Les jours se suivent et ne se ressemblent pas vraiment. La bonne nouvelle, c’est qu’au moins les jours se suivent encore, parce que sinon ça deviendrait vraiment bizarre. Toujours est-il que nous n’avons pas réussi à confirmer le rebond de mercredi. On ne l’a pas effacé non plus, mais l’on notera tout de même que la volatilité dont fait preuve l’Europe est à un niveau que l’on aurait eu de la peine à imaginer il y a encore quelques semaines. Cette proximité de la guerre continue de mettre une pression inhabituelle sur les marchés du vieux-continent – l’ouverture de ce matin devrait se faire dans le rouge et on imagine assez mal passer la journée sans antidépresseurs.

L’Audio du 11 mars 2022

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Où sont les Bulls ?

Techniquement et fondamentalement nous ne sommes pas en Bear Market, on s’en est sorti momentanément avec le rebond stratosphérique de mercredi, mais au niveau des sentiments et du ressentiment, ça y ressemble quand même fortement. Il faut dire que l’ambiance n’est pas bonne. On s’est dégonflé après le rebond de mercredi et il ne faut pas chercher les raisons très très loin.

Toujours les mêmes thèmes

Les sanctions et les retraits qui continuent en Russie, Goldman Sachs et JP Morgan s’en vont et les Russes menacent de saisir les assets des sociétés qui ont quitté le pays – et apparemment les USA recommandent aux Russes de ne pas le faire. Tu m’étonnes. Je n’ose même pas imaginer ce que Biden pourrait faire. Comme déclencher une guerre à la Russie parce que les Russes leur ont piqués leurs 850 McDonald’s !!! On se réjouit déjà de voir les bouquins d’histoire dans 50 ans (bon, en admettant qu’il reste quelque chose de la Terre) :

– En 1941, les Américains sont entrés en guerre parce que les Japonais ont attaqué Pearl Harbor et en 2022, ils sont entrés en guerre parce que les Russes leur ont piqué des burgers.

On voit clairement l’évolution du genre humain.

Et puis il y a Lavrov.

Le Ministre des affaires étrangères russe qui pourrait largement jouer un méchant dans James Bond et dans une demi-douzaine de films, y compris vendredi 13 et massacre à la tronçonneuse, a déclaré que la Russie allait se remettre des sanctions de l’Ouest et couper les liens avec l’occident – pas loin de penser qu’ils veulent reconstruire le mur de Berlin mais à Kiev – enfin, pour le moment.

Bonnes nouvelles et mauvaises nouvelles

Mais il n’y pas que des mauvaises nouvelles ; les marchés US ont terminé en baisse, mais remontaient très fort à la clôture, pas loin de penser que si l’on avait fermé une heure plus tard, ce matin ça ne serait pas pareil. Par contre il n’y a pas que des bonnes nouvelles non plus :  puisque la pression sur les banques centrales est très forte et on se demande ce qu’elles pourraient bien faire pour sauver les miches de l’économie. La BCE a déclaré que l’invasion de l’Ukraine était un « moment important » et que cela affecterait l’économie  (sans blague) – Mais Lagarde devient également un peu plus « hawkish », accélérant son Tapering et laissant poindre une hausse des taux dans les mois à venir. La BCE a également monté ses prévisions d’inflation à 5.1% contre 3.2% auparavant.

D’ailleurs, histoire de se coucher moins bête, saviez-vous que le faucon est « psychologiquement » considéré comme un pyromane, sociopathe et tortionnaire. C’est assurant de savoir que les banques centrales sont rentrées dans ce mode là…

Mais on se demande aussi ce que la FED peut réellement faire ?? Monter les taux de 0.25% ne va pas stopper l’inflation, sans compter que ça n’est pas des réactions instantanées, il faut du temps pour que l’impact d’une hausse de 0.25% se fasse sentir – et statistiquement on n’a jamais vu une inflation pareille sans voir une récession derrière, tout comme on n’a jamais vu le baril de pétrole à de tels niveaux sans voir une récession derrière…

On voit donc très mal comment la récession ne nous tomberait pas dessus dans les mois qui viennent.

Tout n’est pas rose

Pour faire simple, on a des doutes et on se demande si l’accumulation des emmerdements ces 2 dernières années ne commencent pas à peser sur le moral de tout le monde. Investisseurs y compris. Il faut dire que 2 ans de COVID à se faire presser comme des citrons de tous les côtés, suivit par une guerre en Europe, le prix de l’essence qui s’envole et des élections clownesques en France, il ne manquerait plus qu’un débat entre Pécresse et Zemmour en prime time sur TF1.

Les choses paraissent donc très compliquées et le fait d’être un peu partout dans des trends descendants ne rassure personne. Il faudrait que les choses se calment en Ukraine, que le pétrole rebaisse et que les craintes d’inflation s’apaisent. Mais lorsque l’on voit les chiffres du CPI d’hier, avec une inflation toujours au plus haut depuis 40 ans, il clair que ça ne semble pas gagné. Inutile de vous dire que lorsque l’on voit la tronche du pétrole depuis deux mois et celle de certaines matières premières, il ne fallait pas non plus s’attendre à voir autre chose – d’ailleurs le marché ne l’a pas pris plus mal que ça.

