Moi je veux bien être objectif. Je veux bien que l’on ne « sache » pas et que l’on essaie de deviner et qu’en essayant de deviner, on en arrive à dire n’importe quoi. Mais que l’on dise délibérément n’importe quoi en essayant de paraître intelligent, ça me dérange quand même un tout petit peu. Et là, on a vraiment l’impression que certains « experts » du monde de la finance ne savent tellement plus comment se rendre populaires, qu’ils en arrivent à raconter absolument n’importe quoi, tellement n’importe quoi qu’ils ne deviennent même pas n’importe qui. Oui, hier on a eu les chiffres de l’inflation et franchement, il y en a, ils la fermeraient, ça nous ferait des vacances.

L’Audio du 13 avril 2022

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Toujours plus haut

Donc hier les instances gouvernementales ont publié les chiffres de l’inflation. On ne va pas se mentir : c’est dégueulasse. Le taux annualisé est à 8.5% et globalement, on n’avait plus vu ça depuis 40 ans. C’est à peu près le même discours que l’on a tous les mois sur le sujet depuis que Powell s’est rendu compte que l’inflation était vraiment hors de contrôle et que transitoire n’était qu’un fantasme qui lui restait d’une époque que les gens qui n’ont pas connu le COVID ne peuvent pas connaître.

Comme à chaque mois et à chaque publication du CPI aux États-Unis, tout le monde lève les bras et part en courant dans tous les sens en hurlant : « Oh my GOD, oh my GOD », ils hurlent ça tellement fort et tellement souvent que l’on dirait Kim Kardashian qui découvre une boîte de maquillage gratuite dans sa boîte aux lettres. Une boîte de maquillage gratuite et un chèque d’un million de dollars pour se le tartiner sur la tronche pendant une vidéo de 12 secondes sur Instagram, parce que les influenceuses, c’est trop cool.

Des avis et des opinions dans tous les sens

Et comme à chaque mois, on a droit à toute une série de commentaires, tous plus intelligents les uns que les autres. Tellement intelligents que l’on ne se lasse pas de les repasser en boucle, tellement ça ne sert à rien. Tout d’abord, ce qu’il faut tout de même retenir, c’est que même si le chiffre était encore une fois « terrifiant », avec ces 8.5% annoncé, les marchés ont commencé à partir en hausse parce que, je cite :

– « Les commentaires des responsables de la banque centrale américaine – plus communément appelée : la FED – étaient moins pires que prévu. »

Pour faire simple, comme on n’a pas assisté en direct au suicide de Lael Brainard ou de Jerome Powell, on s’est dit que ça allait bien se passer. Et puis au même moment, les rendements du dix ans se sont détendus et les actions sont montées. Enfin, « les actions sont montées » jusqu’à que les rendements remontent et que les actions rebaissent, appliquant le bon vieux concept des vases communicants.

Si vous cherchez une raison du pourquoi et du comment nous sommes repartis à la cave, il faut chercher la raison du côté de Lael Brainard. Le bras droit, ou le bras gauche de Jerome Powell, je ne sais plus, s’est exprimée dans la foulée des chiffres du CPI en disant « qu’il était nécessaire de lutter « promptement » contre la hausse de l’inflation ».

SANS BLAGUES ?????????

Non mais sérieusement ??? SANS BLAGUES ????

L’inflation à 8.5%, le pétrole qui a pris 800% en 24 mois, le plein d’essence qui est devenu tellement cher que t’as meilleur temps de mettre de l’Armagnac 12 ans d’âge dans ton réservoir, les céréales qui deviennent tellement chères que le matin t’as plutôt envie d’aller manger un sanglier entier, plutôt que des Frosties… Et l’autre elle arrive en disant la gueule enfarinée :

« Il faut agir promptement contre la hausse de l’inflation » – c’est tellement con comme déclaration qu’on dirait que c’est le service de communication de Macron qui lui a écrit son discours et que ça a été ensuite vérifié par l’équipe de presse de Valérie Pécresse, puis facturé par McKinsey.

Et c’est pas tout !

