Pour ceux qui me suivent depuis longtemps, vous savez que mon « pseudo » - à l’époque – c’était : Morningbull. Ça l’est d’ailleurs toujours sur YouTube. Ce qui sous-entend que suis quand même plutôt du bon côté de la force et que le côté obscur du Bear Market, c’est pas trop mon truc. Vous comprendrez donc aisément que j’aime quand ça monte et qu’en ce moment je me ronge les ongles en marmonnant au fond de ma cave. La journée d’hier était donc censée me remplir de joie et déclencher une vague d’endorphines sans précédent mon système nerveux. Pourtant, autant j’aime quand ça monte, autant hier j’avais un peu l’impression que l’on avait perdu toute rationalité en l’espace de quelques secondes
L’Audio du 10 mars 2022
Oh mon Dieu ! Ils vont se parler
Il n’aura donc fallu que quelques secondes pour passer de l’angoisse de l’embargo pétrolier américain sur le pétrole russe aux sourires d’apprendre que les Russes et les Ukrainiens vont se parler lors d’une réunion en Turquie dans les jours ou les heures qui viennent. Forts de ces deux nouvelles conjointes, le pétrole s’est effondré laissant place à un soulagement lié au fait que l’inflation pourrait ne plus être aussi forte que prévu – on pourrait néanmoins déchanter en allant faire le plein ce matin et en se rendant compte que c’est toujours aussi cher parce que les pétroliers n’ont pas encore eu le temps de baisser les prix depuis hier – et puis le marché était soulagé parce que l’on passait de l’angoisse nucléaire aux espoirs de paix.
Il faut donc bien remettre l’église orthodoxe au milieu du village : pour le moment il n’y a rien de confirmé et rien de changé par rapport à hier. On parle d’un cessez-le-feu mais en attendant, les Russes ont quand même réussi à raser un hôpital pour enfants hier, histoire de montrer que s’ils veulent, ils peuvent. Et puis du côté du pétrole, rien n’est réglé non-plus, si ce n’est le fait que l’on a pris conscience que les exportations pétrolières russes aux States ne sont qu’une goutte d’eau dans la mer et que ce n’est pas ça qui va faire monter le baril au firmament – même si les « experts » ne cessent de venir sur les plateaux télé pour annoncer de nouveaux objectifs tous plus délirants les uns que les autres.
Mais peu importe les certitudes, peu importe ce que l’on sait ou nos propres convictions, les marchés se sont retournés, les algos ont pris les commandes, les shorts se sont couverts et les indices ont littéralement explosé – le DAX et le CAC étaient tous deux en hausse de plus de 7% et plus rien ne faisait de sens. Ça n’était même pas des achats réfléchis depuis longtemps ou le fruit d’une stratégie gravée dans la pierre, non. Juste des rachats mécaniques qui faisaient effet boule de neige et plus ça montait, plus il fallait acheter pour ne pas rater le train. Est-ce bien raisonnable ? L’avenir nous le dira… Mais on peut avoir des doutes sur la durabilité de la chose, même si l’on ne va pas gâcher notre plaisir.
Vendez la nouvelle
Le pétrole s’est donc enfin fait défoncer. Nous, consommateurs, risquons de ne pas ressentir la différence immédiatement à la pompe, parce que cela réduirait d’autant les profits des pétroliers concernés – m’en fiche, j’ai des Total en portefeuille – et puis en plus ça ferait moins de taxes pour payer le gouvernement et ça serait pas gentil pour lui qui fait tout pour nous aider depuis des années. Ceci étant dit, les intervenants se sont quand même sentis soulagés, puisqu’ils se disent que – du coup – l’inflation sera moins forte. Rappelons tout de même que 109$ le baril, ça reste quand même hyper-inflationniste. C’est moins pire que 130, d’accord, mais ça reste cher sachant qu’il y a encore 4 mois, nous étions à 34$. Peu importe, le repli du pétrole ainsi que de la plupart des matières premières était perçu comme une bonne nouvelle, c’est comme ça et puis c’est tout. Reste juste à espérer que les Russes et les Ukrainiens vont s’entendre en Turquie et qu’ils ne vont pas finir la discussion en se balançant les théières en argent à la figure, ce qui rendrait soudainement moins crédible la durée éventuelle d’un cessez-le-feu.
Mais peu importe, pendant que le marché montait dans son délire bullish, que l’on se rendait compte une fois de plus que l’on a une mémoire de poisson rouge – et encore, je dirais même de poisson rouge mort – tout le monde revenait avec un avis sur le pétrole ou sur le prix du litre d’essence à la pompe.
Oui, parce que soudainement, après avoir été experts en COVID pendant des mois, puis « experts » en histoire de la guerre et avoir lu Sun-Tzu 22 fois ces dernières semaines, voici que bon nombre d’entre-nous sont devenus experts en pétrole et en prix de l’essence. On ne peut plus ouvrir Facebook sans tomber sur une photo des prix du carburant de la station d’essence de Chamoson, de Sembrancher, d’Estavayer-le-Gibloux ou de celle de Bevaix, accompagné du commentaire : « Bientôt à 3 frs ? » ou encore : « l’essence devrait monter à 2.75 CHF la semaine prochaine » – dixit l’influenceuse qui vend l’eau de son bain ou celle qui vend ses flatulences en bocal. Et si Monsieur et Madame tout le monde se sont improvisés experts en tout sur les réseaux sociaux, les vrais experts qui sont faux depuis 1’000 ans sur les inventaires pétroliers, continuent de venir polluer les médias avec leurs targets dans tous les sens. Ici 200$, ici 150$ « minimum » et là 300$…
Personnellement, je pense que le baril va à 1000$. Tant qu’à dire n’importe quoi, autant être le premier.
