Je ne vous le cache pas : la séance d’hier n’aura pas été la plus excitante de ma carrière et qu’elle n’entrera pas au « Hall of Fame » des journées de bourse les plus « Rock’n roll » de ces 200 dernières années. Mais il faut dire que l’on s’y attendait un peu puisque ce jeudi de novembre, tout est un peu à l’arrêt, puisque les Américains sont tous partis dans leurs familles pour leur dire merci. Enfin, pour ceux qui se parlent encore. La bonne nouvelle c’est qu’à la veille de Thanksgiving, comme ils se barrent tous pendant 4 jours, ils en profitent pour balancer tout ce qu’ils ont comme chiffres économiques en « all inclusive », nous laissant au moins avec pas mal de choses à dire.

L’Audio du 25 novembre 2021

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L’Europe dans le coma

Mais avant toute chose, on va parler de l’Europe qui est dans une espèce de coma profond en attendant de voir à quelle sauce elle va être mangée par nos chers gouvernements respectifs. Après que les Autrichiens aient foutu tout le monde en taule, que les Allemands se demandent comment ils vont faire pour faire pareil sans que l’on se retrouve avec trop d’émeutes dans les rues de Berlin, on attend de voir ce que nous réserve le colonel-ministre Véran en zone libre… Enfin, dans ce qui reste de la zone libre. Passe sanitaire renforcé, troisième dose obligatoire en mode panique, augmentation du prix des tests PCR, sans qu’il n’ait encore le courage de lancer la vaccination obligatoire – parce que tu comprends, y a les élections dans 6 mois et ça serait ballot qu’à cause de ça, le Napoléon qui gouverne la France ne puisse pas redevenir Calife pour 4 ans. En même temps on ne voit pas trop qui pourrait le battre. Mais nous ne sommes pas là pour parler politique, mais plutôt mesures sanitaires qui pourraient avoir un effet momentané sur les bourses européennes.

Donc pendant que l’on attendait les mesures qui vont nous tomber dessus et que l’on savait déjà qu’il n’aurait rien en Suisse, parce que le Conseil Fédéral n’aura jamais les c… euh… le courage de faire quoi que ce soit AVANT les votations de dimanche – comme quoi la trouille, eh ben ça ne se commande pas ! Et puis s’ils gagnent dimanche – ce qui plus que probable – après on n’aura plus que le droit de la fermer et de se mettre au garde à vous devant le gouvernement sa majesté Cassis. En attendant, le marché n’a pas fait grand-chose, si ce n’est baisser encore un peu plus, mais doucement. Et puis quand on a vu que les ricains ouvraient en baisse on a baissé les bras et on est parti du bureau un peu plus tôt pour aller se finir au vin chaud sur les marchés de Noël qui sont fermés à cause du COVID.

La tête qui tourne à New York

Du côté du grand-frère américain, on est tous d’accord sur le fait que les trois-quarts des traders américains ont pris l’avion pour aller chasser la dinde chez papa et maman et que du coup, les volumes étaient un peu maigrelets. Pourtant, avant de partir et sachant que personne ne reviendrait au bureau avant lundi, parce que tu comprends, y a Black Friday entre deux et qu’il faut aller faire chauffer la carte de crédit dans la foule des grands-magasins, histoire d’envoyer balader les gestes barrières et faire grimper le taux d’incidence de ce putain de virus qui n’a visiblement pas fini de nous pourrir la vie, les Américains ont balancé tous les chiffres économiques possibles et imaginables sur la table.

Le problème, quand tu sors 12’000 chiffres économiques en même temps, c’est que tu ne sais plus trop lequel est vraiment important. Ce qu’il faudra surtout retenir c’est que les Jobless Claims sont au plus bas depuis plus de 50 ans – 52 ans pour être précis. On peut donc supposer que l’économie cartonne et que ça rigole dans tous les sens et que MÊME si certains Américains n’ont pas retrouvé d’emploi, ils gagnent tellement de fric sur les forums Reddit et sur les cryptos, ou en traitant des voitures électriques, qu’ils n’ont même plus besoin d’aller demander des indemnités chômage. Vous conviendrez que l’on peut considérer cette nouvelle comme inflationniste.

Mais ça n’est pas tout, il y aussi eu les dépenses personnelles qui montrent que les gens claquent du fric comme des fous et si ça n’était pas pour les chaînes d’approvisionnement qui sont rompues, ils claqueraient encore plus. Ça aussi, vous conviendrez que l’on peut considérer cette nouvelle comme inflationniste. Un poil en tous les cas.

Mais attendez !!! ça n’est pas encore fini !!! On a eu les chiffres des Minutes du FOMC Meeting et en décortiquant les échanges entre les pontes de l’économie américaine, on s’est rendu compte que les mecs, ils commencent gentiment à paniquer. Ça n’est pas encore flagrant et ils ne ressemblent pas encore à un troupeau de dindes à la veille de Thanksgiving quand le boucher rentre dans le parc où elles vivent, mais disons que l’on commence à sentir que l’inflation n’est plus DU TOUT sous contrôle et que la notion de transitoire est devenue aléatoire.

