Il y a une importante déconnexion entre les investissements nécessaires pour la transition énergétique et l’évolution boursière des titres «verts».
Après une chute de 65% de l’indice WilderHill Clean Energy, avec des reculs de 70%-80% dans l’hydrogène (Plug Power, Ballard Power), il est temps de revenir sur la thématique. Cette évolution boursière ne reflète pas les très importants investissements nécessaires pour arriver à l’objectif d’émissions nettes zéro de CO2 en 2050 défini par l’Accord de Paris sur le climat (2015), objectif qui a été repoussé à 2060 par la Chine, la Russie, l’Arabie saoudite et 2070 par l’Inde.
source: Bloomberg
Cette très nette sous-performance s’est expliquée par
- La formation d’une bulle début 2021 (qui s’est résorbée maintenant),
- Une COP 26 (novembre 2021) très décevante,
- L’échec de Joe Biden à faire passer ses dépenses vertes fin 2021 de $700 milliards intégrées dans le programme Build Back Better,
- Des sociétés de croissance, dont quelque unes font des pertes ou bénéficient d’évaluations boursières élevées (un peu moins maintenant avec la correction), sensibles à la hausse des taux d’intérêt,
- En septembre 2021, la crise du gaz en Europe et celle du charbon en Chine et en Inde ont montré que les énergies fossiles ont encore de beaux jours devant elles et que la transition énergétique globale sera moins rapide que prévu,
- Un changement possible de politique du net metering en Californie (40% des capacités solaires installées aux US) qui réduirait les subventions,
- Les impacts de la pandémie – pénurie des semi-conducteurs, hausse des prix des métaux, dysfonctionnement et hausse des coûts du transport, problèmes de production, retard dans les livraisons – qui ralentissent les ventes et/ou pèsent sur les marges. Certaines sociétés ont averti de problèmes d’exécution. La Solar Energy Industries Association et Wood Mackensie estiment que les installations aux US vont baisser de 15%, soit 25% en-dessous des prévisions faites en septembre dernier.
L’ère de l’énergie propre «bon marché» est pour le moment terminée
Après une décennie de chute des prix sur les panneaux solaires, l’éolien (-48% en 10 ans) ou les batteries, les prix remontent. En 2021, ils ont augmenté de 50% sur les panneaux solaires et de 13% sur les turbines éoliennes. Les matières premières comptent pour 70% dans la fabrication des panneaux solaires, laissant peu de marge de manœuvre pour réduire les coûts; la pénurie de polysilicium a pesé sur les prix. A plus long terme, la hausse des taux d’intérêt rend les projets plus chers. Toutefois, Canadian Solar, un des plus grands fabricants de panneaux solaires, considère qu’il ne fait plus de sens de chercher à baisser les prix constamment; il doit y avoir un coût pour aller vers le vert et la neutralité carbone. Vestas Wind, le numéro 1 mondial des turbines éoliennes, a annoncé qu’il se concentrera dorénavant sur la rentabilité au détriment de la croissance des ventes. Ce qui veut dire, à notre avis, que les États vont devoir subventionner beaucoup plus la transition énergétique et que les prix ne vont plus baisser comme entre 2010 et 2020. Par contre, le prix des batteries devrait continuer de reculer grâce aux nouvelles technologies et à la forte accélération des nouvelles capacités de production.
Nous pensons que les valorisations actuelles intègrent ces facteurs négatifs. Après une période pandémique disruptive, les perspectives s’améliorent sur les fondamentaux des sociétés vertes avec un objectif commun: le maintien, voire l’amélioration, des marges. A court terme, il manque le facteur déclencheur pour une reprise de la thématique verte, mais à moyen-long terme, les investissements seront colossaux pour atteindre les objectifs climatiques. Par exemple, d’ici 2035, les capacités éoliennes offshore installées seront multipliées par 8 selon BloombergNEF, ce qui veut dire, par un raisonnement simpliste, que les revenus des fabricants d’éoliennes (Vestas Wind, Siemens Gamesa et General Electric) devraient également être multiplié par 8.
McKinsey vient de publier un rapport, The net-zero transition, mettant en avant le coût et l’apport pour arriver au scénario du zéro-émissions nettes de CO2 en 2050. Les investissements totaux en actifs physiques entre 2021 et 2050 s’élèveront à $275’000 milliards, soit $9’200 milliards par an. Cela représentera environ 6%-8% du PIB mondial entre 2026 et 2050 selon McKinsey.
Le coût de l’électricité augmentera de 25% entre 2020 et 2040. La transition génèrera une création nette d’emplois de 50 millions, par des gains dans la construction et la gestion des énergies vertes et des pertes dans le secteur des énergies fossiles.
En raison de l’intermittence de la production d’électricité des énergies renouvelables, une gestion globale de l’éolien et du solaire ne peut pas fonctionner sans le Smart Grid, c’est-à-dire un réseau intelligent de distribution d’électricité qui favorise la circulation d’information entre les fournisseurs et les consommateurs afin d’ajuster le flux d’électricité en temps réel. La production d’électricité sera locale et décentralisée.
En conclusion
- Dans les 25 prochaines années, l’humanité va connaître une transition et une transformation énergétique, industrielle et technologique extraordinaires,
- Les investissements seront colossaux. Le marché ne les intègre pas, il reste concentré sur les facteurs négatifs de court terme,
- L’industrie des énergies renouvelables (solaire, éolien) a décidé de ne plus sacrifier les prix pour accélérer les ventes, mais de se concentrer sur la rentabilité. C’est une très bonne nouvelle,
- Opportunités d’achat à moyen-long terme: il faut profiter de la chute des valeurs liées à la transition énergétique pour construire une position durable et significative,
- La hausse des prix des énergies fossiles pourrait être un des facteurs déclencheurs d’un intérêt retrouvé pour la thématique verte. Elle favorise les investissements dans les énergies renouvelables,
- Les principaux sous-segments de la thématique verte sont : les batteries, les EV, l’éolien, le solaire, l’hydrogène, les producteurs d’énergies renouvelables, les métaux, le marché des crédits carbone et le Smart Grid,
- Notre AMC Green New Deal offre une exposition globale à la thématique et une surperformance par rapport à l’indice de référence.
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