La grande Famine chinoise est la plus grande pénurie alimentaire de l'histoire de l'humanité. Elle s'est déroulée de 1959 à 1961. Selon différentes estimations, entre 16,5 et 45 millions de personnes sont mortes. La famine a principalement frappé les zones rurales. Les historiens attribuent la responsabilité de cette crise au gouvernement central, c'est-à-dire aux effets secondaires du Grand Bond en avant de Mao.

Pékin n’arrive toujours pas à nourrir le peuple chinois

La Chine demeure le premier importateur mondial de denrées alimentaires. Pékin sera obligé d’importer encore plus dans les années à venir. L’autosuffisance alimentaire de la Chine devrait tomber à environ 91% d’ici 2025, contre 94,5% en 2015. La Chine ne possède que 10% des terres arables mondiales, alors qu’elle représente le double de cette proportion en termes de population mondiale. Les fluctuations des prix mondiaux et le stress climatique dans les régions où la Chine cultive traditionnellement le soja ont également poussé le pays à relever le défi en matière d’approvisionnement.

 

HERAVEST - Comment la Chine va nourrir sa population croissante
Source : GRO-intelligence

Une série de grosses acquisitions, insuffisantes et décevantes

Ces dernières années, la Chine a bien essayé de réduire sa dépendance par la croissance externe. En 2016, ChemChina a effectué le plus grand rachat jamais réalisé, du géant agrochimique suisse Syngenta, pour 43 milliards de dollars. Jusqu’à présent, cette opération de fusion et d’acquisition est loin de répondre aux attentes des Chinois, qui souhaitaient créer un nouveau géant du secteur.

De même, en 2017, l’entreprise publique chinoise COFCO a achevé l’acquisition de deux entreprises agroalimentaires mondiales, Nidera (NL) et Noble Agri. La nouvelle société – fusionnée – appelée CIL, ambitionne de devenir un véritable acteur mondial de l’agro-business. Ce rachat a donné à la Chine un accès aux céréales sud-américaines, comme le soja et le maïs, et à des usines de transformation en Asie. Elle est devenue capable de s’approvisionner directement auprès des agriculteurs, court-circuitant ainsi les chaînes d’approvisionnement traditionnelles. Mais CIL reste bien plus petit que les ABCD du secteur (Archer Daniel Midlands, Bunge, Cargill et Louis Dreyfus) qui contrôlent ensemble jusqu’à 90% du commerce mondial des céréales. Malgré tout, d’autres acquisitions d’entreprises étrangères dans le domaine de l’agro-industrie sont probables.

L’inflation des prix alimentaires exacerbe les tensions

Le rôle historique des prix alimentaires sur les révolutions, les émeutes et les troubles, notamment au cours des 18e et 19e siècles en Angleterre et en France est bien connu. Les émeutes de la faim ont largement disparu de la scène mondiale du milieu du XIXe siècle jusqu’aux années 1970. À partir de la fin des années 1970, des troubles généralisés ont à nouveau éclaté dans les pays où des programmes d’austérité étaient imposés par les institutions financières internationales (crise de la dette). En 2011, la hausse des prix alimentaires a contribué au printemps arabe.

Pékin garde aussi une grande sensibilité à l’inflation des prix alimentaires. En 1989, la crise de Tiananmen, caractérisée par une large révolte des citoyens, avait été précédée d’une grave crise alimentaire. En effet, l’inflation du porc, des œufs, des légumes et du sucre était de 30 à 60% dans les magasins d’État et encore plus élevée sur le marché libre. Aujourd’hui, la disponibilité des aliments en milieu rural n’est plus un problème. Il n’en a pas toujours été ainsi, et les stigmates des anciennes crises alimentaires hantent toujours le Parti.

En 2021, la forte demande de la Chine, le stockage de céréales par les gouvernements et le temps sec dans les principaux pays exportateurs et les problèmes de transport ont contribué à la hausse des prix des produits agricoles. La persistance probable de la Covid dans les pays émergents au second semestre fait craindre que la flambée des prix ne se poursuive à court et moyen terme… La « crise » alimentaire actuelle est exacerbée par les tensions politiques avec les États-Unis, d’où proviennent beaucoup d’importations.

HERAVEST - Evolution prix agricoles
Les prix mondiaux retrouvent les sommets de la dernière décennie

Début mai, le gouvernement chinois a annoncé vouloir freiner la forte hausse des prix des matières premières, dont les denrées alimentaires. Il envisage différentes mesures telles que des exonérations fiscales, des subventions directes, une « surveillance renforcée du marché », ainsi qu’un contrôle accru des associations industrielles (qui dépendent largement du gouvernement chinois). Il pourrait également utiliser/diminuer ses réserves stratégiques.

En conclusion

  • Le stockage de précaution de la Chine est stratégique et durable. Il attise la hausse des prix.
  • L’inflation des produits de base favorise une politique de refroidissement / d’atterrissage en douceur de l’économie.
  • En compensation, les injections de liquidités (favorables aux marchés financiers) vont se poursuivre.
  • La force du yuan atténue les effets secondaires de l’inflation importée.

 

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