Par contre le truc bien, c’est que dans le sillage de Brainard, on a quand même eu droit à des phrases inouïes comme un gérant de portefeuille qui disait que :

« Les commentaires en provenance des responsables de la Fed sont plus conservateurs que les marchés ne l’anticipaient »

SI j’ai bien compris, « agir promptement » c’est conservateur. Par contre si elle avait dit « putain, c’est trop haut, on va tous crever », le marché l’aurait moins bien pris ? C’est ça que l’on appelle la « psychologie de marché » ??? Non, je demande parce que ça fait que 30 ans que je fais ce boulot, alors j’apprends tous les jours.

Les visionnaires

Et puis il y avait les visionnaires qui viennent nous faire partager leur « sachoir » et leurs visions du futur tellement précises que l’on impression qu’ils ont passé le week-end chez Doc Emmet Brown à tester la DeLorean. Parmi eux, il y avait Peter Cardillo de chez Spartan qui disait que :

« L’inflation va perdurer un moment, mais nous pourrions constater un repli lors des mois estivaux, à condition d’avoir une baisse des prix agricoles et énergétiques »

C’est bon ça, non ?

On pourrait avoir moins d’inflation si les biens de consommation deviennent moins cher. C’est impressionnant comme réflexion. C’est un peu comme si je vous dis que si vous pédalez moins fort, vous irez moins vite. Ou l’inverse. Mais bon, les mecs sont payés des millions par année pour nos sortir des trucs pareils et ensuite on s’étonne que les marchés deviennent complètement débiles. Mais c’était sans compter une autre phrase mythique de la journée. Je ne vous donnerais pas son auteur, parce que c’est une perte de temps, mais il a dit :

« Ces chiffres du CPI alimentent le relèvement imminent des taux d’intérêt américains, la FED ne peut pas rester sans rien faire. »

Là, je vous avoue, je reste sans voix. Je ne sais plus comment argumenter et surtout je ne sais pas comment ces mecs ont encore le courage de sortir un mot, puisqu’on dirait que dire un truc d’intelligent est devenu interdit. À ce rythme-là, autant aller faire de la finance sur le plateau de Cyril Hanouna, ça sera tout autant crédible. Parce qu’à ce prix-là, autant avoir l’avis sur la hausse des taux à venir de la part d’une miss qui a participé aux « Marseillais dans le 9-3 » qui a le QI d’une moule avariée.

Non, mais le type est un financier qui a fait Wharton ou Harvard, pour venir nous dire que si le CPI est fort, la FED ne peut pas rester sans rien faire… Moi si je suis son père et que c’est moi qui ai payé ses études, j’exige qu’il me rembourse de suite.

En résumé

Si je résume ce qui s’est passé hier : le CPI est trop haut, l’inflation est ingérable, la FED est à poil et va devoir monter les taux de 0.5% comme on nous le raconte depuis 6 semaines à peu près. On est également en train d’intégrer le fait que la FED va devoir probablement monter les taux de 0.5% à chaque meeting jusqu’à la rentrée scolaire au moins. Chose que l’on nous raconte depuis 3 semaines à peu près. Et puis, pour terminer, on admet aussi que vu la situation dans laquelle nous sommes, il est plus que probable que la FED ait pris trop de temps pour monter les taux et qu’il va falloir mettre les bouchées doubles si on veut espérer ne pas se faire massacrer par une inflation galopante.

Forcément, dans ce genre de situation, les marchés ont baissé, mais pas trop. Pas trop parce que pour être franc.. Entre vous et moi… qui est surpris pas ces chiffres ? Oui, effectivement, personne. Parce que ça fait des semaines que l’on ne parle QUE de ça et que l’on passe notre temps à tergiverser sur l’inflation et la couleur des chaussettes de Powell à chaque témoignage devant le Congrès. Oui, IL N’Y A RIEN DE NOUVEAU SOUS LE SOLEIL DE WALL STREET, ON BRASSE LE MÊME AIR ENCORE ET ENCORE. Je pense d’ailleurs que si quelqu’un peut planter une éolienne sur Battery Park, il y a de bonnes chances pour que l’on puisse régler les besoins énergétiques d’un pays comme la Suisse pour les 22 prochaines années.