En conclusion de la journée d’hier, rien ne bouge sur l’Ukraine – ou plutôt si, les troupes russes s’approchent toujours un peu plus de Kiev et du coup, par l’autoroute, il ne reste plus que 1300 kilomètres pour aller à Berlin avec des camions remplis de briques pour reconstruire le mur – et pendant ce temps, l’inflation est galopante, les banques centrales ont l’air d’avoir les pieds dans le béton, les graphiques ressemblent à des couteaux qui tombent et je crois qu’aujourd’hui je vais me nourrir exclusivement de Xanax.

L’Asie dans le pâté

Ce matin l’Asie est dans le rouge, mais moins pire que quand je me suis levé à 3h30 – les indices remontent même si le Nikkei vient de boucler sa séance en baisse de 2%, les futures américains viennent même de repasser dans le vert. On ne sait pas trop pourquoi, mais en ce moment, poser des questions est très mal vu. C’est surtout en Chine et à Hong Kong que ça pêche et ça pêche parce que les Américains de la SEC s’en prennent aux actions chinoises. Hier l’équipe de Gary Gensler a mis 5 sociétés chinoises cotées aux USA dans le viseur.

La SEC a menacé de délister 5 titres s’ils ne s’alignaient pas aux standards comptables américains – il s’agit de BeiGene, Zai Lab, Hutchmed, Yum China et ACM. Ce ne sont bien évidemment pas les grands noms que tout le monde regarde, mais il n’aura pas fallu longtemps pour que tout le monde tire des conclusions par rapport à Alibaba, Baidu et toute l’équipe des ex-stars chinoises. Alibaba a perdu 7.9%, Baidu 6.3%, Nio était en plongeon de 12%, et Pinduoduo s’est littéralement pété la figure de 17% – même si sur le chart des 12 derniers mois, elle avait déjà tellement baissé que 17%, ça ne se voit même plus. Ces tensions économiques avec la Chine n’aident pas à détendre l’atmosphère et heureusement que Xi Jinping vient de proposer son aide dans le processus de paix entre la Russie et l’Ukraine. Et heureusement que l’on arrive encore à parler de « processus de paix ».

Côté pétrole, on est à 106.75$, l’or est à 1991$ et les cryptos se font encore une fois défoncer, puisque le Bitcoin est de retour pour la xième fois sur les 38’000$.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, il faudra retenir qu’Oracle a raté ses chiffres du trimestre parce qu’il dépensent pas mal de fric pour construire des datacenters un peu partout, le titre s’en sort encore bien – surtout parce qu’ils ont laissé entendre que leur relation avec TIK TOK était excellente – laissant poindre un deal à l’horizon. Le titre a baissé de 8% after close et a tout récupéré après avoir parlé de TIK TOK. Nettement Mieux que Rivian qui a raté son trimestre dans à peu près tous les secteurs. Les analystes attendaient 64 millions de ventes et une perte de 2$ par action. Les ventes ont été annoncées à 54 millions et la perte à près de 5$ par action. Le titre a perdu 6% durant la séance et perdait encore 13% après la clôture. Mais ça vaut toujours 35 milliards de market cap – un peu moins que les 180 milliards d’il y a 4 mois après l’IPO et ils ont livré tout de même presque 1’000 voitures.. c’est de la folie. Bon, au moins c’est des voitures électriques, ça ne pollue pas et il n’y a pas de raison de faire de malaise à la pompe.

Dixit le mec qui va recevoir son nouveau 4×4 avec un moteur V6 essence la semaine prochaine. Toujours été super-fort en timing.

Pour le reste, c’est Ukraine, Russie, Guerre et inflation. Et on peut aussi noter dans un coin que les Anglais viennent de faire appareiller leurs deux porte-avions en même temps pour aller faire des exercices autour de la Norvège avec 28 autres pays. On ne peut pas s’empêcher d’être nerveux en lisant ça.

Chiffres du jour         

Aujourd’hui nous sommes vendredi et mis à part le GDP Anglais et le sommet de dirigeants européens organisé et dirigé par le futur prix Nobel de la Paix à Versailles (au cas où on avait des doutes sur ses rêves de grandeur), il n’y aura rien à se mettre sous la dent. Là tout de suite, je crois que l’on serait prêt à payer pour une journée calme.

D’ailleurs à partir de maintenant, je ne suis plus là jusqu’à lundi où je vous retrouverai avec un immense plaisir à la même heure et au même endroit ! Profitez bien et soyez forts ! 

Thomas Veillet

Investir.ch

« I cannot forecast to you the action of Russia.

It is a riddle wrapped inside a mystery inside an enigma. »

Winston Churchill (1st of October 1939)