Il est étonnant comme certaines journées de trading ne présentent que peu d’intérêt parce que les intervenants sont plus en train de regarder la « big picture » que de se concentrer sur la séance d’hier. Clairement depuis la clôture d’hier soir à New York, les « experts » en finance sont bien plus concernés par le bilan du mois de septembre que par la séance de ce jeudi. Et puis quand on fait le bilan, on se dit que c’était vraiment merdique, mais qu’en même temps par rapport à ce que l’on a vécu en septembre 2008 lors de la faillite de Lehman Brothers, ben c’était bien pire. C’est toujours une question de point de vue.

L’Audio du 1er octobre 2021

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Le pire depuis 2011

Le mois de septembre qui vient de se terminer aura donc été le pire mois de septembre depuis 2011. Je ne sais pas si cela est censé changer quelque chose à nos vies, mais ce que je sais c’est que ça permet au moins d’avoir deux ou trois gros titres dans les médias pour bien expliquer combien c’était l’horreur et combien le métier que l’on fait n’est pas facile. Le Nasdaq s’est donc pris 5.7% dans les dents, le S&P500 recule de 5% pour le mois et pendant que les Américains pleurent la déconfiture de leurs indices, le SMI aura quand même fait nettement mieux que tout le monde en reculant de 6.35% – comme quoi la Suisse ne fait rien comme tout le monde – l’Europe perdait un peu moins de 4% – mais en Suisse, y en n’a point comme nous et on s’est senti obligé de mettre le paquet pour faire mieux que le reste.

Donc voilà, hier soir tout le monde s’est plongé sur les chiffres du mois, les résultats du mois, la performance du mois et plus personne ne s’est réellement intéressé à la journée d’hier. Pourtant il y avait de quoi dire. Il y avait de quoi dire et de quoi faire, vu que depuis quelques jours, le niveau de stress est en train de monter à toute vitesse. On se rend compte tous les jours que le rendement du 10 ans US est au bord de l’explosion, les craintes inflationnistes le poussant vers le haut, tout comme les risques de défaut du gouvernement américain.

L’inflation devient vraiment un problème puisqu’il ne se passe plus un jour sans que l’on nous annonce que la production de certains produits devient très compliquée, que la Chine ne sait plus comment produire, que les soucis énergétiques se multiplient, que l’on ne trouve plus de bateaux pour exporter, de containers à remplir et de gens pour mettre les containers sur les bateaux. Sans être un expert, on a quand même un peu l’impression que tout le système est en train de se gripper dans tous les coins et que tous les vaccins du monde, ainsi que tous les stimulus n’y suffiront pas pour redresser la barre. 

Prendre du recul et de la hauteur

Pendant que l’on se plonge dans nos bilans mensuels et dans nos comparaisons avec les autres années, il y a des nouvelles qui passent presque inaperçues, mais qui démontrent tout de même qu’il y a un truc de pourri au royaume de Wall Street. Tenez, hier dans la grande distribution c’était le bain de sang. D’un côté Khol’s  se faisait downgrader massivement par deux banques en même temps, ces dernières estimant que l’avenir ne serait pas rose et que l’angoisse était de mise. Dans la foulée le titre a tout de même perdu 15%. Et dans le même secteur, Bed, Bath & Beyond a fait un profit warning massif, estimant que les ventes étaient en chute libre. En parlant de chute libre, le titre a perdu 22% durant la séance.

Si l’on prend juste le temps d’observer le secteur, on a quand même l’impression que la consommation est au ralenti et que les gens se concentrent principalement sur le remplacement de leur iPhone, mais moins sur les articles de salle de bain. Ceci mis à part, ce n’est pas le seul secteur qui semble plonger dans le potage. Dans le monde automobile, c’est presque pareil. Sauf que cette fois c’est pas les gens qui ne veulent pas consommer, mais les fabricants qui ne peuvent plus livrer. On entend dire depuis plusieurs jours que les prochains chiffres de livraison de Tesla seront tout pourris à cause du manque de composants électroniques et puis, dans la foulée hier Stellantis a annoncé qu’ils fermaient leurs usines Opel jusqu’à début 2022 au minimum.

