Troisième jour de baisse consécutive sur les bourses mondiales. Nous commençons à sombrer dans la déprime et la peur de voir revenir toutes nos angoisses. J’ai l’impression de lire le journal de bord du capitaine d’un navire qui n’a plus de gouvernail, plus de voiles, plus rien à bouffer et où l’espoir est en train de s’amenuiser pendant que ses marins sont en train de perdre leurs dents avant de mourir du scorbut. Pourtant, il y a 6 jours de cela, on se jetait des seaux de glace au visage pour se calmer alors que les indices battaient des records jour après jour.

L’Audio du 9 septembre 2021

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La saison des gourous bearishs est ouverte

Mais que s’est-il passé durant le week-end ? Comment peut-on passer de la confiance sans limite à la falsification d’ordonnance pour obtenir du Xanax ? Ah oui, j’oubliais. Nous sommes dans le monde merveilleux de la finance et les inventeurs de la girouette qui tourne tellement vite qu’elle pourrait presque retourner dans le passé. Il aura donc suffi de quelques commentaires sur le Beige Book, des allusions comme quoi la croissance a ralenti cet été, comme quoi nous sommes plus dans la phase de descente après être allés dans la stratosphère que dans la phase ascendante. Il aura suffi que Goldman Sachs vienne nous dire que le reste de l’année serait tout pourri en termes de PIB et que ça allait vachement se compliquer. Il aura aussi suffi que Bank of America nous annonce que le S&P500 va perdre 6% d’ici que le Bitcoin monte à 100’000 pour Noël, pour que les lumières s’éteignent et que nous nous retrouvions dans l’arrière-salle d’un restaurant le soir de l’annonce de l’obligation du pass sanitaire pour aller y manger. La déprime totale.

C’est en tous les cas l’impression que donne le marché depuis que les Américains sont revenus de leur week-end prolongé. Les investisseurs doutenr, les gourous sont de sortie et n’hésitent pas à taper très fort en faisant des prévisions violemment baissières (on ne sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher) – c’est vrai que de nos jours, si vous voulez assurer vos arrières en tant qu’analyste financier, vous avez largement intérêt à nous annoncer la fin du monde tous les trois jours. Parce si vous avez tort, tout le monde aura oublié dans une semaine. Par contre, si vous avez raison, vous devenez une star et à vous les plateaux télé, les émissions de radio, les soirées dans les boîtes de nuit avec les mannequins de Victoria Secrets – enfin, si vous avez le pass sanitaire – bref, l’argent coulera à flot et vous serez le Nouriel Roubini des années 2020 – surtout que PERSONNE n’ira vérifier pour voir si vous avez raconté n’importe quoi depuis 10 ans ou pas. C’est le seul et unique instant magique durant lequel la finance est capable de vivre l’instant présent. Et parfois même de se projeter dans le futur.

Concrètement

Pour faire simple, hier on a douté. On a douté d’à peu près tout. La croissance sera-t-elle suffisante en Europe, le variant Delta ne va-t-il pas tout foutre par terre, la BCE va-t-elle continuer à nous soutenir ou pas ? Il faut dire que le patron de la banque centrale autrichienne dont j’ai déjà oublié le nom, a déclaré hier que la BCE pourrait devoir intervenir plus tôt que prévu pour juguler l’inflation. Plus tôt que l’on prévu les experts financiers. Experts financiers qui se basent un peu sur les experts de la BCE pour faire leurs prévisions. Ce qui nous ramène au fait que c’est le serpent qui se mord la queue et que les nouvelles et la réaction négative d’hier est un peu ambiguë si l’on met tout le monde sur le même bateau…

Décortiquons la réflexion du matin :

– Tout d’abord on a les marchés qui baissent parce que nous sommes terrifiés par le retour du COVID qui pourrait éventuellement peut-être donner un coup de frein à l’économie.

Bon… Je ne veux fâcher personne, mais ça fait des mois que l’on se fout pas mal des chiffres du COVID, sachant que MÊME s’il venait à se faire une quatrième vague pour surfer dessus cet automne, nous savons pertinemment que les gouvernements vont nous arroser de stimulus et de taux négatifs pour ne pas que le moral de troupes ne s’effondre. Il n’y a donc pas de quoi baliser et casser trois pattes à un canard.