Une baisse modérée tout de même

Les bourses mondiales étaient donc toutes en baisse de quelques points parce que l’on savait que tout ce que l’on nous disait n’était pas vraiment nouveau et qu’il fallait juste encore une fois processer la chose et admettre que les taux allaient monter beaucoup ces prochains temps et que ça allait nous faire tout bizarre. On notera d’ailleurs le fait que le marché immobilier américain à l’air de ralentir assez sec. Les taux hypothécaires ayant pris un peu trop l’ascenseur ces derniers temps, c’est soudainement beaucoup moins drôle quand tu dois VRAIMENT payer pour emprunter de l’argent pour payer ta maison.
On retiendra aussi que le pétrole est repassé au-dessus des 100$. À 101.11$ pour être précis. Le baril est reparti à la hausse pour une raison assez folle, qu’on n’avait VRAIMENT pas vue venir :

– le fait que ça n’allait pas être facile de remplacer les barils de pétrole russe qui manquent.

L’OPEP a annoncé hier que ça ne serait pas évident de trouver les 7 millions de barils par jour qui manquaient et qu’en plus, l’accord avec l’Iran semblait être loin d’être conclu. Ce qui est une « monstre » surprise, sachant que ça fait des années que ça patine dans la semoule avec l’Iran et que le management sur place à l’air moyennement arrangeant, il ne fallait pas non plus croire que ça allait se régler comme l’élection présidentielle française avec tous les lèches-bottes du type Sarkozy ou Jospin qui débarquent pour dire que le toy-boy de Brigitte Macron est ce qu’il y a de mieux pour la France et qu’ensuite on va se faire un pique-nique ensemble pour fêter ça.

Pétrole à 200$, inversion de courbe et krach à venir

Non, le pétrole a explosé hier, repasse au-dessus des 100$ et rentre à nouveau en « zone de danger », comme ils disent dans Top Gun. D’ailleurs c’était aussi l’occasion pour Jeff Gundlach qui vient nous annoncer un krach toutes les trois semaines depuis des mois. Gundlach a saisi l’occasion de l’inversion de la courbe des rendements pour revenir nous en expliquer la théorie et nous annoncer la fin du monde assez proche qui nous attend. Je suis d’ailleurs assez inquiet, on n’a pas encore vu Nouriel Roubini avec sa nouvelle théorie sur la disparition des dinosaures et des bourses mondiales.

Ce matin, l’Asie est déjà en train d’inverser la tendance, puisque la FED n’est pas si agressive que ça et que la hausse des taux est bien dans les prix. Le Japon reprend 1.6% pour compenser ce qu’il s’est pris dans les dents ces 3-4 dernières séances. La Chine et Hong Kong ne font rien parce que COVID… Mais tout le monde s’en fout du COVID aujourd’hui, parce que c’est quoi le COVID à côté de la hausse des taux, de l’inflation galopante et du fait que Valérie Pécresse soit ruinée. On parle aussi beaucoup du Bitcoin qui est au bord du gouffre et que s’il casse les 40’000$ à la baisse, il va à 30’000$ selon Fibonacci, MACD, RSI, Stochastics, Warren Buffet, Peter Thiel et Ignazio Cassis.

Nouvelles du jour

Dans les bonnes nouvelles, Poutine estime que les négociations de paix en Ukraine n’ont pas d’issue et que ça va droit dans le mur. Ça laisse présager une trêve de Pâques assez chouette et je crois que le pape peut s’accrocher sa requête derrière les oreilles. Il y aussi pas mal de monde qui se demande ce que va faire Lagarde pour la BCE, sachant que si la FED est en retard, la BCE est probablement restée bloquée à l’époque où Elvis Presley faisait délirer les foules avec ses douces chaussures bleues.

Et puis autrement, on va se concentrer sur les chiffres trimestriels qui vont commencer à arriver sur nos téléscripteurs, en espérant que cela nous permettra de dévier un peu du sujet de l’inflation et des avis des gourous et autres banquiers centraux.

Chiffres et futures

Pour l’instant, les futures sont en hausse de 0.5% et on attend les chiffres de BlackRock, JP Morgan et Delta. Côté macro, cette après-midi c’est le chiffre du PPI – chiffre qui est en amont du CPI. Donc si lui commence à baisser, ça ne sera que du bonheur, mais quand on entend ce qu’on entend, je dirais que c’est pas gagné.

Passez une excellente journée et on se retrouve demain pour de nouvelles aventures. Demain je vous expliquerai comment faire de l’eau tiède.

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« Great minds discuss ideas; average minds discuss events; small minds discuss people. »

Eleanor Roosevelt