Les politiques aussi
Et le pire, c’est que ça n’est pas tout !!! Même les politiques ont un avis. Alors bon, on sait qu’un politicien, il tourne la veste plus souvent qu’il respire durant la journée, mais hier on a eu « Bruno Le Maire dit le prophète » qui est venu nous annoncer que le prix du litre d’essence serait à 2.80 Euros cet été. DONC… Si j’ai bien tout compris… Personne ne sait ce qui va se passer sur l’Ukraine, personne ne sait ce qui va se passer sur les taux, personne ne sait ce qui se passe dans la tête de Poutine (enfin, sauf François Hollande) et personne ne sait ce qui va se passer avec l’OPEP, l’Iran et si même Biden sera encore vivant cet été – mais ce clown de Le Maire (dit le prophète, je le rappelle) – peut déjà nous dire que l’essence sera à 2.80 Euros le litre cet été. Putain, mais ils sont où les gilets jaunes ??????? Ils sont en train de voter Macron ou bien ?
Bref, le pétrole c’est du tout grand n’importe quoi et on ne sait pas de quoi demain sera fait, mais rien qu’à l’idée qu’il baisse de 14% et que les Ukrainiens et les Russes envisagent de se parler, 80% des composants du CAC40 reprenaient plus de 6% avec des pics au-delà des 10%. Même chose sur le DAX, le Mib et les autres. Je n’ose même pas penser à ce qui se passerait si on nous annonçait un accord de paix dans trois jours et si Poutine démissionnait pour prendre le job de Conseiller Politique auprès de Joe Biden, le marché serait de retour au plus haut de tous les temps d’ici la fin du mois et cela même si Powell montait les taux de 1% la semaine prochaine.
L’Asie suis le mouvement
Si l’on fait les comptes pour ce matin, on notera que le Nikkei reprend 4% mais que c’est nettement plus poussif en Chine et à Hong Kong. Il faut aussi retenir que le pétrole est donc à 109.28$, que les investisseurs sont en train de sortir de tout ce qui est « prudent », « défensif », ou « considéré comme un safe heaven », exit l’or qui est déjà de retour SOUS les 2’000$ et exit le 10 ans US qui offre à nouveau un rendement autour des 1.93%. Par contre on est presque prêt à racheter n’importe quelle techno merdique sous prétexte que Zelensky veut trouver une solution avant de se faire buter par les Spetsnaz. Si vous avez un doute, regardez l’histoire de Bumble.
Bumble c’est une daube qui est sortie en IPO il y a un an. Ça valait 75$ et c’était censé révolutionner la drague en ligne. Un Tinder coté en bourse, mais un Tinder en mieux, parce que Bumble, il paraît que ça marche. Alors perso, je ne sais pas si ça marche, mais le titre s’est fait défoncer la tronche depuis un an – en baisse de 80% depuis l’IPO – et hier ils ont sorti des chiffres merdiques, mais se sont fait upgradés par une banque d’affaire américaine. Le titre a pris 42% sur la nouvelle. 42%… Si on se pose des questions sur l’état de santé mental du marché, j’ai la réponse.
Faut clairement consulter.
Les nouvelles du jour
Dans les nouvelles du jour, on retiendra qu’Amazon annonce ENFIN son split par 20. Depuis 20 ans qu’on attendait ça et après 4500% de hausse. Dans la foulée la société de Jeff Bezos annonce un rachat d’actions de 10 milliards et montre clairement qu’ils n’en n’ont strictement rien à foutre de l’inflation ou de la guerre en Ukraine. Le titre prenait 7% after close hier soir. Ailleurs les organismes de ratings commencent à revoir les notes de la Russie et l’on parle de « défauts » à venir – à moins que l’on trouve une solution dans les 4 prochains jours, ce qui est à peu près aussi probable que Macron ne soit pas réélu dans 50 jours.
Dans le cas d’un défaut de la dette russe, certains fonds comme ceux de PIMCO pourrait perdre des milliards. On notera au passage qu’un fonds de BlackRock sur la Russie s’est également fait allégrement défoncer depuis 3 semaines – puisqu’ils avaient plus ou moins parié sur une résolution rapide de la crise. Et le patron de Volkswagen pense que la crise qui nous attend sera bien pire que celle du COVID – reste à savoir si on pourra quand même aller manger au resto et s’il restera des restos.
Chiffres du jour
Côté chiffres du jour, il y aura le CPI et ça, ça va être rigolo. Pour le reste, le rebond était spectaculaire, les futures ne font rien et va falloir confirmer avec du concret parce que techniquement on n’est pas encore sorti de l’auberge. Du Bear Market – pour le moment, oui – mais pas encore de l’auberge.
Passez une excellente journée et on se revoit demain pour boucler cette semaine bien délirante qui mériterait bien un passage sur le divan d’un psy.
Soyez forts et à demain.
Thomas Veillet
Investir.ch
“It is hard to fail, but it is worse never to have tried to succeed.”
― Theodore Roosevelt