Ok, c’est une Opel

Bon, alors oui, je le reconnais qui voudrait encore acheter une Opel, on est d’accord. Mais ceci dit il ne faut pas non plus négliger le fait que si Stellantis n’a plus de composants pour Opel, c’est qu’elle doit aussi rediriger ce qu’elle a en stock sur les « autres marques ». On espère juste qu’ils n’ont pas fermé Opel pour sauver les Peugeot 508 Diesel HDI de 110 chevaux. La Peugeot 508 HDI 110 chevaux, c’est celle où il faut appuyer sur l’accélérateur la veille au soir pour être sûr de passer le 0 à 100 en moins de 35 minutes le lendemain matin.

Mais ne critiquons pas. Contentons-nous d’observer la situation et de se dire que c’est pas bon et que ça ne va pas bien. Tout n’est cependant pas tout noir. Il y a aussi le fait que les pétrolières sont en train de faire un carton et vivent un retour en grâce sans précédent. Tout le monde se jette dessus et il ne se passe pas un jour sans que l’on vienne nous fournir une liste de recommandation du style : « les 12 pétrolières qui ont déjà repris 100% mais qui peuvent encore aller à 1’000$ ». Ou d’autres papiers du style : « comment profiter d’un pétrole qui va monter à 150$ ??? » – en tous les cas pas en achetant une voiture avec un moteur V8 , parce que dans les stations-services, ça frise le hold-up actuellement. Et mon petit doigt me dit que si le baril passe les 100$, ils vont carrément conserver vos cartes de crédit comme garantie chaque fois que vous ferez le plein, juste au cas où le baril monterait entre le moment où vous entrez pour payer et où vous ressortez prendre votre voiture. Par contre, il est absolument fascinant de voir que tout le monde se jette sur le secteur pétrolier, mais qu’on ne mentionne que très peu la notion d’investissement durable à ce propos. Tu m’étonnes… Dans ce cas très précis on sait bien que la priorité est quand même de d’abord faire du fric avant de penser à la planète. Pour ce qui est des crises de nerfs de Greta, on verra ça plus tard.

Mois de m…

Bref, tout ça pour vous dire que lorsque l’on regarde les choses avec un peu de recul, tout n’a pas l’air d’être très rose et les choses vont plus en direction de la complication que de la résolution du problème. C’est en tous les cas l’impression que ça donne. Soit, hier les Américains ont au moins trouvé un moyen de continuer à payer les salaires des fonctionnaires et de continuer à injecter du pognon pour faire tourner le gouvernement, mais ils n’ont pas encore trouvé la solution pour régler le problème du plafond de la dette qui doit trouver réponse avant la mi-octobre.

On retiendra quand même que Madame Yellen a proposé un truc assez intéressant : elle propose que l’on fasse carrément sauter le concept de plafond de la dette. Abracadabra et hop, on peut s’endetter à l’infini sans rien demander à personne. L’idée a l’air séduisante, mais les syndicats des journalistes financiers et politiques ont déjà fait part de leur indignation sachant que, du coup, ils n’auraient plus rien à écrire… Trêve de plaisanterie, il se trouve c’est la première fois que l’idée apparaît et il est vrai que vu qu’à chaque fois DE TOUTES MANIÈRES on relève le plafond, pourquoi ne pas le supprimer et gagner ainsi pas mal de temps et brasser moins d’air.

Quoi qu’il en soit, le plus urgent c’est de le relever AVANT de le supprimer purement et simplement. Cela sera donc notre « soucis » principal les deux prochaines semaines. Et ça promet de swinguer, parce qu’entre les problèmes de production, les problèmes d’approvisionnement et les problèmes énergétiques, on peut largement se dire que le mot qui sera le plus utilisé pour le mois d’octobre sera le mot : problème. En tous les cas, si le mois de septembre aura été merdique, les experts pensent que le mois d’octobre sera pareil. Nous verrons bien si la célèbre citation : « Krach en octobre, Noël en décembre » fonctionnera cette année, toujours est-il que les gens sont tous plus ou moins convaincus que ça ne va pas rigoler.