– Ce coup de frein se présenterait surtout par un ralentissement de la croissance. Et ça, ça nous angoisse.

Bon… Disons que le concept de la croissance en Europe, ça fait longtemps que l’on ne s’est plus retrouvés à aller acheter du pain avec des brouettes de billets. On n’est pas non plus en Amérique du Sud. Il n’y a donc pas de quoi paniquer sur le fait que la croissance passe 2.1% à 1.9% et encore, 1.9% c’est parce qu’on a arrondit à la dizaine inférieure. Et puis si l’on se concentre sur le troisième point qui nous stresse : La déclaration du patron de la banque centrale autrichienne-dont-j’ai-oublié-le-nom, cela devrait nous rassurer et pas nous stresser.

Non, parce que si la BCE réduit les mesures de soutien et d’aide aux économies via un tapering ou je ne sais quelle autre méthode inventée dans les alcôves des banques centrales après les apéros de fin d’année, ça veut quand même dire que l’économie ne va pas trop mal et qu’on ne veut pas qu’elle surchauffe… Donc si je résume la séance d’hier ; on a peur que la croissance ralentisse, mais en même ça nous dérange que la BCE puisse réduire ses aides parce que la croissance est un poil trop forte.

Vous voyez où je veux en venir ? Faut choisir un camp, les gars !!! Tu ne peux pas vendre le marché parce que la croissance est pas assez forte. ET EN PLUS avoir peur parce que la croissance SOIT trop forte et que tu ne préfères pas que la BCE bouge ses fesses… C’est un peu illogique. Ou alors hier on était simplement dans une journée de victimisation et que nous étions en mode « Caliméro » et que l’on avait besoin que l’on nous plaigne. Heureusement que l’on est capables de passer du rire aux larmes en 1 seconde et 8 dixièmes et que demain je peux vous écrire exactement l’inverse en m’arrosant de champagne et en brûlant des sacs Vuitton en faisant un feu de camp.

Ambiance pas rose et morose

Je ne vais donc pas vous prendre plus de temps que ça à résumer la séance d’hier. Ce qu’il faut retenir c’est que l’on a des doutes. Que c’est la fin de l’été, qu’il va recommencer à faire gris et pendant ce temps, on est plutôt moins bien réceptif aux doutes sur l’avenir. Surtout que c’est la fin des vacances et qu’il n’y a pas un jour qui se passe sans qu’un analyste quelque part nous sorte une déclaration du type : « on va tous mourir » ou encore « le marché est épuisé, il ne peut plus aller en avant, je pense même à ne PAS acheter l’iPhone 13, l’économie va donc définitivement s’arrêter et j’imagine une correction de 42% dans les 12 mois ».

Ce matin l’Asie est en dans le rouge pour les mêmes raisons que je viens de vous exposer avec forces, détails et hyperboles. Le pétrole frise à nouveau les 70$ – malgré que les craintes de ralentissement se font sentir – ce qui semble assez illogique puisque le pétrole est censé être le reflet de l’état de santé de la croissance américaine. BON.. là encore, trouver un certain illogisme aux marchés boursiers n’est pas non plus un exploit, mais plutôt un état de fait. À moins que le pétrole monte parce que les tensions à cause des Talibans pourrait avoir des conséquences sur les matières premières dans les 25’000 kilomètres à la ronde autour de Kaboul. Non, parce qu’il paraît qu’avoir un gouvernement de terroristes qui vont pouvoir siéger à l’ONU, c’est moyennement cool. Et pendant ce temps, l’or – qui je le rappelle est « censé » être une valeur refuge, repasse sous les 1800$ et se traite à 1790$.

