve toujours la justification pour acheter, acheter et acheter encore.
On ne va même pas parler des titres qui sont poussés par Wallstreetbets et compagnie, parce que c’est un sujet « off-limit » si l’on ne veut pas se faire agresser par les fans devant l’éternel de boîtes comme AMC qui partent du principe que passer des films dans une salle de cinéma et vendre 14 balles le paquet de pop-corn est un business plan révolutionnaire qui dépasse de loin celui d’Amazon ou de Google. Il est d’ailleurs assez intéressant de noter que depuis plusieurs mois, sur les 1’000 sociétés américaines qui ont vendus leurs propres actions pour lever du cash, 75% d’entre elles ne gagnent pas d’argent. C’est toujours une bonne nouvelle à retenir et fondamentalement, je crois qu’il n’y a rien à dire. C’est tout simplement époustouflant.
Pour le reste, même si nous ne sommes que mardi, le marché, la finance mondiale, les intervenants et tout ce que compte le monde merveilleux de l’investissement comme traders, ont les yeux fixés sur les chiffres de l’emploi qui sortiront vendredi après-midi. D’ici-là, on peut se raconter toutes les théories que l’on veut, tant que la FED ne nous ne menace pas de monter les taux et tant que l’on pas des arguments pour supposer qu’elle pourrait éventuellement monter les taux, il n’y a pas de raison que ça baisse. Surtout tant que le rendement du 10 ans ne fait pas mine de remonter au-dessus des 2%.
L’Asie dans le doute
Ce matin l’ensemble des marchés asiatiques font preuve d’une belle harmonie avec un recul général d’environ 1% un peu partout. On pourrait se demander pourquoi l’Asie baisse alors que New York est au plus haut de tous les temps et que l’on est au bord de se pacser avec la FED. Et pourtant la réflexion est simple : Cette nuit la Banque Mondiale a augmenté ses prévisions de croissance pour la Chine de 8.1% à 8.5%. Du coup, l’angoisse nous étreint. Elle nous étreint parce que l’on se dit que si la croissance est trop forte, les banques centrales pourraient retirer leurs soutiens aux économies et donc, in-extenso, leur soutien à nous les pauvres investisseurs. Si l’on se demandait encore si l’on était sur le fil du rasoir ou pas, je crois que l’on a reçu une réponse claire ce mardi de deuil national en France. Je n’ose même pas imaginer ce qui pourrait se passer si tout d’un coup, les chiffres de l’emploi de vendredi sortaient 30% au-dessus des attentes. Quelle serait l’interprétation que nous en ferions dans nos esprits torturés ? Trop d’emploi signifierait-il la fin du soutien de la FED ou est-ce que nous fêterions notre victoire sur le COVID avec un retour au plein emploi dans les trois semaines ?
En bref, on se réjouit déjà de vendredi. En attendant l’or est à 1772$ et ne fait rien en attendant son jour de gloire. Le pétrole est en chute depuis hier et se traite à 72.57$ ce matin. Il faut dire que l’on vient de se rendre compte que l’OPEP va se réunir et comme il est de tradition, chaque fois que l’OPEP se réunit, on a peur qu’ils augmentent la production et fassent baisser les prix. Et puis ensuite, on se rend compte qu’ils ont un porte-container de Rolls Royce vert pomme avec l’intérieur orange qui est encore en commande et qu’il faudra bien les payer et que c’est quand même plus drôle avec le baril à 80$. Pendant ce temps, le Bitcoin en fait rien et s’accroche aux 35’000$.
Dans les nouvelles du jour, on notera tout d’abord qu’il n’y a pas grand-chose. On tourne toujours autour des mêmes sujets ; l’inflation, le devoir ou les responsabilités de la FED, sans compter Cathie Wood qui prévoit de sortir un nouvel ETF, mais sur le Bitcoin cette fois. Ça lui permettra de ne pas se casser la tête avec l’asset-allocation et de prendre des montagnes de management fees sans faire grand-chose. On parle aussi de l’augmentation de la dette en Chine – mais on garde le silence sur celle des USA – et puis demain il y a DIDI qui va commencer à traiter à New York. Le concurrent d’UBER et de Lyft devrait être pricé entre 13 et 14$ et les « experts » pensent que la valorisation n’est pas trop élevée. Enfin, tant qu’elle n’ouvre pas à 55$ premier prix payé. N’oublions pas non plus que la plupart des banques américaines ont prévu d’augmenter leurs dividendes puisque la crise est finie et que la FED a levé les restrictions.
Chiffres économiques
Du côté des chiffres économiques, nous aurons le CPI en Espagne et en Allemagne. Il y aura aussi Madame Christine Lagarde qui parlera – un peu comme tous les jours – d’ailleurs on se demande même parfois si elle ne parle pas trop et qu’elle lasse un peu à la fin. On se réjouit de voir ce qu’elle a dire sur les paroles de Weidman de la Bundesbank qui estime que la BCE doit ralentir ses rachats obligataires pour éviter de provoquer trop d’inflation. Pendant que Madame Lagarde fera face à la presse, il y aura aussi la confiance du consommateur aux USA. Confiance qui doit être au top, tellement ils n’ont pas envie de bosser.
Pour le moment les futures sont en baisse de trois fois rien et on attend de voir sur quel pied on va danser. La peur de l’inflation et de la hausse des taux ou le soutien indéfectible et permanent des banques centrales. Bon, l’avantage c’est qu’en Suisse, ce matin, on n’a pas besoin de réfléchir finance, mais seulement de connaître la hauteur de la statue qui sera dédiée à Yann Sommer devant le palais fédéral à Berne.
Passez une excellente journée et on se revoit demain à la même heure et au même endroit.
Thomas Veillet – Investir.ch
“You have enemies? Good. It means you’ve stood up for something, sometime in your life.”
Winston Churchill