D’après mes calculs, nous sommes actuellement jeudi matin. Toujours d’après mes calculs, la dernière fois que nous avons été angoissés sur l’avenir et que cette angoisse a pesé sur le marché, c’était il y a très précisément 48 heures. Il y a 48 heures de cela, j’étais en train d’écrire une chronique qui laissait à penser que la fin était proche, que le krach était à portée de main, que la panique allait nous saisir à la gorge alors que le VARIANT DELTA était en train de nous attaquer violemment de toutes parts et que nos libertés, nos espoirs de voyages, tout comme la croissance de l’économie, allaient être mis à mal. Mais c’était il y a 48 heures.

L’Audio du 22 juillet 2021

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La signification de 48 heures ? Deux jours

C’était donc il y a un an, il y a un siècle, une éternité. Un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. C’était mardi matin. Sauf que depuis PLEIN, mais alors PLEIN de choses ont changé la face du monde et de l’économie pour les 2000 ans à venir.

Si nous étions l’équipage du vaisseau spatial d’un milliardaire d’une autre planète qui aurait décidé de venir voir la Terre pour son propre plaisir et montrer qu’il a plus d’argent qu’un autre milliardaire de sa planète d’origine, et qu’en arrivant on aurait observé rapidement les bourses mondiales ; on se serait sûrement dit qu’au vu du rebond de ces deux dernières séances, il a dû se passer un truc énorme. Je ne sais pas moi : que l’on a trouvé un nouveau vaccin tout exprès pour le variant Delta et que sa progression a été stoppée nette ou que le Président de la grande nation qui a inventé le Foot Américain vient d’annoncer un nouveau stimulus de 20’000 milliards de dollars appelé « Stimulus Delta ». Ou même mieux : que le patron de la Réserve Fédérale vient de jurer sur la tête de ses enfants et sur celle de Brigitte Macron que l’inflation sera transitoire.

Mais rien de tout cela n’a été annoncé. Même pas une rumeur. Mis à part Christine Lagarde qui a déclaré que les taux allaient rester bas et que le programme de soutien économique pourrait rester en place en tous cas jusqu’en 2022 ou jusqu’à que l’inflation atteigne 2% – ce qui devrait se produire autour de l’an 2350 au vu de la croissance en Europe. Mis à part cette déclaration qu’elle fait toutes les 24 heures après s’être brossé les dents, il ne s’est rien passé ou plutôt si : les sociétés américaines publient des chiffres EXCEPTIONNELLEMENT BONS !!! Et ça, c’est une bonne nouvelle qui mérite que l’on déclenche un nouveau « bull market » rien que pour ça.

Enfin, jusqu’à que l’on se réveille avec la peur que l’inflation ne soit pas transitoire et que l’on se souvienne que le variant Delta, lui, il est toujours en pleine bourre. Mais ça, ça sera dans 48 heures. Autrement dit ; dans un an, dans un siècle, dans une éternité, un moment que les plus 20 ans diront que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître.

Bref, les chiffres du trimestre sont excellents

Donc, hier et avant-hier, les marchés du monde entier ont rebondi massivement parce que « les gens » se sont rendu compte que les chiffres du trimestre étaient et allaient être excellents et que, du coup, ça remet en perspective le variant Delta. Oui, parce que ça représente quoi « quelques mois de confinement », « des restrictions de voyages sans limite » et une « ingérence accrue des gouvernements dans nos vies privées », alors que de l’autre côté on trouve parfaitement jouissif les chiffres d’une boîte comme Coca-Cola dans une économie qui cartonne et dans une ambiance de fête nationale. Ou encore, on explose de joie parce que Johnson & Johnson a battu les attentes des analystes et augmente sa « guidance » pour le reste de l’année ???

Oui, je sais, toutes ces problématiques liées au COVID ne sont que désintérêt total lorsque l’on voit que les sociétés qui font les indices cartonnent et que leurs annonces prouvent que l’économie va, que le client consomme – masqué ou pas masqué, vacciné ou pas vacciné. Et ça c’est le plus important. C’est le message que nous envoient les bourses mondiales pour justifier leur hausse et trouver parfaitement normal qu’après avoir prôné la terreur il y a 48 heures, il soit temps de revenir à la réalité économique en récitant la prière de l’actionnaire, plus connu sous le nom de « Nôtre Nasdaq qui êtes aux cieux ».

On est con ou on est con ?

Alors après, si l’on remet les cartes sur la table et que l’on essaie de se souvenir ce que l’on disait il y a une semaine, on pourrait peut-être se rendre compte que l’on marche sur la tête et que ce marché est soit en : en vacances. Soit : complètement débile. Je dois vous avouer que j’ai une petite préférence pour la seconde théorie.

Oui, non.. Au risque d’être un peu « vieux jeu », je crois me rappeler qu’il y a moins d’une semaine de cela – tout en étant conscient qu’une semaine COMPLÈTE en terme boursier cela représente la différence entre nous et la disparition des dinosaures, en années humaines – mais il y a une semaine de cela, on nous disait que les sociétés avaient vécu un trimestre exceptionnel et que les attentes des analystes étaient TOUTES bien trop basses pour refléter la réalité. Deux jours après cette annonce étayée par toutes les analyses fondamentales possibles, la psychologie de marché nous disait que OUI en effet, c’était trop bas, mais que comme on savait que c’était trop bas, on allait s’attendre à des chiffres de folie et que si c’était pas des chiffres de folie, ça serait forcément une déception. Et qu’on ne changerait pas le niveau des attentes, parce que c’était trop tard et qu’en plus, au cas où les chiffres n’étaient pas si bon que ça on aura eu raison quand même.

