Si j’étais vraiment sincère et si le conditionnel était la langue officielle des marchés boursiers, j’arrêterais ma chronique juste là. Maintenant. Mais comme dans le monde merveilleux de la finance on a toujours quelque chose à dire même s’il n’y a rien à dire, je vais quand même continuer un peu. CONTINUER UN PEU parce que ce soir il y a quand même l’évènement mondial le plus attendu par le monde entier depuis que Nabilla a reçu un sac à main qui coûte le prix d’une Bentley Continental GT ; ce soir il y a le discours de Powell à Jackson Hole. Et croyez-moi, samedi matin quand vous lirez le FT à la terrasse d’un café, muni de votre passe sanitaire : le monde en sera plus pareil.

L’Audio du 27 août 2021

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Brace

Oui, je crois qu’il n’était vraiment pas nécessaire de perdre du temps à suivre les marchés depuis le début de la semaine. Alors oui, on a battu des records d’altitude, on a pu célébrer les 15’000 sur le Nasdaq et le cinquante et unième record du S&P500, juste pour cette année. On a pu voir que l’indicateur de Warren Buffet est à 100% au-dessus de là où il devrait être et que c’est un indicateur MAJEUR de KRACH (d’ailleurs étonnement ces temps, Berkshire Hathaway est plutôt vendeur qu’acheteur). On a aussi pu voir que le luxe ne veut pas remonter et que Bernard Arnault est à limite de la précarité, que la cour suprême des Etats-Unis a autorisé à expulser de leurs appartements les gens qui bénéficiaient d’un moratoire COVID – visiblement les chiffres du COVID remontent, mais pas assez pour protéger un peu les plus faibles de la précarité – et puis on a aussi appris que Tim Cook a touché 750 millions de dollars en actions Apple. Comme quoi on n’a pas tous les mêmes problèmes.

Mais peu importe ce que l’on aura appris ou vécu cette semaine, dès lundi matin nous n’avions en tête qu’une seule chose : le discours de POWELL et c’est là que l’utilisation, que dis-je, la maîtrise du conditionnel aura pris toute sa quintessence.

Depuis lundi on monte « parce que nous sommes optimistes sur le discours de Powell, parce qu’il POURRAIT ne rien dire au sujet du TAPERING et ne rien changer à sa politique de contrôle de l’inflation et de soutien à l’économie ». Mardi on pensait la même chose. Mercredi on se disait que ça serait quand même bien si Powell gardait son tapering pour « plus tard ». Plus tard comme « en 2022 ». Pendant ce temps, la plupart des membres de la FED venaient dire qu’il fallait.. non, pardon, qu’il FAUDRAIT commencer à réduire la politique de soutien à l’économie et surtout aux marchés boursiers. Chacun avait sa théorie, mais à la fin ils avaient tous plus ou moins TAPERING tatoué sur le front et s’ils étaient un gang de motards, dans le dos de leur veste ils auraient un patch qui dirait « Sons of Tapering ».

BRACE, BRACE…

Sauf que peu importe ce que les « autres » membres de la FED, ce qui intéresse le marché c’est ce que Powell pense, puisque quoi qu’on en dise, la Réserve Fédérale est à peu près aussi démocratique que le Gouvernement Macron. Peu importe ce que disent les autres, à la fin c’est quand même un peu Powell qui décide. Nous avons donc passé la semaine à se demander ce que Powell allait bien pouvoir dire. Si mercredi on se disait que ça serait quand même bien si Powell gardait son tapering pour « plus tard », jeudi on était plutôt en mode « et si Powell se ralliait à ses camarades de classe ? » et si Powell nous lâchait comme des vieilles chaussettes, comme un amour d’été qui prend fin avec la rentrée scolaire ? Et si on a avait déjà « anticipé » à peu près tout ce qui pourrait éventuellement se dire ou ne pas se dire et se faire ou ne pas se faire. En tous cas si l’utilisation du conditionnel était un médicament contre le COVID, la pandémie serait éradiquée totalement depuis lundi dernier et on aurait même tué dans l’œuf le virus de la grippe de cet hiver et le norovirus des trois prochaines années – pour ceux qui ne savent pas ce qu’est le norovirus, je vous conseille de serrer les fesses et d’aller sur Google.

Toujours est-il qu’hier on avait des doutes. Des doutes qui représentaient exactement l’inverse des convictions que nous avions lors de la hausse du reste de la semaine. En gros et pour être très clair : ON ne sait absolument rien de ce qui va se passer ce soir et ce que ça pourrait éventuellement changer dans le comportement des marchés. On y va à tâtons et en attendant, on brasse de l’air pour essayer de justifier nos actes, nos écrits et nos décisions d’investissement. On tente de se donner une crédibilité et une assurance que nous n’avons ABSOLUMENT PAS et on essaie de faire croire que ce que dira Powell ce soir va changer la face du monde de l’investissement pour toujours, alors que dans les 8 minutes qui suivront son discours de ce soir, on sera déjà en train de se demander ce que vont nous apprendre les chiffres de l’emploi de vendredi prochain et du même coup on se rendra compte que vendredi prochain on est déjà en septembre et OH MY GOD, OH MY GOD, OH MY GOD, septembre c’est aussi le mois des krachs !!!!!! Juste avant octobre qui est l’AUTRE MOIS DES KRACHS !!!! MAIS QUELLE HORREUR !!!!!