Au chapitre Crypto, c’est toujours très rouge ce matin. Le Bitcoin est à 46’000$ et l’ensemble du monde des experts en Crypto n’a d’yeux que pour la moyenne mobile des 50 jours qui coïncide plus ou moins avec celles des 200. Le scénario est simple :

Scénario A : ça tient et ça remonte à 100’000$ direct

Scénario B : ça ne tient pas et on va tous mourir – pas forcément du COVID – mais on va tous mourir

Vous voyez, pas besoin de se faire des formations de 10 ans en trading, en 12 secondes, c’est plié.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, il nous faudra noter que les chiffres de GameStop n’étaient de loin pas aussi stellaires que le cours en bourse de l’action. Le titre perdait 10% hier soir after close et il semblerait que les « petits clients » sont plutôt net vendeurs. C’est à peu près l’inverse sur Lululemon, puisque le fabricant de vêtements pour le yoga a publié des chiffres qui ont pulvérisé les attentes des analystes. Et croyez-moi sur parole, quand je dis que je pèse mes mots en ne disant que pulvérisé !!! Le titre prenait 14% after close et il est bien loin le temps où les procès pleuvaient sur Lululemon parce que leurs pantalons étaient trop transparents et que selon certains avocats c’était délibéré… En Suisse, le Crédit Suisse remplace son patron du « Compliance ». On ne comprend vraiment la sanction, il avait pourtant fait un super-job avec Archegos et Grenshill. On souhaite que son successeur soit aussi efficace, ça donnera du boulot au chroniqueurs boursiers et aux comiques suisses pour faire leurs spectacles de fin d’année.

Une des grosses nouvelles du moment c’est Madame Yellen qui exprime son angoisse dans les médias. La Secrétaire du Trésor qui croit qu’elle est toujours patronne de la FED vient exprimer ses craintes vis-à-vis d’un éventuel défaut de la dette américaine… Un défaut qui pourrait se produire si l’on ne relève pas le plafond de la dette américaine……..

AAAAAAAHHHHHHHHHHH !!!!! Nous y voilà !!!! ça fait un moment qu’on ne nous avait plus fait le coup du « plafond de la dette ».

Soyons donc très clair :

Les Américains nous font CHAQUE année le même coup… On crie au loup, on nous dit que ça va pas le faire, on crie avec des cris d’orfraie, on s’angoisse, on simule la panique, des membres du Congrès menace de s’immoler et voir même de ne plus commander de NY Sirloin Steak au Morton’s of Chicago si l’on ne trouve pas une solution… Et soudainement, alors qu’il ne reste qu’une heure et douze minutes avant un défaut, on trouve une solution et on remonte le plafond tout en se disant qu’en fait ça ne risque rien, parce qu’on peut encore monter jusqu’à la stratosphère, y a qu’a demander à Bezos, à Musk ou à Branson. Bref ; Madame Yellen, vous n’intéressez plus personne avec vos « angoisses du plafond de la dette saison 8, épisode 9 ». Vos scénaristes deviennent lassants.

Les chiffres du jour

Côté chiffres du jour, il y aura donc la BCE qui sera très regardée, mais il y aura aussi les Jobless Claims qui nous intéresseront énormément. Je peux vous jurer sur la tête de Guy Parmelin que si les chiffres sont trop forts, on va nous reparler de tapering. Et puis si je me goure, c’est pas grave, il a son pass sanitaire. Pour le moment les futures sont en baisse de 0.5% et rappelez-vous que les 12 dernières fois que l’on a baissé sur le S&P500, on s’est arrêté sur la moyenne mobile des 50 jours qui est à 1.6% d’ici.

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. C’est le Jeûne Genevois et je pense que je suis le seul dans mon bureau à écrire des trucs que personne ne lira jamais. Je vais donc aller me faire une fausse ordonnance pour acheter du XANAX et cuisiner une tarte aux pruneaux, paraît que c’est la mode. En attendant, je vous souhaite une très belle journée et on se retrouve demain pour boucler la semaine et écouter les jérémiades de Madame Yellen et son plafond qui fuit.

Excellente journée à tous.

Thomas Veillet

Investir.ch

“On n’a pas besoin de parler de sa vie privée pour faire une carrière.”

Jean-Paul Belmondo (au début je croyais que c’était Nabilla, mais en fait non)