Donc, là aussi, vous conviendrez que l’on peut considérer cette nouvelle comme inflationniste et pas qu’un peu. La logique voudrait donc que l’on analyse cette info comme un risque de voir une accélération du tapering et un risque presque encore plus grand d’envisager qu’éventuellement peut-être, les taux pourraient monter plus vite que prévu. Plus vite que juin 2022 – comme les experts le prédisent.

Et pourtant on n’était pas dans le mood

Si l’on mettait les chiffres bout à bout, il y avait de quoi se faire un bon coup de chaud côté inflation et paniquer une bonne fois pour toute avant d’aller voir papa-maman. Mais en fait non. Je ne sais pas si c’est parce que tout le monde était dans l’avion quand les chiffres sont sortis, où s’ils étaient déjà bourrés au lait de poule, mais à la place de flipper, on a acheté la baisse, histoire de renvoyer le S&P500 au plus haut de tous les temps et de nous faire un reversal sur le Nasdaq qui laisse songeur.

À la fin de la journée, tout semblait parfait dans le meilleur des mondes. Enfin, sauf dans le secteur prêt à porter, puisque depuis que GAP et Nordstrom ont annoncé des chiffres en demi-teinte et osé parler des problèmes de chaîne d’approvisionnement, les deux titres se sont faits massacrés pire que les dindes dont je parlais un peu plus tôt. GAP s’est pris 24% dans les dents et Nordstrom : 29%. Merci d’être venus. Pendant ce temps-là, on apprenait aussi qu’Elon Musk – oui parce qu’une journée sans Elon Musk n’est pas une vraie journée – donc Môssieur Elon Musk a encore vendu pour 1 milliard de dollars d’actions Tesla, mais tout le monde s’en balance. Ah oui, Rivian a encore perdu 4% et Sono Motors, qui avait atteint 46$ en deux jours après une IPO à 16$, eh bien elle est presque de retour au prix d’émission, puisque ça traite à 18$…

Comme quoi des voitures qui marchent au soleil et qui pourraient éventuellement se vendre en 2023, ça ne fait rêver que pendant trois jours. Alors qu’une Ferrari avec un vrai moteur dedans, ça fait rêver pour toujours. Bref, aujourd’hui c’est Thanksgiving.

Et l’Asie

Les actions asiatiques étaient plus faible à l’ouverture, pénalisées par le dollar américain qui continue de grimper –  les investisseurs-visionnaires pariant sur une hausse des taux d’intérêt plus rapide aux États-Unis que dans d’autres grandes économies comme le Japon et la zone euro. Par contre, à l’heure où je vous parle, le Japon est en hausse de 0.7% et s’est bien repris. Hong Kong repasse dans le vert et il ne reste que la Chine, en baisse de 0.10%.

À Hong Kong, on retiendra les actions de Kaisa (l’autre Evergrande) qui rebondissent de 24 % pour le retour en bourse après suspension. Le promoteur chinois en difficulté a déclaré qu’il offrait aux détenteurs d’obligations la possibilité d’échanger leurs créances contre des obligations qui ont une échéance plus longue – comme ça la faillite ça ne sera pas pour tout de suite, juste pour plus tard. L’or est à nouveau en pleine déprime et repasse nettement sous les 1800$, se battant avec la moyenne mobile des 200 jours et des 50 jours qui passent presque au même endroit. Le baril attend la prochaine libération des stocks stratégiques mais ne fait plus rien autour de 78$ et les cryptos semblent avoir trouvé un fond et repartent à la hausse. Attention au rebond final avant la fin de l’année.

Pour ce matin

Evidemment, avec les USA fermés, il ne faut pas s’attendre à des grandes nouvelles. Jamie Dimon, le patron de JP Morgan a encore dit une connerie et s’en excuse auprès du parti communiste chinois, puisqu’il avait dit que JP Morgan survivrait au parti. Très smart. Comme les commentaires sur le Bitcoin à l’époque. Pendant ce temps, l’Inde veut toujours bloquer les crypto-monnaies, mais tout le monde s’en fout. Dans un monde normal, durant une journée normale, on s’occuperait d’analyser les Minutes du FOMC Meeting en détail, mais là on est plus en train de détailler la dinde et de vérifier sa cuisson – y a des priorités et en plus ce soir y a match de foot. De foot US, bien sûr.

Et puis l’OMS encourage les gens COMPLÈTEMENT vaccinés à porter des masques et à respecter les distanciations sociales – et si possible à rester chez eux – sympa le retour à la vie d’avant. Pas d’avant COVID en tous les cas. Pour l’instant les marchés européens ont l’air de vouloir ouvrir en hausse et les futures US sont absents…

En ce qui me concerne, je voudrais vous souhaiter un excellent jeudi, une très belle journée et on se retrouve demain, parce que dinde ou pas, moi je serai là !!!

À demain !

Thomas Veillet

Investir.ch

“Quand on parle pognon, à partir d’un certain chiffre, tout le monde écoute.”

Michel Audiard