BRACE, BRACE, BRACE

Donc hier on a baissé parce que l’on s’autorisait à penser dans les milieux autorisés que Powell pourrait peut-être finalement se raccrocher aux avis de ses comparses de meeting sur Zoom et que finalement le mot « TAPERING » pourrait être utilisé autrement qu’en l’agitant comme épouvantail, mais que l’on pourrait lui mettre une date dessus, une date qui signifierait aux investisseurs, aux marchés boursiers et aux économistes qu’à cette date très précise, ils pourront commencer à démerder tous seuls pour faire monter le marché et qu’il ne faudra plus compter sur les Avengers de la FED.

C’est très exactement cette angoisse qui pesait sur le marché hier. Cette angoisse qui pourrait être levée ce soir ou accentuée par le maître du jeu, Jerome Powell. Si vous voulez savoir comment on se sentira en cas d’annonce d’un « tapering » effectif, eh bien imaginez un enfant de 12 mois qui commence à apprendre à marcher et qui vous donne la main. Et soudainement, au milieu d’un escalier glissant avec un labrador qui monte en courant dans l’autre sens et la lumière qui s’éteint ; vous lui lâchez la main…

Eh bien c’est comme ça qu’on pourrait se sentir en cas de discours pro-tapering de Powell. Mais seulement SI, il fait ça. D’où l’utilisation massive et abusive du conditionnel ces 4 derniers jours. On l’a tellement utilisé qu’il se pourrait même qu’il y a un shortage ces prochaines semaines. Comme sur les semi-conducteurs.

Pour le reste, brace quand même

Ce matin l’Asie est partagée, le Japon baisse de 0.5% et la Chine monte de 0.5%. On sent bien que personne n’a envie de mettre les mains dans la moissonneuse batteuse pendant que la machine tourne encore et que l’on préfère attendre ce soir. Il aurait donc été plus simple de fermer toutes les places de bourse et de faire un fixing à 17h00 ce soir après le discours de Powell. On aurait gagné du temps, respecté les distances sociales et profité des derniers rayons de soleil du mois d’août ailleurs que devant la lumière artificielle des écrans de trading qui nous rappelaient sans cesse la loi de l’emmerdement maximum. C’était tellement long et ennuyant ces derniers jours, que j’avais l’impression d’être à une conférence de la FINMA sur l’utilisation du stylo bille noir ou du stylo bille bleu et leur implémentation dans les nouveaux formulaires clients.

Pour le reste, l’or et à 1’800, lui aussi attend le discours. Le Pétrole est à 68$ et l’ensemble de la communauté des crypto-monnaie rebaisse dans une très belle unité ce matin. Le Bitcoin est en baisse de 2.5% et tout le reste, c’est pire. Il y a une banque française avec un logo vert qui a écrit un article dans les Echos estimant que le Bitcoin était une pyramide de Ponzi. Alors vous je ne sais pas, mais de mon côté, depuis que j’ai lu l’article, je n’ai jamais eu autant envie d’acheter du Bitcoin. Non, parce que quand on lit ce genre de « tribune », c’est un peu comme quand l’hôpital se fout de la charité. Mais enfin, je dis ça, je dis rien. Dans le doute, je vais quand même vendre ma trottinette électrique pour acheter du Bitcoin.

Nouvelles neuves

Dans les nouvelles du jour, on retiendra que Biden veut se venger de l’attentat d’hier soir à Kaboul. Ça lui donnera l’occasion de lancer sa guerre quelque part. Par contre on notera que ces connards de terroristes ont également arrêté le télétravail et sont revenus au bureau en présentiel, je ne sais pas si c’est un signe de fin de pandémie, mais c’était quand même mieux quand ils se faisaient sauter entre eux. Autrement on parle de Jackson Hole ce soir, on apprend que Ford va réduire la production de leur pick-up F-150 parce qu’ils n’ont plus assez de semi-conducteurs et le gouvernement chinois dit qu’il ne veut pas de mal aux « riches ». Enfin, seulement s’ils sont d’accord avec la mère patrie et les ordres de Xi-Jinping.

Pour les chiffres du jour, il y aura le personal spending et la confiance du consommateur version Michigan, mais autant vous dire que l’on aura tous les yeux fixés sur le Streaming Live Virtuel de Jackson Hole. Powell parlera à 16h00, heure de chez nous. Si j’ai bien fait mes calculs, mais comme je serai en train d’allumer le barbecue, je ne sais pas si je pourrais suivre en live. Quoi qu’il en soit, c’est l’évènement de la semaine, du mois et de l’année. Et ce soir on passera à autre chose.

Passez une très belle journée, un excellent week-end et on se retrouve lundi matin pour la rentrée scolaire, le bilan de Jackson Hole et 5 chroniques par semaine. À Lundi !

Thomas Veillet

Investir.ch

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