En stratégie financière ça s’appelle : COUVRIR SON CUL.

Tout ça pour vous dire que ça fait des SEMAINES que l’on SAIT que les attentes sont trop basses et cela va ou allait provoquer des surprises à la hausse. Sauf qu’entre deux il y a eu le VARIANT DELTA (à prononcer en agitant les bras au ciel et ajoutant le HOUHOUHOUHOU qui fait peur à la fin). Et depuis que la mention du VARIANT DELTA, on a fait un « reset » de nos mémoires. Ce qui fait que depuis 48 heures, on trouve super que les sociétés publient des chiffres meilleurs que les attentes, ce qui nous permet de ne pas trop flipper à chaque mention du VARIANT DELTA et de ne pas penser au fait que les chiffres du trimestre qui sont publiés actuellement sont les chiffres d’un trimestre où le VARIANT DELTA n’était pas encore aussi fréquent que cela sous nos contrées et que là, on célèbre le passé sans penser que lundi soir à la clôture de New York… on s’inquiétait du futur…

Bref, hier on est monté sur les bourses mondiales et je crains bien qu’en observant la réflexion qui nous occupe actuellement, vu le niveau, on a de bonnes chances de pouvoir participer à la prochaine saison des « Marseillais à Wall Street ».

L’Asie en folie

Pour le reste, je ne vais pas vous faire un dessin. L’Asie est en hausse « grâce aux chiffres du trimestre des sociétés américaines qui sont trop cool ». Le pétrole remonte au-dessus des 70$ parce qu’il est la représentation physique de la demande, de la consommation et de la bonne santé économique et l’or repasse sous les 1800$. Oui, parce que sincèrement, qui voudrait avoir des lingots d’or pour se protéger d’un éventuel krach alors que TOUT LE MONDE SAIT que dorénavant :

– Une correction massive, c’est 3% de baisse. Ce qui fait que, proportionnellement, on peut dire que l’on vit un « krach boursier à moins 5, moins 6 pourcent.

Tout ce que je retiens, c’est que la bourse ça devient presque trop facile et c’est encore plus facile de justifier la hausse que la baisse. Bon, pas aussi facile que dans les cryptos où il nous suffit que notre maître à tous, le Dieu vivant Elon Musk vienne parler pour faire remonter le secteur. Hier il lui aura encore fallu moins de 12 secondes pour faire remonter l’Ethereum de 10% parce qu’il a annoncé qu’il en avait. Perso, je me demande ce que ferait le marché si j’annonçais que j’ai acheté des cryptos. Oui, ok, il serait mort de rire ou alors il s’en foutrait. Je crois que là aussi, la seconde théorie me plaît mieux.

Salade du jour

Pour ce qui est des  « news du jour », je crois que l’on touche un « plus bas historique » de ce côté. Le FT nous fait une théorie sur la course spatiales des milliardaires dont personnellement je me fous comme de ma première paire de tongs. CNBC n’arrive plus à écrire un article sans que le mot Tesla ou Elon Musk soit inclus dedans. Et puis des gourous qui sont faux deux fois sur trois comme Jim Cramer, estiment que la « correction du S&P est terminée et que l’on peut viser à nouveau « les plus hauts de tous les temps ». C’est vrai qu’il ne reste que 25 points à franchir au S&P500 pour que cela se fasse, on sent que la prise position est vraiment courageuse. Il suffirait que cette après-midi, des boîtes comme At&t, Intel, Twitter, Snap ou American Airlines fassent « mieux que les attentes » – tout en sachant que pour faire pire il aurait fallu s’attacher un jambe – voire le deux – et l’indice devrait battre à nouveau des records historiques.

C’est marrant, je suis BULL depuis que je suis né. Je suis même du signe du taureau. Ça fait 30 ans que je fais de la finance et 30 ans que je suis définitivement bullish. Je devrais donc me réjouir de ce qui se passe. Sauf que là, depuis quelques temps, je trouve que le marché est complètement con. Et pourtant j’ai vécu la crise des subprimes, autant vous dire que des marchés débiles, j’en ai vu. Mais là, on arrive à des niveaux de stupidité qui auraient conforté Albert Einstein quand il comparait l’infini de l’univers et de la stupidité humaine…

Pour le moment, les futures sont en légère hausse, les cryptos sont en hausse. Tout est en hausse, sauf l’or. Je crois que je vais aller méditer au bord de la piscine et je vous retrouve demain, histoire de voir quelle est la justification FONDAMENTALE qui justifiera les plus hauts de tous les temps. À moins que le VARIANT DELTA fasse son retour dans l’esprit torturé de Mister Market.

Bonne journée à tous et à demain !

Thomas Veillet

Investir.ch

Désolé, je la remets aujourd’hui, mais elle s’applique tellement à ce que l’on vit…

“Two things are infinite: the universe and human stupidity; and I’m not sure about the universe.”

Albert Einstein