Le Japon au fond du bac

Ce matin c’est le bain de sang au Japon. Le Nikkei est en plongée de plus de 2%, alors que le reste tente de surnager. La Chine et Hong Kong sont fermés pour cause vacances et c’est mieux comme ça. Pendant ce temps l’or tente une remontée à 1752$ mais je crois que plus personne n’y croit et que plus personne ne s’y intéresse depuis bien longtemps.

Le baril est toujours sous les 76.50 – à 75$ pour être précis. On attend simplement le prochain upgrade de Goldman Sachs ou de Morgan Stanley pour lui courir après. Ou à la limite le prochain shortage de pétrole quelque part dans le monde pour s’exciter à nouveau. En parlant de coma, les cryptos-monnaies ne semblent plus rien faire et se contentent de zoner dans un range de plus ou moins 10%. Même le fait que Monsieur Powell ait annoncé hier que la FED n’avait aucune intention de faire disparaître les cryptos et qu’il était plutôt en faveur d’une réglementation, n’a eu quasiment aucun effet sur le secteur. Le Bitcoin est à 43’500$ et l’Ether à 3’000. La société Fundstrat aux USA estime que si la SEC autorise un ETF sur le secteur, ça sera la clé pour aller chercher les 100’000 sur le Bitcoin. Il serait bon que la SEC en question se bouge les fesses, Noël c’est dans 84 jours.

Pour les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour on parle des négociations du plafond de la dette. Biden est un peu coincé dans les cordes puisque les Républicains ne veulent pas voter la hausse du plafond sans la réduction du plan d’infrastructure adoré de Joe Biden. Le match va être passionnant tout en sachant qu’à la fin c’est les Américains qui gagnent. Sarkozy n’ira pas en prison mais se contentera d’un bracelet électronique, comme quoi on est tous égaux, sauf certains qui sont plus égaux que les autres. Autrement l’inflation en Allemagne est en train de partir en vrille ; on parle de 4.1% actuellement… Encore une fois, c’est pas forcément de bonne augure.

Autrement, Zoom et Five9 renoncent à leur merger, trop de problèmes de régulation. Encore une fois, trop de régulations tue absolument toute forme de business et donne simplement envie de partir ouvrir un bar à cocktail sur une plage en attendant la 8ème vague de COVID. À propos de COVID, la NBA a décidé de ne pas salarier les joueurs qui refusent de se faire vacciner. Et puis dans les choses qui sont vraiment importantes, Scarlett Johansson et Disney ont trouvé un accord et les fans de Britney Spears pleurent de joie parce qu’elle n’est plus sous tutelle. Quand on voit ça, on se dit que c’est fascinant comment le monde peut toujours aller un peu plus bas quand on pensait qu’il avait touché le fond depuis longtemps.

Les chiffres du jour

Côté chiffres économiques, aussi surprenant que cela puisse paraître, ni Lagarde, ni Powell ne parleront aujourd’hui. Par contre il y aura le PMI manufacturier en Allemagne, en Europe et aux USA. Pour le moment les futures sont sous l’eau – en baisse de 0.6% – les raisons sont diverses et variées, mais pour l’instant c’est le fait qu’octobre sera pourri, que l’inflation c’est la merde, que les banques centrales perdent le contrôle et que la dette est en train de crever le plafond, mais heureusement, il y a de l’espoir parce que je suis tombé sur une statistique sur CNN, une statistique qui dit que 117.5% des habitants de Gibraltar sont totalement vaccinés.

Il faut admettre qu’ils sont forts. Carrément brillants, il y a des mecs ils se sont vaccinés 2 ou trois de plus pour peser dans la balance. Exceptionnel.

Ceci dit, je vous souhaite une excellente journée, un très bon week-end et à lundi !

Thomas Veillet

Investir.ch

“The difference between fiction and reality? Fiction has to make sense.” —Tom Clancy,